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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/422

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amender. Il nous est venu aujourd’hui, de Sussy, la compagnie la plus brillante. Il n’a tenu qu’à vous que je fusse charmant. On nous a présenté une Anglaise vraiment anglaise : de grands yeux, un visage ovale, une petite bouche, de belles dents, la taille la plus menue ; mais cela est bien raide, bien empesé, bien sérieux. Les hommes jouent au billard, les femmes sont autour de la table verte, et moi je ne sais que faire. Sortir ? On ne mettrait pas un chien à la porte. Lire ? je ne m’entendrais pas. Causer ? je ne saurais m’y résoudre. Travailler ? je l’ai essayé inutilement. Je veux lire de vos lettres ; mais il ne m’en viendra point ; je me le dis ; j’en suis convaincu. Avec cela, j’en attends toujours ; non, je n’en attends plus. Vous me faites passer de cruels moments. Celle-ci vous parviendra par un ami de la maison, il vous l’enverra. Je vais le charger de prendre votre réponse. Je lui écris pour cela ; et voici ce que je lui écris :

« Je vous prie, monsieur, de faire passer cette lettre à son adresse. J’espère qu’on y répondra. En ce cas, vous apporterez vous-même la réponse si vous venez, ou vous la joindrez aux lettres de Mme d’Aine, si votre arrivée ici se différait de plusieurs jours. »

Je le prie aussi de voir chez le directeur de la poste de Charenton. En vérité, mon amie, voici ce qui va arriver : l’impatience me prendra, un beau matin je m’habillerai, et je partirai pour Paris. Ne m’aimez-vous plus ? dites-le-moi. Vous serait-il arrivé quelque chose que vous rougiriez de m’apprendre ? Ne faudra-t-il pas que vous me l’avouiez ? Faites-le plus tôt que plus tard. Mais je suis fou ; il n’est rien de tout cela ; c’est autre chose que je n’entends pas, et qui s’éclaircira sans doute. Adieu ! le commissionnaire de Mme d’Aine attend ce billet pour partir. Puisse-t-il être plus heureux que les précédents !


XXIV


Au Grandval, le 20 octobre 1759.


Vous vous portez bien, vous pensez à moi, vous m’aimez, vous m’aimerez toujours. Je vous crois ; me voilà tranquille, je