mais de peur que l’infection des fumiers n’incommode, il construit en plusieurs endroits de cet étage des soûpiraux, qu’il fait monter jusqu’au dernier, pour y donner de l’air.
Il divise le troisieme étage en plusieurs séparations, pour mettre à part le foin, les feuilles, les fruits, & les grains : il prétend même qu’on pouvoit y construire un réservoir pour nourrir du poisson pour les animaux & les oiseaux amphibies qui en vivent, & un réservoir pour l’eau douce. De plus il veut que toutes les cellules ou étables qui étoient immédiatement sous cet étage, ayent été percées par en-haut, pour distribuer par ces ouvertures la nourriture dont les animaux auroient besoin ; & au moyen de certains canaux qui alloient dans chaque étable, on auroit pû leur donner de l’eau pour plusieurs jours.
Il croit qu’au milieu du quatrieme étage il devoit se trouver pour l’appartement des hommes une grande chambre éclairée par la fenêtre de l’arche, une dépense, une cuisine dans laquelle il y auroit eu un moulin à bras & un four, des chambres particulieres pour les hommes & pour les femmes, enfin des lieux pour le bois, pour le charbon, pour les meubles & ustenciles du ménage & du labourage, & pour les autres choses qu’on vouloit garantir des eaux, & que sur le reste de cet étage on avoit construit de côté & d’autre des cages ou volieres pour renfermer les oiseaux, & des loges pour en serrer les provisions.
Ayant accordé pour nourriture dix moutons chaque jour aux animaux carnaciers, estimés à 80 loups, il en auroit fallu 3650 pour un an : mais ce nombre diminuant de dix par jour ne devoit être compté que comme un nombre fixe de 1820 : or ayant estimé les animaux qui vivent d’herbes, de graines ou de fruits, égaux à 120 bœufs & à 80 moutons, ajoûtant 80 à 1820, on reconnoît qu’il auroit eu 1900 moutons à nourrir, & 120 bœufs. Il trouve que sept moutons mangent autant de fourrage qu’un bœuf ; d’où il conclut qu’il falloit autant de nourriture à tous ces animaux qu’à 400 bœufs ; & parce qu’il estime que 40 livres, ou une coudée cube parisienne de foin, pourroient nourrir un bœuf en un jour, il en résulte qu’il en auroit fallu 146000 coudées pour un an. Le troisieme étage étoit de la capacité de 150000 coudées cubes. Le foin est la nourriture qui occupe le plus de place : mais 146000 coudées cubes de foin suffisoient pour nourrir les animaux pendant un an ; ainsi, suivant cet auteur, il y auroit eu suffisamment de place dans cet étage pour serrer autant de nourriture qu’il en falloit pour nourrir les animaux pendant un an. Toute la capacité de l’arche, en prenant la coudée à 18 pouces, étoit de 450000 coudées, ou 675000 piés : elle avoit 450 piés de long, 75 piés de large, & 45 de haut. Tel est le système du P. Buteo, qui vivoit dans le xvie siecle.
