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nm (fig. 1.) & l’autre est au côté opposé.

Ces tenons sont exactement renfermés dans l’intérieur du jas, & empêchent qu’il ne puisse monter ni descendre. Les deux morceaux de bois dont nous avons parlé, sont attachés à l’ancre de maniere qu’ils soient perpendiculaires à un plan passant par la verge & par les pattes ; on les fixe de plus ensemble avec des clous ; & étant ainsi joints, ils forment le jas GHIK. Le jas sert à empêcher que la croisée ne soit parallele au fond de la mer, ce qui empêcheroit l’ancre de mordre.

Il y a dans un vaisseau plusieurs ancres : la plus grosse s’appelle la maitresse ancre : celle qui la suit en grosseur se nomme la seconde : la troisieme s’appelle ancre d’affourche ; on la jette du côté opposé à la maitresse ancre, & de maniere que les deux cables fassent un angle au-dedans du vaisseau : la quatrieme ou plus petite ancre se nomme ancre de toue ou boüeuse ; on la jette à quelque distance du vaisseau ; on attache un cable par une de ses extrémités à cette ancre, & par l’autre au cabestan, & en tournant le cabestan on amene le vaisseau vers le côté où il est arrêté par l’ancre.

On se sert aussi d’une corde appellée l’orin, dont on attache une extrémité à l’ancre, & l’autre à un bout de liége flottant sur l’eau, afin que si l’ancre vient à se détacher du cable, on retrouve, par le moyen de ce liége, l’endroit où elle est.

Il y a encore d’autres ancres dont il sera fait mention à la suite de cet article.

Il y a grande apparence que les ancres sont fort anciennes : mais leur premier inventeur est inconnu, ou du moins incertain. Des passages d’Appollonius de Rhodes, & d’Etienne de Bysance, prouvent que les Anciens ont eu des ancres de pierre ; & on voit par Athénée qu’ils en ont eu même de bois. Il y a apparence que les premieres ancres de fer dont on se servit n’avoient qu’une dent ; & l’on voit par un passage de Nicolas Witsen, que dans ces derniers tems on en a fait aussi quelques-unes de cette espece.

A l’égard des ancres de fer à deux dents, il paroît par les médailles & par les passages qui nous restent, qu’elles étoient assez semblables à celles dont nous nous servons aujourd’hui. On a quelquefois fait usage d’ancres à trois dents : mais ces ancres, ainsi que celles à quatre dents, sont moins bonnes que celles à deux, parce qu’elles sont sujettes à plus d’inconvéniens. M. le Marquis Poleni en détaille les principaux dans sa piece Latine sur les ancres, imprimée à Paris en 1737, à l’Imprimerie royale, & dont nous avons tiré tout ce que nous avons dit jusqu’à présent.

Cette piece fut composée à l’occasion du prix que l’Académie Royale des Sciences de Paris avoit proposé pour cette année 1737.

L’Académie avoit demandé 1o. quelle étoit la meilleure figure des ancres. Le prix de cette partie fut adjugé à M. Jean Bernoulli le fils ; & voici l’extrait de sa piece.

Il cherche d’abord l’angle le plus favorable pour que l’ancre enfonce, c’est-à-dire, celui sous lequel la patte entre le plus profondément & avec le plus de facilité & de force, & il trouve que cet angle est égal à 45 degrés, c’est-à-dire, que le bras doit faire avec le fond de la mer un angle de 45 degrés, en supposant que le fond de la mer soit horisontal, & que le cable le soit aussi ; suppositions qui à la vérité ne sont pas à la rigueur, mais qui peuvent pourtant être prises pour assez exactes.

Il s’applique ensuite à déterminer la figure de l’ancre la plus avantageuse. Il observe d’abord que la résistance des différentes parties du fond de la mer devant être censée la même partout, elle peut être regardée comme semblable à l’action d’une infinité de puissances paralleles qui agiroient sur la croisée.

