Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous trouvez bonnes. Je vous entends dire : Quel diable de coq-à-l’âne me fait-il là, avec son four à la glace et son boulanger en chef ? Il est question de peinture et de sculpture, et le voilà qui s’enfourne dans un galimatias inintelligible qui n’y a nul rapport. À la bonne heure, mon ami, mais je n’y suis pas si bien enfourné que je n’en sorte aisément. Si pourtant cet échantillon ne vous donnait pas de goût pour les nouvelles de la Russie, il me serait fort aisé d’en rester là. »


Point de soldats dans une ville prise, dans un départ d’ennemis. C’est ici que je prie Falconet de sentir combien le peintre grec était rigoureux observateur des convenances. On n’est point dans une ville prise, mais dans un camp, et l’absence d’Agamemnon, le général de l’armée, ne dit-il pas que le reste des troupes est ailleurs ? Neuvième inadvertance de Falconet.


« Ménélas, Ajax, Nestor, et tous ces autres capitaines étaient là sans soldat s; ces autels, cette statue de Pallas que Cassandre tient embrassée n’étaient pas dans la ville. Le corps mort du vieux Priam, tué au pied d’un autel ou devant la porte de son palais, n’était pas dans la ville. Le logis d’Anténor n’était pas dans la ville. Courage, Diderot, mon ami, courage. »


Nestor seul ne dit rien. Il prend à la scène la part qu’y devait prendre un guerrier décrépit, sur l’action et l’expression duquel Pausanias ne s’explique point ; et j’ai bien peur qu’on n’accuse mon adversaire d’avoir repris une chose sage et sensée, et qu’on ne me permette de compter sa critique pour une dixième et dernière inadvertance ; d’où il s’ensuit que nous nous sommes de temps en temps, Falconet et moi, occupés à défigurer, à frais communs, l’ouvrage de Polygnote.


« Puisque Pausanias ne s’explique pas, il m’est donc permis de souhaiter que Nestor prenne quelque part à l’acte cruel qui se commet auprès de lui. S’il y prend la part qu’il doit y prendre, je me suis rencontré avec le peintre. Où est mon inadvertance ? Voilà une dizaine que vous avez comptée sans votre hôte ; en vertu du proverbe, vous pourriez bien compter encore une fois, cela fera deux. »


J’aime les arts ; vous, mon ami, vous les illustrez. Je vous dis ce que je pense, et je suis un ignorant. Vous, dont le talent et l’habileté sont reconnus, vous vous plaisez à m’instruire, et je tâche de profiter de vos leçons. Nous nous poussons sans mé-