Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/437

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elle regardait à terre une mare énorme, et elle disait d’un ton de surprise : Mais ! madame. — Eh ! mais, oui..... C’est moi, c’est l’abbé : des souliers, des bas, des cotillons, du linge.

Mme  de *** est honorable ; le petit prêtre est pauvre. Dès le lendemain il eut ordre d’acheter un habit complet. Comment trouverez-vous cela, mesdames de la ville ? Pour nous, grossiers habitants du Grandval, il ne nous en faut pas davantage pour nous amuser et le jour et le lendemain.

Oui, mon amie, oui, j’ai reçu toutes vos lettres ; je suis tranquille ; je suis heureux autant qu’on peut l’être loin de celle qu’on aime bien. Je souhaite que la lecture de l’Esprit continue de vous plaire. Si l’auteur n’a pas eu le suffrage de Grimm, et qu’il vous connût, il s’en consolerait un peu par le vôtre. Je nous vois, vous et votre mère ; j’entends d’ici les mots qui rompent par intervalle le silence de votre retraite. Vous vous trompez ; Mme  de Saint-Aubin ne pense plus à moi ; elle a découvert, au bout de trente ans, que le bruit du trictrac lui faisait mal à la tête, et nous n’y jouons plus. Je vous rends tout ce qui se fait ici mot à mot ; et vous vous en amuserez parce que c’est votre ami qui vous parle.

Il est vrai que j’attendais M. de Berlize avec impatience. Il a mis de l’importance et du mystère à sa fonction ; il m’a donné la lettre de Grimm devant tout le monde, et il a attendu que nous fussions seuls pour me remettre la vôtre. Encore un petit moment, et j’accourrai, et je vous porterai une bouche innocente, des lèvres pareilles, et des yeux qui n’ont rien vu depuis un mois. Que nous serons contents de nous retrouver !…


XXVI


Le 1er novembre 1759.


On se promène presque en tout temps à la campagne. S’il fait un rayon de soleil, on en profite. Je travaille beaucoup, et avec agrément. Je vois ma besogne tirer à sa fin. D’un assez grand nombre de morceaux de philosophie, il ne m’en reste que