Ainsi, en supposant la croisée ou sa surface concave d’une égale largeur partout, il en résulte que la figure la plus avantageuse de cette surface concave seroit celle d’une chainette, c’est-à-dire, de la courbe que prend un fil chargé de poids égaux, & attaché horisontalement par les extrémités ; car il est visible que si l’ancre étoit flexible, elle prendroit cette figure d’elle-même, & la conserveroit après l’avoir prise. C’est donc la figure la moins sujette à changer, lorsque la branche est supposée inflexible. V. Chainette.

Mais on ne doit pas faire la croisée d’une égale largeur partout ; car en ce cas, elle ne résisteroit pas également à être cassée dans toute sa longueur. Elle se casseroit plus aisément (par la proprieté du levier) vers le sommet de la croisée que vers les extrémités. Ainsi il faut qu’elle soit plus mince vers ses extrémités, que vers son milieu.

M. Jean Bernoulli imagine donc deux courbes, dont l’une termine la surface concave de l’ancre, & représente par ses ordonnées les différentes largeurs de cette surface, & une autre courbe qu’il appelle courbe des épaisseurs, & dont les ordonnées soient perpendiculaires à la surface concave ; & il trouve par le principe de l’égalité de rupture, l’équation qui doit être entre les ordonnées de la courbe des épaisseurs, & celles de la courbe des largeurs. De plus, pour que la branche soit le moins sujette qu’il est possible à se plier ou à changer de figure, il faut une autre équation entre les deux courbes dont nous venons de parler. Le problème sera donc parfaitement résolu si les deux courbes sont telles qu’elles satisfassent à la fois aux deux équations ; condition qu’on peut remplir d’une infinité de manieres. (O)

* 2o. La seconde question proposée par l’Académie avoit pour objet la meilleure maniere de forger les ancres. Cette question, comme on verra par ce qui suit, pouvoit avoir deux branches ; l’une relative à l’ancre, l’autre relative aux machines qu’on employe pour les forger.

Le prix quant à la partie relative à l’ancre, la seule apparemment que l’Académie avoit en vûe dans sa question, fut adjugé à M. Tresaguet : voici l’extrait de la principale partie de son Mémoire, qu’on peut consulter, si l’on desire un plus grand détail. On forge des barres plates & pyramidales ; on en arrange plusieurs les unes auprès des autres, ensorte qu’elles aient ensemble plus que le diametre de la piece qu’on veut forger ; & que leur longueur soit moindre, parce qu’elles s’étendent & diminuent d’épaisseur en les forgeant. On donne plus d’épaisseur aux barres les plus éloignées du centre, parce que le feu agit davantage sur elles. On lie toutes ces barres ensemble avec des liens de fer soudés, que l’on fait entrer par le petit bout du paquet, & que l’on chasse ensuite à grands coups. V. Pl. I. premier tableau, figure 1. Un forgeron qui lie, avec des liens soudés, neuf barres de fer ensemble, pour faire une verge d’ancre ; a, le paquet de barres de fer ; b, ringal ou barre de fer, prise au centre du paquet, qui sert à le tourner & manier dans la forge & sous le gros marteau ; cc, liens que le forgeron chasse à grands coups de marteau.

On porte en cet état le paquet à la forge d ; on le place au-dessus de la tuyere ; on le couvre de charbon ; on souffle d’abord modérément ; puis on fait un vent fort & continuel. De cette maniere la chaleur passe de la surface au centre ; & comme les barres sont inégales, & que les premieres sont les plus fortes, tout s’échauffe également. Pour savoir si le paquet est assez chaud, on perce la croûte de charbon qui l’enveloppe ; s’il paroît net & blanc, il est prêt à être soudé : à l’aide de la potence ig, & de sa chaîne f qui embrasse le paquet, on le fait aller sans effort sous le martinet, qui, en quatre ou cinq coups,