Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/226

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l’avenir, quand les premiers procédés ne sont pas tels qu’on les attendait. Nous avons si bien mérité qu’on allât même au delà des promesses qu’on nous a faites, que je me persuade qu’on le fera et que je me le persuade sans peine. Et puis je me dis : « L’impératrice est grande et généreuse ; son ministre est honnête homme et bon », et là-dessus je m’endors tranquillement. Mais peut-être l’avez-vous déjà vue, cette grande souveraine, sûrement vous l’avez vu, ce bon général. Hâtez-vous donc de m’apprendre qu’on vous a fait l’accueil que l’on doit au talent, à la probité et aux autres qualités excellentes de mon ami. Mademoiselle Victoire, vous vous impatientez que j’aie pu vous aimer, vous chérir, comme j’ai fait, et écrire une page et demie sans avoir seulement prononcé votre nom. Eh bien, c’est une petite malice. J’ai souvent pensé à Falconet, mais pas une fois sans penser à vous, sans vous regretter aussi, sans vous unir aux souhaits de mon cœur pour sa santé et son bonheur ; soyez heureux l’un et l’autre, soyez-le par tout ce qui vous entourera, soyez-le surtout l’un par l’autre.

J’ai vu M. votre père. J’ai vu aussi votre parente, mon amie. Elle a fait une maladie très-fâcheuse. Mademoiselle Collot, M. votre père est en effet un très-étrange homme. Comme il ne parlait pas de vous en termes convenables, Mme Diderot s’est grippée avec lui et peu s’en est fallu qu’il ne soit arrivé une scène très-violente chez moi. N’oubliez pas, mon ami, que vous me devez la préférence sur tous ceux que vous avez laissés dans ce pays, et qu’un service que je pourrais vous rendre et pour lequel vous vous adresserez à un autre, ce serait une injure cruelle. Mademoiselle Collot, nous vous avons dit, Mme Diderot et moi, jusqu’où vous pouvez disposer de nous. N’en rabattez pas un mot. J’aime Falconet comme mon frère, ma femme vous aime comme son enfant. Je serais bien à plaindre si mon frère était malheureux. Ma femme serait bien malheureuse, si elle apprenait des choses fâcheuses de son enfant. Ne prenez la plume pour me répondre que quand vous serez absolument délivrés de tous les embarras qui vous attendaient en mettant pied à terre. Songez que rien de tout ce qui vous concerne ne peut nous être indifférent. Où demeurez-vous ? où êtes-vous logé ? comment vivez-vous ? Les statues, les plâtres, toutes les caisses sont-elles arrivées à bon port ? À qui avez-vous affaire ? Les gazettes ont