Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/535

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Céladon sera vengé par Hylas ; et c’est alors que le temps de pleurer Céladon sera venu. On reçoit avec plaisir le grimoire. Cela me chagrine : c’est qu’il faut ne rien recevoir ou répondre. Elle vient de pousser l’un sous la tombe, et la voilà qui mène l’autre aux Petites-Maisons. Je n’aime pas ces gens-là ; ils sont cruels. Je vous ai dit le mot d’une femme que je ne compare en rien à Uranie.

Elle ne reviendra donc pas avec vous ? J’en suis fâché. On n’était pas digne de la connaître, quand on peut s’en passer. Oui, vraiment, ce serait une chose bien douce que la vie comme vous la projetez à Isle ou aux environs de Pékin ; mais les affaires de Dorval et la jalousie de Morphyse ne nous permettront jamais d’être heureux. Morphyse n’est pas faite pour être négligée. Pourrions-nous avoir du plaisir et lui voir de la peine ?

Pour Dieu, mon amie, ne comptez jamais sur M. Gaschon. C’est un esclave qui porte deux chaînes. Il a celle de l’intérêt à une jambe, et celle du plaisir à l’autre jambe, d’où elle va faire ensuite cent tours sur le reste de son corps. On ne se tire pas de là. Notre translation à Avignon est un conte. Il n’y a pas plus loin d’ici à Pékin que d’ici à Avignon. À propos, si c’est aux environs de Pékin que nous allons, il faut que vous laissiez ici vos pieds ; les femmes n’en portent point. Là tout vient à elles ; elles ne vont à rien. Mlle Boileau disait qu’elle aime assez aller et venir. Mme Le Gendre, elle, en sera toujours pour attendre.

J’ai lu votre Mémoire. Je n’y ai rien appris ; vous avez tout dit ; mais votre lettre à M. Fourmont m’a fait concevoir que, justice à part, madame votre mère, par intérêt pour son gendre, ne peut accéder aux propositions qu’on lui fait. Si la fortune de M. de Solignac est mal assise, vous risquez tout ; si on le trompe, et qu’on le ruine, vous y donnez les mains. Mais je voudrais bien que cet homme s’expliquât avec vous sur cette générosité à se départir de cinq à six cent mille francs qui lui sont dus.

S’il me convient d’être toujours aimé à la folie ? Il ne me convient d’aimer toujours et d’être toujours aimé que comme cela. Vous savez bien que toutes les petites passions compassées me font pitié. Je crois vous en avoir dit les raisons. Ajoutez qu’elles exigent autant que les grandes, et ne rendent presque rien.