reverrai !… Après dîner, notre tendresse reprit ; mais elle fut un peu moins muette. Je ne sais comment le Baron, qui est un peu jaloux, et qui peut-être est un peu négligé, regardait cela. Je sais seulement que ce fut un spectacle bien doux pour les autres ; car ils me l’ont dit. Enfin, chère amie, il est ici ; quand il a su que vous y étiez aussi, il m’a dit : Et que faites-vous donc dans ces champs !…
On en a usé avec nous comme avec un amant et une maîtresse pour qui on aurait des égards ; on nous a laissés seuls dans le salon ; on s’est retiré, le Baron même. Il faut que notre entrevue l’ait singulièrement frappé. Mais à propos du Baron, le lendemain de son incartade, il entre chez moi le matin, et il me dit : « Il est une mauvaise qualité que j’ai parmi beaucoup d’autres que vous me connaissiez déjà : c’est que, sans être avare, je suis mauvais joueur ; je vous ai brusqué hier, bien ridiculement ; j’en suis bien fâché. » Comment trouvez-vous ce procédé ? Très-beau, je pense ! Adieu, ma Sophie ; estimez le Baron : si vous le connaissiez, vous l’aimeriez trop.
XIX
La chaleur d’hier au soir est bien tombée. Je ne sens plus ce matin qu’une chose, c’est que je m’éloigne de vous. Tandis que M. de Montamy[1] et le Baron prennent des arrangements pour la distribution d’un cabinet d’histoire naturelle qui est resté enfermé dans des caisses depuis dix ans, je m’amuse à causer encore un moment avec vous. Ne trouvez-vous pas singulier que l’histoire naturelle soit la passion dominante de cet ami ? qu’il se soit pourvu à grands frais de tout ce qu’il y a de plus rare en ce genre, et que cette précieuse collection soit restée des années entières dans le fond d’une écurie, entre la paille et le fumier ? Les goûts des hommes sont passagers : ils
- ↑ Voir sur M. de Montamy le t. X. (L’histoire et le secret de la peinture en cire.)