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Hobbes, Philosop. Probl. c. I. p. 3. attribue l’accélération à une nouvelle impression de la cause qui produit la chûte des corps, laquelle selon son principe est aussi l’air : en même tems, dit-il, qu’une partie de l’atmosphere monte, l’autre descend : car en conséquence du mouvement de la terre, lequel est composé de deux mouvemens, l’un circulaire, l’autre progressif, il faut aussi que l’air monte & circule tout à la fois. De-là il s’ensuit que le corps qui tombe dans ce milieu, recevant à chaque instant de sa chûte une nouvelle pression, il faut bien que son mouvement soit accéléré.

Mais pour renverser toutes les raisons qu’on tire de l’air par rapport à l’accélération, il suffit de dire qu’elle se fait aussi dans le vuide comme nous venons de l’observer.

Voici l’explication que les Péripatéticiens donnent du même phénomene. Le mouvement des corps pesans en enbas, disent-ils, vient d’un principe intrinseque qui les fait tendre au centre, comme à leur place propre & à leur élément, où étant arrivés ils seroient dans un repos parfait : c’est pourquoi, ajoûtent-ils, plus les corps en approchent, plus leur mouvement s’accroît : sentiment qui ne mérite pas de réfutation.

Les Gassendistes donnent une autre raison de l’accélération : ils prétendent qu’il sort de la terre des especes de corpuscules attractifs, dirigés suivant une infinité de filets directs qui montent & descendent ; que ces filets partant comme des rayons d’un centre commun, deviennent de plus en plus divergens à mesure qu’ils s’en éloignent ; en sorte que plus un corps est proche du centre, plus il supporte de ces filets attractifs, plus par conséquent son mouvement est accéléré. Voyez Corpuscules & Aimant.

Les Cartésiens expliquent l’accélération par des impulsions réitérées de la matiere subtile éthérée, qui agit continuellement sur les corps tombans, & les pousse en enbas. V. Cartésianisme, Ether, Matiere subtile, Pesanteur, &c.

La cause de l’accélération ne paroîtra pas quelque chose de si mystérieux, si on veut faire abstraction pour un moment de la cause qui produit la pesanteur, & supposer seulement avec Galilée que cette cause ou force agit continuellement sur les corps pesans ; on verra facilement que le principe de la gravitation qui détermine le corps à descendre, doit accélérer ces corps dans leur chûte par une conséquence nécessaire. Voyez Gravitation.

Car le corps étant une fois supposé déterminé à descendre, c’est sans doute sa gravité qui est la premiere cause de son commencement de descente : or quand une fois sa descente est commencée, cet état est devenu en quelque sorte naturel au corps ; de sorte que laissé à lui-même il continueroit toûjours de descendre, quand même la premiere cause cesseroit ; comme nous voyons dans une pierre jettée avec la main, qui ne laisse pas de continuer de se mouvoir après que la cause qui lui a imprimé le mouvement a cessé d’agir. Voyez Loi de la Nature & Projectile

Mais outre cette détermination à descendre, imprimée par la premiere cause, laquelle suffiroit pour continuer à l’infini le même degré de mouvement une fois commencé, il s’y joint perpétuellement de nouveaux efforts de la même cause, savoir de la gravité, qui continue d’agir sur le corps déja en mouvement, de même que s’il étoit en repos.

Ainsi, y ayant deux causes de mouvement qui agissent l’une & l’autre en même direction, c’est-à-dire vers le centre de la terre, il faut nécessairement que le mouvement qu’elles produisent ensemble soit plus considérable que celui que produiroit l’une des deux. Et tandis que la vîtesse est ainsi augmentée, la mê-

me cause subsistant toûjours pour l’augmenter encore

davantage, il faut nécessairement que la descente soit continuellement accélérée.

Supposons donc que la gravité, de quelque principe qu’elle procede, agisse uniformément sur tous les corps à égale distance du centre de la terre : divisant le tems que le corps pesant met à tomber sur la terre, en parties égales infiniment petites, cette gravité poussera le corps vers le centre de la terre dans le premier instant infiniment court de la descente : si après cela on suppose que l’action de la gravité cesse, le corps continueroit toûjours de s’approcher uniformément du centre de la terre avec une vîtesse infiniment petite égale à celle qui résulte de la premiere impression.

Mais ensuite si l’on suppose que l’action de la gravité continue, dans le second instant le corps recevra une nouvelle impulsion vers la terre, égale à celle qu’il a reçûe dans le premier ; par conséquent sa vîtesse sera double de ce qu’elle étoit dans le premier instant : dans le troisieme instant elle sera triple ; dans le quatrieme quadruple ; & ainsi de suite : car l’impression faite dans un instant précédent n’est point du tout altérée par celle qui se fait dans l’instant suivant ; mais elles sont, pour ainsi dire, entassées & accumulées l’une sur l’autre.

C’est pourquoi comme les instans de tems sont supposés infiniment petits, & tous égaux les uns aux autres, la vîtesse acquise par le corps tombant sera dans chaque instant comme les tems depuis le commencement de la descente, & par conséquent la vîtesse sera proportionnelle au tems dans lequel elle est acquise.

De plus l’espace parcouru par le corps en mouvement pendant un tems donné, & avec une vîtesse donnée, peut être considéré comme un rectangle composé du tems & de la vîtesse. Je suppose donc A (Pl. de Mechan. fig. 64.) le corps pesant qui descend, AB le tems de la descente ; je partage cette ligne en un certain nombre de parties égales qui marqueront les intervalles ou portions du tems donné, savoir AC, CE, EG, &c. je suppose que le corps descend durant le tems exprimé par la premiere des divisions AC, avec une certaine vîtesse uniforme provenant du degré de gravité qu’on lui suppose ; cette vîtesse sera representée par AD, & l’espace parcouru, par le rectangle CAD.

Or l’action de la gravité ayant produit dans le premier moment la vîtesse AD dans le corps précédemment en repos ; dans le second moment elle produira la vîtesse CF, double de la précédente ; dans le troisieme moment à la vîtesse CF sera ajoûté un degré de plus, au moyen duquel sera produite la vîtesse EH triple de la premiere, & ainsi du reste ; de sorte que dans tout le tems AB, le corps aura acquis la vîtesse BK : après cela prenant les divisions de la ligne qu’on voudra, par exemple les divisions AC, CE, &c. pour les tems, les espaces parcourus pendant ces tems seront comme les aires ou rectangles CD, EF, &c. en sorte que l’espace décrit par le corps en mouvement, pendant tout le tems AB, sera égal à tous les rectangles, c’est-à-dire, à la figure dentelée ABK.

Voilà ce qui arriveroit si les accroissemens de vîtesse se faisoient, pour ainsi dire, tout-à-coup, au bout de certaines portions finies de tems ; par exemple, en C, en E, &c. en sorte que le degré de mouvement continuât d’être le même jusqu’au tems suivant où se feroit une nouvelle accélération.

Si l’on suppose les divisions ou intervalles de tems plus courts, par exemple, de moitié ; alors les dentelures de la figure seront à proportion plus serrées, & la figure approchera plus du triangle.

S’ils sont infiniment petits, c’est-à-dire, que les