Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/70

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vrais livres illicites, prohibés, pernicieux, pour un magistrat qui voit juste, qui n’est pas préoccupé de petites idées fausses et pusillanimes et qui s’en tient à l’expérience, ce sont les livres qu’on imprime ailleurs que dans notre pays et que nous achetons de l’étranger, tandis que nous pourrions les prendre chez nos manufacturiers, et il n’y en a point d’autres. Si l’on met entre l’autorisation authentique et publique et la permission tacite d’autres distinctions que celles de la décence qui ne permet pas qu’on attaque avec le privilège du roi ce que le roi et la loi veulent qu’on respecte, on n’y entend rien, mais rien du tout ; et celui qui s’effarouche de ce début ne doit pas aller plus loin ; cet homme n’est fait ni pour la magistrature ni pour mes idées. Mais si vous avez, monsieur, L’âme ferme que je vous crois et que vous m’écoutiez paisiblement, mon avis sera bientôt le vôtre, et vous prononcerez comme moi qu’il est presque impossible d’imaginer une supposition d’un cas où il faille refuser une permission tacite ; car on n’aura certainement pas le front de s’adresser à vous pour ces productions infâmes dont les auteurs et les imprimeurs ne trouvent pas assez profondes les ténèbres où ils sont forcés de se réfugier, et qu’on ne publierait en aucun lieu du monde, ni à Paris, ni à Londres, ni à Amsterdam, ni à Constantinople, ni à Pékin, sans être poursuivi par la vengeance publique, et dont tout honnête homme rougit de prononcer le titre.

La permission tacite, me direz-vous, n’est-elle pas une infraction de la loi générale qui défend de rien publier sans approbation expresse et sans autorité ? Cela se peut, mais l’intérêt de la société exige cette infraction, et vous vous y résoudrez parce que toute votre rigidité sur ce point n’empêchera point le mal que vous craignez, et qu’elle vous ôterait le moyen de compenser ce mal par un bien qui dépend de vous.

Quoi ! je permettrai l’impression, la distribution d’un ouvrage évidemment contraire à un culte national que je crois et que je respecte, et je consentirai le moins du monde qu’on insulte à celui que j’adore, en la présence duquel je baisse mon front tous les jours, qui me voit, qui m’entend, qui me jugera, qui me remettra sous les yeux cet ouvrage même. Oui, vous y consentirez ; eh ! ce Dieu a bien consenti qu’il se fit, qu’il s’imprimât, il est venu parmi les hommes et il s’est