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VII


Juillet 1766.


Ecce iterum Mathanasius.

Je reviens à Polygnote, et je reprends la baguette du moine qui montre aux badauds le trésor de Saint-Denis.

Le lieu de la scène est entre les ruines d’une grande ville et la mer ; c’est, ce me semble, un assez beau site.

On voit au bord de la mer un seul vaisseau, et c’est celui de Ménélas ; j’ai dit qu’il y avait de la finesse à avoir imaginé cet incident ; et je vous demande à vous-même si vous l’eussiez trouvé, si vous eussiez senti que Ménélas devait être entre tous les Grecs le plus embarrassé de son rôle et le plus pressé de partir ; et si vous vous fussiez servi de cet idéal pour désigner l’instant de votre composition ? Soit que vous me répondiez oui, soit que vous me répondiez non, je n’en estimerai pas moins Polygnote.

Sur la planche qui joint le vaisseau au rivage, on voit passer Echœax portant une urne d’airain entre ses bras. Je vous ai demandé si cette figure vous semblait de l’origine d’un art naissant et grossier ? À cela que me répondez-vous ? Que vous ne savez ni où ni quand cela vous a semblé ; ce qui ne signifie rien. Vous ajoutez que mon observation n’est pas d’un artiste : tant pis pour l’artiste, s’il arrive qu’elle soit d’un homme de goût. Partout où il y a des urnes, et des urnes d’airain, des lavacres élevés sur des piédestaux, des trépieds soutenus par des enfants, des casques décorés de serpents, des boucliers enrichis de bas-reliefs, des coiffures de têtes élégantes, le goût de la décoration a fait des progrès. Cependant ce goût étant le reflet des beaux-arts perfectionnés sur les ustensiles communs de la vie, il doit être et il est le dernier qui se produise ; d’ailleurs, cet Echœax passant et portant son urne entre ses bras est une figure élégante, noble, et liant bien la composition.

Amphialus, détendant seul une tente à côté de Politès, de