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lun à la surface du tas. Pour essayer ces matieres on en fait une lessive, comme on fait celle des pyrites calcinées par le vitriol. Cependant on ne calcine pas les mines d’alun qui ne sont pas sulphureuses. On réduit la lessive par ébullition dans la petite chaudiere de plomb, & on pese l’alun qui s’y trouve, après l’avoir fait secher. Voyez de la fonte des mines, des fonderies, &c. traduit de l’Allemand de Shlutter, publié par M. Hellot, tom. I. pag. 260.

L’Angleterre, l’Italie, la Flandre & la France, sont les principaux endroits où l’on fait l’alun. Les mines où se trouve l’alun de Rome sont aux environs de Civita-Vecchia ; on les appelle l’aluminiere della Tolfa. On y trouve une sorte de pierre fort dure qui contient l’alun. Pour en séparer ce sel, on commence par tirer la pierre de la mine, de même que nous tirons ici la pierre à bâtir, ou le marbre de nos carrieres. Après avoir brisé ces pierres, on les jette dans un fourneau semblable à nos fourneaux à chaux, & on les y fait calciner pendant douze à quatorze heures au plus. On retire du fourneau les pierres calcinées, & on en fait plusieurs tas dans une grande place. Les monceaux ne sont point élevés ; on les sépare les uns des autres par un fossé rempli d’eau. Cette eau sert à arroser les monceaux trois ou quatre fois par jour pendant l’espace de quarante jours, jusqu’à ce que la pierre calcinée semble fermenter & se couvre d’une efflorescence de couleur rouge. Alors on met cette chaux dans des chaudieres pleines d’eau que l’on fait bouillir pendant quelque tems pour faire fondre le sel. Ensuite on transvase l’eau imprégnée de sel, & on la fait bouillir pour la réduire jusqu’à un certain degré d’épaississement, & sur le champ on la fait couler toute chaude dans des vaisseaux de bois de chêne. L’alun se crystallise en huit jours dans ces vaisseaux ; il se forme contre leurs parois une croûte de quatre à cinq doigts d’épaisseur, composée de crystaux transparens, & d’un rouge pâle, c’est ce qu’on appelle alun de roche, ou parce qu’il est tiré d’une espece de roche, ou parce qu’il est presque aussi dur que la roche.

Il y a en Italie une autre mine d’alun à une demi-lieue de Pouzzol du côté de Naples. C’est une montagne appellée le mont d’Alun, ou les soufrieres, ou la solfatre ; en Latin sulphureus mons, forum Vulcani, campi phlegrœi, la demeure de Vulcain, les campagnes ardentes ; parce qu’on voit dans cet endroit de la fumée pendant le jour, des flammes pendant la nuit. Ces exhalaisons sortent d’une fosse longue de quinze cens piés & large de mille. On en tire beaucoup de soufre & d’alun. L’alun paroît sur la terre en efflorescence. On ramasse tous les jours cette fleur avec des balais, & on la jette dans des fossés remplis d’eau, jusqu’à ce que l’eau soit suffisamment chargée de ce sel. Alors on la filtre, & ensuite on la verse dans des bassins de plomb qui sont enfoncés dans la terre. Après que la chaleur soûterraine, qui est considérable dans ce lieu, a fait évaporer une partie de l’eau, on filtre de nouveau le résidu, & on le verse dans des vaisseaux de bois. Sa liqueur s’y refroidit, & l’alun s’y crystallise. Les crystaux de ce sel sont blancs transparens.

On trouve aussi dans le solfatre des pierres dures qui contiennent de l’alun. On les travaille de la même façon que celles de l’aluminiere della Tolfa.

