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soin d’en ajuster une pareille sur la semelle en-dedans ; ce qui rend cette chaussure extrèmement chaude. On y a les pieds comme dans un manchon.

* ALPES, hautes montagnes d’Europe, qui séparent l’Italie de la France & de l’Allemagne. Elles commencent du côté de France vers la côte de la Méditerranée près de Monaco, entre l’état de Genes & le comté de Nice, & finissent au golfe de Carnero, partie du golfe de Venise.

ALPHABET, s. m. (Entendement, Science de l’homme, Logique, Art de communiquer, Grammaire.) Par le moyen des organes naturels de la parole, les hommes sont capables de prononcer plusieurs sons très-simples, avec lesquels ils forment ensuite d’autres sons composés. On a profité de cet avantage naturel. On a destiné ces sons à être le signes des idées, des pensées & des jugemens.

Quand la destination de chacun de ces sons particuliers, tant simples que composés, a été fixée par l’usage, & qu’ainsi chacun d’eux a été le signe de quelque idée, on les a appellés mots.

Ces mots considérés relativement à la société où ils sont en usage, & regardés comme formant un ensemble, sont ce qu’on appelle la langue de cette société.

C’est le concours d’un grand nombre de circonstances différentes qui a formé ces diverses langues : le climat, l’air, le sol, les alimens, les voisins, les relations, les Arts, le commerce, la constitution politique d’un État ; toutes ces circonstances ont eu leur part dans la formation des langues, & en ont fait la variété.

C’étoit beaucoup que les hommes eussent trouvé par l’usage naturel des organes de la parole, un moyen facile de se communiquer leurs pensées quand ils étoient en présence les uns des autres : mais ce n’étoit point encore assez ; on chercha, & l’on trouva le moyen de parler aux absens, & de rappeller à soi-même & aux autres ce qu’on avoit pensé, ce qu’on avoit dit, & ce dont on étoit convenu. D’abord les symboles ou figures hiéroglyphiques se présenterent à l’esprit : mais ces signes n’étoient ni assez clairs, ni assez précis, ni assez univoques pour remplir le but qu’on avoit de fixer la parole, & d’en faire un monument plus expressif que l’airain & que le marbre.

Le desir & le besoin d’accomplir ce dessein, firent enfin imaginer ces signes particuliers qu’on appelle lettres, dont chacune fut destinée à marquer chacun des sons simples qui forment les mots.

Dès que l’art d’écrire fut porté à un certain point, on représenta en chaque langue dans une table séparée les sons particuliers qui entrent dans la formation des mots de cette langue, & cette table ou liste est ce qu’on appelle l’alphabet d’une langue.

Ce nom est formé des deux premieres lettres Greques alpha & betha, tirées des deux premieres lettres de l’alphabet Hébreu ou Phénicien, aleph, beth. Quid enim aleph ab alpha magnopere differt ? dit Eusebe, liv. X. de præpar. evang. c. vj. Quid autem vel betha à beth, &c. Ce qui fait voir, en passant, que les Anciens ne donnoient pas au betha des Grecs le son de l’v consonne, car le beth des Hébreux n’a jamais eu ce son-là.

Ainsi par alphabet d’une langue, on entend la table ou liste des caracteres, qui sont les signes des sons particuliers qui entrent dans la composition des mots de cette langue.

Toutes les nations qui écrivent leur langue, ont un alphabet qui leur est propre, ou qu’elles ont adopté de quelque autre langue plus ancienne.

