Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/430

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— Eh bien ! philosophe, vous disiez donc que plus il y aura de penseurs à Constantinople, moins on fera de pèlerinages à la Mecque. — Oui. — Je suis de son avis. — Je pense même que, quand il y a dans une capitale un acte religieux annuel et commun, on peut le regarder comme une mesure assez sûre du progrès de l’incrédulité, de la corruption des mœurs et du déclin de la superstition nationale. — Comment cela ? — Le voici : supposons, par exemple, qu’il y eût en 1700, trente mille pèlerinages à la Mecque, ou trente mille communions sur une paroisse, et qu’en 1750 il ne se fît plus que dix mille pèlerinages et dix mille communions, il est certain que la foi, et tout ce qui y tient, se serait affaibli de deux tiers.

— Mademoiselle Anselme. — Madame. — Vous avez bien le plus vilain cul qui se puisse. — En vérité, ma belle-mère, vous êtes d’une folie ! — Au sérail, mon gendre ! Oh ! mademoiselle, un très-vilain cul. — Je ne m’en soucie guère ; je ne le vois pas. — Mais c’est qu’il est noir, ridé, maigre, sec, petit, plissé, chagriné ! Si saint Pierre le savait, il en rabattrait un peu. — Elle a un si joli visage ! comment aurait-elle un si vilain cul ? — Voilà mon philosophe qui m’a devant lui, et qui conclut du visage au cul. Tant y a que le sien est fort laid et que je m’en crois, car je l’ai vu. — Vous l’avez vu, madame ? — Oui, je l’ai vu..... toute la nuit en rêve.

— Eh bien ! philosophe ? — Je ne sais plus où j’en suis. — Et laissez là ces folles. — Ma foi, elles parlent d’un cul qui m’a tourné la tête. — Vous en étiez à l’acte religieux annuel, et au déclin de la superstition nationale. — M’y voilà. Je pense que ce déclin a un terme ; les progrès de la lumière sont limités ; elle ne gagne guère les faubourgs. Le peuple y est trop bête, trop misérable et trop occupé : elle s’arrêta là ; alors le nombre de ceux qui satisfont, dans l’année, à la grande cérémonie est égal au nombre de ceux qui restent, au milieu de la révolution des esprits, aveugles ou éclairés, incurables ou incorruptibles, comme il vous plaira. — Ainsi voilà le troupeau de l’Église. — Il peut s’accroître, mais non diminuer. — La quantité de la canaille est à peu près toujours la même.

— Écoutez, madame, écoutez. — Je m’ennuie assez sans cela. Il ne me fallait plus que la Socoplie..... J’étais faite cette année pour voir de vilains culs..... Il y a deux mois que j’étais