Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/77

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un vol que le magistrat préposé à la police de la librairie doit châtier d’autant plus sévèrement qu’il ne peut être poursuivi par les lois. La nature de l’ouvrage qui empêche une action juridique ne fait rien à la propriété.

Si l’ouvrage prohibé dont on sollicite ici l’impression a été publié chez l’étranger, il semble rentrer dans la classe des effets de droit commun ; on peut en user comme le règlement ou plutôt l’usage en ordonne des livres anciens : la copie n’a rien coûté au libraire, il n’a nul titre de propriété ; faites là-dessus tout ce qu’il vous plaira, ou l’objet d’une faveur, ou la récompense d’un libraire, ou celle d’un homme de lettres, ou l’honoraire d’un censeur, ou la propriété du premier occupant ; mais, encore une fois, ne souffrez pas qu’on les mutile.

Mais plus je donne d’étendue aux permissions tacites, plus il vous importe de bien choisir vos censeurs. Que ce soient des gens de poids par leurs connaissances, par leurs mœurs et la considération qu’ils se seront acquise ; qu’ils aient toutes les distinctions personnelles qui peuvent en imposer à un jeune auteur. Si j’ai, dans la chaleur de l’âge, dans ce temps où pour ouvrir sa porte à la considération, on fait sauter son bonheur par la fenêtre, commis quelques fautes, combien je les ai réparées ! Je ne saurais dire le nombre de productions de toutes espèces sur lesquelles j’ai été consulté et que j’ai retenues dans les portefeuilles des auteurs, en leur remontrant avec force les persécutions auxquelles ils allaient s’exposer, les obstacles qu’ils préparaient à leur avancement, les troubles dont toute leur vie se remplirait et les regrets amers qu’ils en auraient. Il est vrai que j’en parlais un peu par expérience ; mais si j’ai réussi, quels services ne serait-on pas en état d’attendre d’hommes plus importants ?

Quand j’ouvre mon Almanach royal et que je trouve, au milieu d’une liste énorme et à côté des noms de MM. Ladvocat, bibliothécaire de Sorbonne, Saurin, Astruc, Sénac, Morand, Louis, Clairaut, De Parcieux, Capperonier, Barthélemy, Béjot et quelques autres que je ne nomme pas et que je n’en révère pas moins, une foule de noms inconnus, je ne saurais m’empêcher de lever les épaules.

Il faut rayer les trois quarts de ces gens qui ont été revêtus de la qualité de juges de nos productions dans les sciences