Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XIX.djvu/77

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sance : ce n’est pas qu’on eût bon nombre de preuves de l’un et de l’autre…

Elles arrivent quand elles peuvent ces lettres, et mes réponses aussi. Mais laissons là les contre-temps auxquels vous ne pouvez remédier, et jugez seulement de mon exactitude par la vôtre… Vous avez bien fait de vous promener. C’est cette promenade dans les champs qui secoue tout le corps, qui est saine, et non ces allées et ces venues du Palais-Royal, qui fatiguent sans exercer…

Que je vous voie encore tuer quelqu’un sans savoir jusqu’où l’on est coupable, quel rapport il y a entre la faute et le châtiment, et ce que le coupable deviendra dans la suite ! Si ce morceau Sur les probabilités n’est pas envoyé à la reine de Suède, au prince Ferdinand, au roi de Prusse, car ce sont là les correspondants de mon ami[1], vous le verrez quand il en sera temps ; Uranie lira ce qui concerne l’inoculation. Vous aurez aussi vos chansons écossaises ; j’en ai le recueil en entier. Celles qu’on a traduites sont belles ; celles que l’on a laissées ne le sont guère moins ; mais ce qu’il y a de singulier, c’est que presque toutes sont des chants d’amour et funèbres. La première fois, je vous traduirai la première intitulée : Shylvie et Vinivela. Ce qui me confond, c’est le goût qui règne là, avec une simplicité, une force et un pathétique incroyables. Un guerrier partant pour la guerre dit à celle qu’il aime : « Mon amie, donnez-moi le casque de votre père. » L’amie répond : « Voilà son épée, sa cuirasse, son casque. Ah ! mon ami, mon père était couvert de ces armes lorsqu’il perdit la vie… »

J’irai jeudi dîner avec mes petits Allemands ; ils sont charmants. Je n’ai rien à faire à la tragédie qu’ils m’ont traduite ; elle vous plaira comme elle est, j’en suis sûr, et vous l’aurez incessamment.

Non, chère amie, vous avez beau dire, je ne saurais me méfier de personne jusqu’à un certain point. Je suis trop honteux quand ma méfiance se trouve mal placée. Le Breton en usera bien avec moi ; cela me suffit. J’ai seulement l’attention de tourner mes quittances de manière à ce qu’on n’en puisse abuser dans aucune circonstance.

  1. Grimm.