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Diderot arriva en Russie. L’inscription qui devait être gravée sur le socle préoccupait Catherine qui, le 18 août 1770, écrivait à Falconet :

« N’ayez pas peur que je donne dans l’absurdité des inscriptions qui ne finissent pas. Je n’ai jamais pu entendre jusqu’au bout celle dont vous me faites mention. Je m’en tiens à celle que vous savez, en quatre mots : Petro Primo Catharina secunda. »

Diderot en proposa deux, l’une qui manquait de concision : Petro nomine primo monumentum consecravit Catharina nomine secunda, l’autre, aussi pesante que le rocher dont elle évoque l’image : Conatu enormi saxum enorme advexit et subjecit pedibus heroïs redivira virtus !

Toutes deux furent rejetées. Ce léger échec le blessa moins que la réception de Falconet chez qui il comptait loger ; celui-ci s’excusa de ne pouvoir lui donner la chambre dont il avait disposé pour son fils qui venait également d’arriver. Diderot s’en fut chez M. de Nariskin qui le garda jusqu’à son départ. « La lettre que mon père écrivit à ma mère sur la réception de Falconet est déchirante, dit Mme de Vandeul. Ils se virent pourtant assez souvent pendant le séjour de mon père à Pétersbourg, mais l’âme du philosophe était blessée pour jamais. »

La rupture n’éclata que dans les premiers mois de 1774 ; car la dernière lettre de notre série est datée du 6 décembre 1773, et l’on ne se douterait guère en la lisant du ressentiment de celui qui l’écrivit. Il y reprend la vieille querelle de la prétendue supériorité des anciens sur les modernes ; il loue Falconet d’avoir osé confier l’exécution de la tête du czar à Mlle Collot ; il s’y montre, en un mot, ce qu’il était jadis rue Taranne ou dans la « chaumière » de la rue d’Anjou. Mais le charme était rompu ; le pieux auto-da-fé de Mme de Jankowitz permet précisément de croire que son aïeul dépassa peu après toute mesure. La blessure, cette fois, ne se referma pas et les deux amis ne se revirent jamais.