Il seroit à souhaiter que chacun de ces alphabets eut été dressé par des personnes habiles, après un examen raisonnable ; il y auroit alors moins de contradictions choquantes entre la maniere d’écrire & la maniere de prononcer, & l’on apprendroit plus facilement à lire les langues étrangeres : mais dans le tems

de la naissance des alphabets, après je ne sai quelles révolutions, & même avant l’invention de l’Imprimerie, les copistes & les lecteurs étoient bien moins communs qu’ils ne le sont devenus depuis ; les hommes n’étoient occupés que de leurs besoins, de leur sûreté & de leur bien-être, & ne s’avisoient guere de songer à la perfection & à la justesse de l’art d’écrire ; & l’on peut dire que cet art ne doit sa naissance & ses progrès qu’à cette sorte de génie, ou de goût épidémique qui produit quelquefois tant d’effets surprenans parmi les hommes.

Je ne m’arrêterai point à faire l’examen des alphabets des principales langues. J’observerai seulement :

I. Que l’alphabet Grec me paroît le moins défectueux. Il est composé de 24 caracteres qui conservent toûjours leur valeur, excepté peut-être le γ qui se prononce en ν devant certaines lettres : par exemple devant un autre γ, ἄγγελος qu’on prononce ἄνγελος, & c’est de là qu’est venu Angelus, Ange.

Le κ qui répond à notre c a toûjours la prononciation dure de ca, & n’emprunte point celle du ς ou du ζήτα ; ainsi des autres.

Il y a plus : les Grecs s’étant apperçus qu’ils avoient un e bref & un e long, les distinguerent dans l’écriture par la raison que ces lettres étoient distinguées dans la prononciation ; ils observerent une pareille différence pour l’o bref & pour l’o long : l’un est appellé o micron, c’est-à-dire petit o ou o bref ; & l’autre qu’on écrit ainsi ω, est appellé o mega, c’est-à-dire o grand, o long, il a la forme & la valeur d’un double o.

Ils inventerent aussi des carcteres particuliers pour distinguer le c, le p & le t communs, du c, du p & du t qui ont une aspiration. Ces trois lettres χ, φ, θ, sont les trois aspirées, qui ne sont que le c, le p & le t, accompagnés d’une aspiration. Elles n’en ont pas moins leur place dans l’alphabet Grec.

On peut blâmer dans cet alphabet le défaut d’ordre. Les Grecs auroient dû séparer les consonnes des voyelles ; après les voyelles, ils devoient placer les diphthongues, puis les consonnes, faisant suivre la consonne foible de sa forte, b, p, z, s, &c. Ce défaut d’ordre est si considérable, que l’o bref est la quinzieme lettre de l’alphabet, & le grand o ou o long est la vingt-quatrieme & derniere, l’e bref est la cinquieme, & l’e long la septieme, &c.

Pour nous nous n’avons pas d’alphabet qui nous soit propre ; il en est de même des Italiens, des Espagnols, & de quelques autres de nos voisins. Nous avons tous adopté l’alphabet des Romains.

Or cet alphabet n’a proprement que 19 lettres : a, b, c, d, e, f, g, h, i, l, m, n, o, p, r, s, t, u, z, car l’x & le & ne sont que des abbréviations.

x est pour gz : exemple, exil, exhorter, examen, &c. on prononce egzemple, egzil, egzhorter, egzamen, &c.

x est aussi pour cs : axiome, sexe, on prononce acsiome, secse.

On fait encore servir l’x pour deux ss dans Auxerre, Flexelles, Uxel, & pour une simple s dans Xaintonge, &c.

L’& n’est qu’une abbréviation pour et.

Le k est une lettre Greque, qui ne se trouve en Latin qu’en certains mots dérivés du Grec ; c’est notre c dur, ca, co, cu.

Le q n’est aussi que le c dur : ainsi ces trois lettres c, k, q, ne doivent être comptées que pour une même lettre ; c’est le même son représenté par trois caracteres différens. C’est ainsi que c i font ci ; s i encore si, & t i font aussi quelquefois si.

C’est un défaut qu’un même son soit représenté par plusieurs caracteres différens : mais ce n’est pas le seul qui se trouve dans notre alphabet.

Souvent une même lettre a plusieurs sons différens ; l’s entre deux voyelles se prend pour le z, au