Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/90

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Polygnote. Les lettres de Diderot s’arrêtaient en 1773, avant son départ pour la Russie ; Mme de Jankowitz, obéissant à un scrupule filial exagéré, avait brûlé les autres autographes de Diderot et les copies que Falconet avait gardées de ses réponses. Personne ne pourra donc savoir au juste à quel moment et pour quel motif éclata la rupture que l’on pressent dans les dernières pages de la correspondance imprimée.

Malgré cette irréparable lacune, les documents épargnés présentaient l’intérêt le plus vif et, par bonheur, tombaient entre des mains dignes d’en tirer le meilleur parti. M. Cournault publia d’abord dans la Revue moderne[1] toute la correspondance intime des deux amis, puis, dans la Gazette des Beaux-Arts[2], une étude biographique très-complète sur Étienne-Maurice Falconet et Marie-Anne Collot, que nous avons souvent mise à contribution ; mais les épreuves des textes de la Revue moderne n’avaient pas été communiquées à M. Cournault ; il en résultait un grand nombre de fautes et même d’interpolations que celui-ci avait loyalement signalées à M. Assézat. Nous avons collationné ces textes sur les originaux du Musée Lorrain et nous osons croire qu’à part les différences orthographiques, dont nous ne tenons pas compte, nous en offrons une leçon rigoureusement exacte.

Telle qu’elle nous est parvenue, cette correspondance présente deux parts bien distinctes : l’une quasi officielle et publique qui dura jusqu’au départ de Falconet ; l’autre tout à fait intime et d’autant plus précieuse. La première était assurément celle à qui le sculpteur attachait le plus de prix ; il en fit faire plusieurs doubles et écrivit une sorte de postface intitulée Avertissement qui nous apprend l’origine même de ces démêlés et la forme qu’ils prirent : « … Diderot, le philosophe, et Falconet, le statuaire, au coin du feu, rue Taranne, agitaient la question si la vue de la postérité fait entreprendre les plus belles actions et produire les meilleurs ouvrages. Ils prirent parti, disputèrent et se quittèrent, chacun bien persuadé qu’il avait raison, ainsi qu’il est d’usage. Dans leurs billets du matin, ils plaçaient toujours le petit mot séditieux qui tendait à réveiller la dispute. Enfin la patience échappa ; on en vint aux lettres. On fit plus : on convint de les imprimer. Peut-être y avait-il dans les unes et les autres quelques idées assez peu communes pour mériter d’être contredites, attendu que la contradiction fuit les idées courantes. Toujours est-il certain que de la part de M. Diderot, jamais sujet ne fut traité d’une manière plus intéressante et plus du ton de la franche amitié. »

Le projet de publication en resta là tout d’abord : Falconet partit

  1. 1er novembre et 1er décembre 1806, 1er janvier et 1er février 1807.
  2. Tome II (2e période), 1869, p. 117-144.