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vous estime pour votre esprit et vos talents ; faites que je vous révère pour votre bienfaisance. Il y a près de quarante ans que je connais l’honnête et habile artiste pour lequel j’intercède. Je vous confie sous le secret (car un mot suffit pour gâter la meilleure action) que cet artiste me coûte plus de deux cents louis. Je l’ai fait travailler pour moi toutes les fois qu’il manquait d’ouvrage. Je ne vais jamais chez lui sans me rappeler le mot de Socrate qui disait que l’avare était celui qui craint d’avoir un ami pauvre. Bonjour, monsieur le chevalier ; je vous salue et je vous embrasse.

Les quinze jours de répit que vous m’avez demandés sont expirés.


LXXVII

À L. S. MERCIER.[1]
Lundi.

Je n’ai pu, monsieur et cher confrère, répondre plus tôt à votre billet. J’ai passé l’année tout entière à la campagne avec moi seul en assez mauvaise compagnie d’abord, mais sans cesse occupé du soin de la rendre meilleure. Je suis arrivé hier au soir, afin d’embrasser ma femme, mes enfants et petits-enfants, et arranger quelques petites affaires domestiques. J’y retourne ce soir ; et ne croyez pas que je sois insensible au plaisir de voir une femme qui réunit les qualités dont l’éloge de chacune séparée suffirait à la plupart de celles que nous voyons et que nous estimons ; mais il y a des devoirs à remplir de préférence à tous ; celle qui m’abandonne la jouissance, fort au-dessus de la propriété, de ses bâtiments, de ses chevaux, de ses jardins est malade ; on ne m’a laissé revenir à la ville qu’à la condition que je ne lui ravirais qu’un très-court intervalle. Je vais méditer avec Sénèque, dont j’ai commencé la lecture, les grandes leçons de la vie et les pratiquer à côté d’une bonne amie. Je

  1. Inédite. Collection d’autog. de la bibliothèque Victor Cousin. La suscription porte : À Monsieur, Monsieur Mercier, rue des Noyers. Maison de M. Hébert.