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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XX.djvu/33

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Baron contient, je vous le remettrai cacheté ; mais il m’a semblé, par quelques mots de Mme d’Aine qu’il croit juste, qu’on sait ici que nous nous écrivons. Je ne vous ai rien dit du roi de Pologne, parce que, quand il s’agit de sa maîtresse, c’est une belle foutue guenille qu’un roi. Je penserai à votre roi, quand mon âme m’en aura laissé le loisir. Oui, vraiment, j’ai le cœur dur comme un caillou ; cela est au point que, quand je me lève le malin, je crois qu’on m’a volé pendant la nuit celui que j’avais, et qu’on m’en a donné un autre, et je n’en suis pas plus content, car je tenais beaucoup au mien. J’espère le retrouver auprès de vous. On m’a envoyé le papier de Félix ; mais on aurait bien fait d’y joindre celui d’Olivier que j’avais demandé, afin de donner aux deux contes un peu d’unité. N’importe, je me passerai de celui qui me manque, et je ferai de mon mieux. Ma santé serait mauvaise, si cela se pouvait ; je me porte bien, malgré moi ; car je ne me soucie plus de moi. Je fais ici un travail immense, et en même temps deux ou trois indigestions les unes sur les autres. Je n’aurai parlé que pour m’affranchir des petites servitudes et disposer plus entièrement de mes journées. J’ai mis au net le Traité d’Harmonie de Bemetzrieder ; c’est, si je ne me trompe, un bel et charmant ouvrage. Si vous pouviez y donner un coup d’œil avant qu’on ne l’imprimât, cela serait bien ; mais je n’ose l’espérer ; vous avez tout gâté avec votre bribe louée et puis non louée. J’ai donné mes trois fêtes au Baron ; comment diable voulez-vous à présent que je les retire, lorsqu’on en a fait presque des feux de joie ? Je crains bien, mon ami, que je ne sois tenté de rester où je fais le bien, où j’ai établi le repos ; cela vaut mieux que d’aller chercher de la peine à Paris où je ne reparaîtrai qu’à la Saint-Martin. Envoyez, s’il vous plaît, de la musique à ma fille, et si vous m’écrivez encore, ce que je désire beaucoup, dites-moi qu’elle se porte bien. Bon gré, mal gré, vous partagerez avec elle la portion de tendresse qu’on me restituera moitié par moitié ; je crève de nouvelles à vous apprendre. J’ai reçu dans la maison une lettre que j’ai gardée pour vous la montrer ; vous verrez par là combien il importait que j’arrivasse et combien il importe peut-être que je reste. Tâchez de faire entendre cela à notre amie. Je voudrais que ce foutu musicien de Bâle fût au fond de la rivière. Je fais tout si négligemment, que j’allais oublier de vous dire