Quelqu’ingénieuses que paroissent ses idées, & quelqu’exact que soit son calcul, son opinion souffre pourtant de grandes difficultés. Les principales qu’y remarque M. le Pelletier, sont 1o. que la coudée dont parle Moyse étoit celle de Memphis, différente de celle de Paris, & plus courte d’une septieme partie : 2o. qu’un bâtiment plat & quarré, plus long & plus large que haut, n’a nul besoin de lest pour l’empêcher de tourner, de quelque maniere qu’on le charge : 3o. qu’il est ridicule de placer des animaux entre des fumiers & des provisions pour les étouffer, & de les mettre sous l’eau pour les priver de la lumiere ; au lieu qu’on prévient tous ces inconvéniens en les mettant au troisieme étage : 4o. que la pesanteur du corps des animaux qui entrerent dans l’arche ne pouvant aller à soixante-dix milliers, & les pro-
animaux, pouvant aller à plus de dix millions, il n’y auroit pas de bon sens de mettre dix millions de charge dans un étage placé au-dessus d’un autre qui n’en auroit contenu que soixante-dix milliers : 5o. qu’en plaçant la porte de l’arche à un des côtés pour laisser une allée vuide de trois cens coudées de long sur six de large, on auroit rendu cette arche plus pesante d’un côté que d’un autre, & incommode en gâtant la symmétrie des étables & des autres appartemens. Mais, ajoûte D. Calmet, il y a peu d’auteurs qui ayent traité cette matiere, qui ne soient tombés dans quelques inconvéniens. Les uns ont fait l’arche trop grande, les autres trop petite ; d’autres trop peu solide : la plûpart n’ont apperçû d’autre difficulté dans l’histoire du déluge, que celle qui regarde la capacité de l’arche, sans faire attention à une infinité d’autres inconvéniens qui résultent de sa forme, de la distribution des appartemens, des étages, des logemens des animaux, de leur distribution, de la maniere dont on pouvoit leur donner à boire & à manger, leur procurer du jour & de l’air ; les nettoyer & faire couler le fumier & les immondices hors de l’arche ou dans la sentine. On peut voir toutes ces difficultés éclaircies par M. le Pelletier de Rouen, dans le chap. xxv. de sa Dissertation sur l’arche de Noé.
Nous terminerons cet article par quelques observations sur le lieu où s’arrêta l’arche après le déluge. Quelques uns ont crû que c’étoit près d’Apamée, ville de Phrygie, sur le fleuve Marsyas, parce que cette ville prenoit le surnom d’arche, & portoit la figure d’une arche dans ses médailles, comme il paroît par une piece frappée en l’honneur d’Adrien, où l’on voit la figure d’un homme qui représente le fleuve Marsyas, avec ces mots : ΑΠΑΜΕΩΝ ΚΙΒΩΤΟΣ ΜΑΡΣΥΑΣ, c’est-à-dire, médaille d’Apamée, l’arche, le fleuve Marsyas. Et dans les vers Sibyllins, on lit que le mont Ararat, où s’arrêta l’arche, est sur les confins de la Phrygie, aux sources du fleuve Marsyas : mais ce sentiment n’est pas soûtenable ; le plus suivi, appuyé sur une tradition constante des Orientaux, & sur la narration de Moyse, est que l’arche s’arrêta sur le mont Ararat, ce que saint Jérôme traduit par les montagnes d’Arménie. Josephe l’historien, parlant d’Izates, fils du roi de l’Adiabene, dit que son pere lui donna un canton dans l’Arménie, nommé Kaeron, où l’on voyoit des restes de l’arche de Noé, & il cite encore Berose le Chaldéen, qui dit que de son tems on voyoit des restes de l’arche sur les montagnes d’Arménie. Antiquit. Liv. I. ch. v. Lib. XX. cap. ij.
Nicolas de Damas, Théophile d’Antioche, Isidore de Séville, racontent la même chose ; Jean Struys, dans ses voyages, dit qu’en 1670 il monta sur la montagne d’Ararat, & y trouva un hermite Italien qui l’assûra que l’arche étoit encore tout entiere sur cette montagne ; qu’il étoit entré dans ce bâtiment, & lui montra une croix faite du bois qu’il en avoit lui-même arraché : mais M. de Tournefort, qui a été sur les lieux, assûre que la montagne d’Ararat est inaccessible, & que depuis le milieu jusqu’au sommet elle est perpetuellement couverte de neiges qui ne fondent jamais, & au-travers desquelles on ne peut s’ouvrir aucun passage. Les Arméniens eux-mêmes tiennent par tradition, qu’à cause de cet obstacle, personne, depuis Noé, n’a pû monter sur cette montagne, ni par conséquent donner des nouvelles bien certaines de l’état de l’arche : c’est donc sans aucune preuve solide, que quelques voyageurs ont avancé qu’on en voyoit encore des débris. Calmet, Dissert. sur l’arche de Noé, & Dict. de la Bible, tom. I. lettre A, aux mots Apamée, & Arche. (G)
Arche (la cour des arches) en Angleterre est une cour épiscopale à laquelle ressortissent les appels en