On ne doit pas révoquer en doute qu’il y a de l’acide dans les animaux : les sages Medecins reconnoissent avec Hippocrate qu’il y a dans l’homme du doux, de l’amer, du salé, de l’acide, & de l’acre. Tant que ces choses, qui sont de qualités différentes, ne sont point à part, en dépôt, & qu’elles sont proportionnées entre elles, & dans un mouvement naturel, elles font la santé : si au contraire elles dominent sensiblement les unes sur les autres, qu’elles restent en repos, & qu’elles soient dans un trop grand mouvement, elles produisent la maladie, & l’espece de la maladie est différente, selon la différente nature de ce qui domine, & selon la différente partie où il se porte.
Il y a dans les animaux plus ou moins de salure, & par conséquent plus ou moins d’acide, comme le prouvent plusieurs opérations de Chimie, & particulierement celle du phosphore ; & cette salure est différente dans les différentes especes d’animaux : elle est dans la plûpart, de la nature du sel ammoniac, ou de celle du nitre. Il y a aussi des animaux dont la salure approche plus de l’acidité, & cette acidité est volatile, comme on peut le reconnoître dans les fourmis.
Les acides sont ou fixes, comme est l’acide du vitriol, le tartre ; ou volatils, comme sont les esprits sulphureux, les esprits fumans, & l’esprit de fourmis.
En général, les acides sont plus pesans que ne sont les sels neutres & les alkalis.
Les acides sont fort utiles en medecine, comme est celui du citron, de l’épine-vinette, de la groseille & du vinaigre ; on peut mettre au nombre des remedes acides, l’eau de Rabel, l’esprit de nitre dulcifié, & l’esprit de sel dulcifié, qui sont d’un bon usage pour la guérison de plusieurs maladies.
Les acides coagulent les liqueurs animales, comme on le voit arriver au lait quand on y mêle quelque acide : c’est pourquoi on se sert des acides pour prévenir la dissolution du sang sur la fin des fievres ardentes, lorsqu’il s’est formé dans les humeurs du malade un acre urineux qui vise à l’alkali. C’est pourquoi Hippocrate recommandoit les acides dans ces cas.
Les acides temperent l’effervescence de la bile & du sang ; c’est ce qui les rend utiles à ceux qui ont le visage rouge par trop de chaleur : & au contraire les acides sont nuisibles à ceux qui ne sont point ainsi échauffés, ou qui ont des sentimens de froid dans les chairs, & qui ont le visage pâle.
Dans certains cas les acides font atténuans & apéritifs ; comme lorsqu’il y a des humeurs glaireuses ou couenneuses avec chaleur : alors les acides agissant sur les fibres, sont des remedes toniques qui les excitent à briser les liqueurs visqueuses.
Les acides sont les corps les plus pénétrans par rapport au tissu & à la forme de leurs parties, comme les fluides sont aussi les corps les plus pénétrans par rapport à la petitesse & à la mobilité de leurs parties ; de sorte que des acides en liqueur sont ce qu’il y a de plus propre à pénétrer & à dissoudre : c’est pourquoi on est quelquefois obligé d’ajoûter de l’eau aux eaux-fortes dont on se sert pour dissoudre les métaux, non pas pour affoiblir ces eaux-fortes, comme on le dit ordinairement, au contraire c’est pour les rendre plus fortes en leur donnant plus de fluidité.
Les acides minéraux sont des dissolvans plus forts que les acides végétaux, & les acides végétaux plus forts que les acides animaux.
Cela est vrai en général, mais souffre des exceptions particulieres par rapport à différens corps qui se dissolvent plus aisément par des acides plus foibles, c’est-à-dire qui sont réputés plus foibles, parce qu’ils dissolvent moins de corps, & les dissolvent moins fortement que ne les dissolvent les acides plus forts,
comme sont les acides minéraux, qui sont nommés pour cela eaux-fortes.
Les autres acides, même les acides animaux, sont plus forts pour dissoudre certains corps que ne le sont les eaux-fortes. On a un exemple de cela dans la dissolution de l’ivoire par le petit-lait. Le petit-lait aigre dissout les os, les dents, & l’ivoire.
Nous avons expliqué plus haut comment les acides les plus forts, comme sont les eaux-fortes, perdent leur force & s’adoucissent par les alkalis, en devenant simplement des corps salés. Nous devons ajoûter ici que les acides s’adoucissent encore davantage par les corps huileux, comme est l’esprit de vin : les acides ainsi joints à une matiere grasse, font des savons acides, comme les alkalis joints à des matieres grasses, font les savons alkalis, qui sont les savons ordinaires.
Les acides dulcifiés sont des liqueurs fort agréables. L’esprit de nitre ou l’eau-forte qui a une odeur insupportable, devient très-agréable lorsque cet acide est mêlé avec un peu d’esprit de vin ; & l’odeur qui en résulte, ne tient ni de celle de l’eau-forte, ni de celle de l’esprit de vin.
Les liqueurs les plus douces, comme sont les différens laits, & les plus agréables, comme sont les différens vins, sont des acides adoucis.
C’est sur-tout des différentes proportions de l’acide & de l’huile, & de leurs différentes combinaisons, que dépendent les différentes qualités des vins. (M)
Acides, adj. pris subst. (Medecine.) Les acides sont regardés avec raison par les Medecins comme une des causes générales des maladies. Les acides occasionnent divers accidens selon les parties qu’ils occupent. Tant qu’ils sont contenus dans le ventricule, ils causent des rapports aigres, un sentiment de faim, des picotemens douloureux, qui produisent même la cardialgie : parvenus aux intestins, dans le duodenum, ils diminuent l’action de la bile ; dans les autres ils produisent la passion iliaque, les spasmes ; en resserrant l’orifice des vaisseaux lactées, ils donnent naissance à des diarrhées chroniques, qui souvent se terminent en dyssenteries : lorsqu’ils se mêlent avec le sang, ils en alterent la qualité, y produisent un épaississement, auquel la lymphe qui doit servir de matiere aux secrétions, se trouve aussi sujette : de là naissent les obstructions dans les glandes du mesentere ; maladie commune aux enfans, les fibres dont leurs parties sont composées, étant encore trop molles pour émousser les pointes des acides qui se rencontrent dans la plûpart des alimens qu’ils prennent. Les gens sédentaires & qui travaillent beaucoup dans le cabinet, se trouvent souvent attaqués des maladies que produit l’acrimonie acide ; la dissipation & l’exercice étant très-nécessaires pour prévenir ces maladies en augmentant la transpiration. Les pâles-couleurs auxquelles les filles sont si sujettes lorsque leurs regles n’ont point encore paru, ou ont été supprimées par quelque accident, sont aussi des suites de l’acrimonie acide ; ce qui leur occasionne l’appétit dépravé qu’elles ont pour le charbon, la craie, le plâtre, & autres matieres de cette espece, qui sont toutes absorbantes & contraires aux acides.
L’on vient à bout de détruire les acides, & d’arrêter le ravage qu’ils peuvent faire, lorsque l’on s’apperçoit de bonne-heure de leur existence dans l’estomac, en les évacuant en partie par le moyen des émétiques, auxquels on fait succéder l’usage des absorbans, les remedes apéritifs & martiaux, qui sont tous très-propres pour donner du ressort aux parties solides, & de la fluidité aux liqueurs ; enfin en mettant en usage les remedes, qui fermentant promptement avec les acides, forment des sels d’une nature