Les mines d’alun d’Angleterre qui se trouvent dans les Provinces d’York & de Lancastre, sont en pierres bleuâtres assez semblables à l’ardoise. Ces pierres contiennent beaucoup de soufre : c’est une espece de pyrite qui s’enflamme au feu, & qui fleurit à l’air : on pourroit tirer du vitriol de son efflorescence. On fait des monceaux de cette pierre, & on y met le feu pour faire évaporer le soufre qu’elle contient. Le feu s’éteint de lui-même après cette évaporation. Alors

on met en digestion dans l’eau pendant vingt-quatre heures la pierre calcinée : ensuite on verse dans des chaudieres de plomb l’eau chargée d’alun. On fait bouillir cette eau avec une lessive d’algue marine, jusqu’à ce qu’elle soit réduite à un certain degré d’épaississement. Alors on y verse une assez grande quantité d’urine pour précipiter au fond du vaisseau le soufré, le vitriol & les autres matieres étrangeres. Ensuite on transvase la liqueur dans des baquets de sapin. Peu à peu l’alun se crystallise & s’attache aux parois des vaisseaux. On l’en retire en crystaux blancs & transparens, que l’on fait fondre sur le feu dans des chaudieres de fer. Lorsque l’alun est en fusion, on le verse dans des tonneaux ; il s’y refroidit, & on a des masses d’alun de la même forme que les tonneaux qui ont servi de moules. On a aussi appellé cet alun, alun de roche, peut-être parce qu’il est en grandes masses, ou parce qu’il est tiré d’une pierre comme l’alun de l’aluminiere della Tolfa. Dans ces mines d’alun d’Angleterre, on voit couler sur les pierres alumineuses une eau claire d’un goût styptique. On tire de l’alun de cette eau en la faisant évaporer.

On trouve en Suede une sorte de pierre dont on peut tirer de l’alun, du vitriol & du soufre. C’est une belle pyrite fort pesante & fort dure, d’une couleur d’or, brillante ; avec des taches de couleur d’argent. On fait chauffer cette pierre, & on l’arrose avec de l’eau froide pour la faire fendre & éclater. Ensuite on la casse aisément ; on met les morceaux de cette pierre dans des vaisseaux convenables sur un fourneau de réverbere ; le soufre que contient la pierre se fond, & coule dans des récipiens pleins d’eau. Lorsqu’il ne tombe plus rien, on retire la matiere qui reste dans les vaisseaux, & on l’expose à l’air pendant deux ans. Cette matiere s’échauffe beaucoup, jette de la fumée & même une petite flamme que l’on apperçoit à peine pendant le jour ; enfin elle se réduit en cendres bleuâtres dont on peut tirer du vitriol par les lotions, les évaporations & les crystallisations. Lorsque le vitriol est crystallisé ; il reste une eau crasse & épaisse que l’on fait bouillir avec une huitieme partie d’urine & de lessive de cendres de bois ; il se précipite au fond du vaisseau beaucoup de sédiment rouge & grossier. On filtre la liqueur, & on la fait évaporer jusqu’à un certain degré d’épaississement ; ensuite il s’y forme des crystaux d’alun bien transparens, que l’on appelle alun de Suede.

A Cypsele en Thrace, on prépare l’alun, en faisant calciner lentement les marcassites, & les laissant ensuite dissoudre à l’air par la rosée & la pluie ; après quoi on fait bouillir dans l’eau, & on laisse crystalliser le sel. Bellon. M. Rays. trav. tom. 2. p. 351.

Nous n’avons point été à portée de mettre en planches tous ces travaux, & quand nous l’aurions pû, nous n’eussions pas été assez tentés de nous écarter de notre plan pour l’entreprendre. Nous nous contenterons de donner ici la maniere de faire l’alun qu’on suit à Dange, à trois lieues de Liége, & deux lieues d’Hui, l’appliquant à des planches que nous avons dessinées sur des plans exécutés en relief par les ordres de M. le Comte d’Herouville, Lieutenant Général, qui a eu la bonté de nous les communiquer. Ces plans ont été pris sur les lieux. Mais avant que d’entrer dans la Manufacture de l’alun, le lecteur ne sera pas fâché sans doute de descendre dans la mine & de suivre les préparations que l’on donne à la matiere qu’on en tire sur le chemin de la mine à la manufacture ; c’est ce que nous allons expliquer, & appliquer en même tems à des planches sur l’exactitude desquelles on peut compter.

Les montagnes des environs de la mine de Dange sont couvertes de bois de plusieurs sortes : mais on n’y trouve que des plantes ordinaires, des geniévres, des fougeres, & autres. Les terres rapportent des grains de plusieurs especes & donnent des vins.