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bien aussi quelques engagements à remplir avec moi : Je me flatte que vous ne les aurez pas mis en oubli. Oserais-je vous prier de présenter mon respect aux aimables convives de M. le général, et d’accepter celui, avec lequel je suis et serai fort profondément toute ma vie, mon Prince, etc., etc.


LXXX

À EMMANUEL BACH[1].


Je suis Français. Je m’appelle Diderot. Je jouis de quelque considération dans mon pays comme homme de lettres ; je suis l’auteur de quelques pièces de théâtre, parmi lesquelles le Père de famille ne vous sera peut-être pas inconnu. Je viens de Pétersbourg en robe de chambre et sans une pelisse, en poste

  1. Ce curieux billet nous est communiqué, au dernier moment, par M. le baron F. de Marescot, qui l’a extrait pour nous d’un Recueil inédit de nouvelles à la main adressées, du 2 janvier au 25 juillet 1774, à un sieur Bidaut, « écuyer, huissier de la chambre du Roi, rue de Marly, à Versailles ». Il est précédé des lignes suivantes :

    « Le fameux Diderot, qui a voyagé en Russie pendant quelque temps, est actuellement à la Haye. Ce philosophe, en passant à Hambourg, a envoyé deux lettres à M. Bach, maître de chapelle de cette ville ; l’une d’elles nous a paru si bonne que nous n’avons pu nous refuser au plaisir de la transcrire ici. »

    M. de Marescot veut bien emprunter pour nous au même Recueil le passage suivant, daté du 27 janvier 1774, qui se termine par un quatrain fort galamment tourné :

    « M. Diderot, l’un des chefs les plus célèbres des philosophes de notre siècle, a échappé à la maladie dangereuse qu’il a essuyée à Neufchâtel [La Haye] ; il se porte actuellement très-bien. Il s’est rendu auprès de l’impératrice de Russie, qui a donné des ordres pour qu’il fût défrayé dans toute sa route. On assure qu’il est occupé à la composition de quelques pièces de théâtre pour le couvent des Dames nobles ; il parviendra peut-être à naturaliser son Fils naturel qui n’a pu l’être parmi nous, et il est même possible que le Moscovite épouse ce genre convulsif de drame qui déchire les âmes pour donner du sentiment. M. Diderot a fait, en se promenant dans le palais de l’impératrice de Russie, l’impromptu que l’on va transcrire et l’on n’oubliera pas que ce philosophe et ses sectateurs ont toujours eu en horreur tout ce qui pouvait être suspect de flatterie :


    Ils sont bien vastes, ces palais,
    Mais ils le seraient davantage,
    S’il fallait y placer l’image
    De tous les heureux qu’elle a faits.