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que. M. Dufay ayant voulu tenter cette expérience, y trouva de grandes difficultés ; le petit miroir parabolique s’échauffe en un moment, & il est presque impossible de le placer où il doit être, D’ailleurs l’éclat de ces rayons réünis qui tombent sur le miroir parabolique, incommode extrèmement la vûe.

M. Descartes a attaqué dans sa Dioptrique l’histoire d’Archimede : il y dit positivement, que si l’éloignement du foyer est à la largeur du verre ou du miroir, comme la distance de la terre au soleil est au diametre du soleil (c’est-à-dire environ comme 100 est à 1), quand ce miroir seroit travaillé par la main des anges, la chaleur n’en seroit pas plus sensible que celle des rayons du soleil qui traverseroient un verre plan. Le pere Niceron soutient la même opinion. Voici sa preuve. Il convient que les rayons qui partent d’une portion du disque du soleil égale au verre ou au miroir qu’on y expose, seront exactement réunis à son foyer, s’il est elliptique ou parabolique : mais les rayons qui partent de tous les autres points du disque du soleil ne peuvent être réunis dans le même point, & forment autour de ce point une image du disque du soleil, proportionnée a la longueur du foyer du verre. Lorsque ce foyer est très-court, c’est à-dire fort près du verre, l’image du soleil est fort petite, presque tous les rayons passent si proche du foyer qu’ils semblent ne faire qu’un point lumineux : mais à mesure que le foyer s’éloignera, l’image s’aggrandira par la dispersion de tous ces rayons qui ne partent pas du centre du soleil, que je suppose répondre directement au foyer du miroir ; & par conséquent cet amas de rayons, qui étant réunis dans un très-petit espace faisoient un effet considérable, n’en fera pas plus que les rayons directs du soleil, lorsque l’éloignement du foyer sera tel qu’ils seront aussi écartés les uns des autres, qu’ils l’étoient avant que de rencontrer le verre. Ainsi parle le P. Niceron.

Cela peut être vrai, dit M. Dufay ; mais est-il sûr que les rayons qui viennent d’une portion du disque du soleil égale à la surface du verre, étant réunis au foyer, ne suffisent pas pour brûler indépendamment des autres ? M. Dufay reçut sur un miroir plan d’un pié en quarré l’image du soleil, & la dirigea de façon qu’elle allât tomber sur un miroir spherique concave assez éloigné, qui réunissoit à son foyer tous les rayons qu’il recevoit paralleles ou presque paralleles ; & ces rayons devoient allumer quelque matiere combustible ; le miroir sphérique a été porté à la distance de 600 pieds, & son foyer a encore été brûlant. Cependant le miroir plan qui recevoit le premier les rayons du soleil, étoit assez petit pour ne recevoir de rayons paralleles que d’une petite partie de sa surface ou de son disque ; les inégalités inévitables de la surface du miroir faisoient perdre beaucoup de rayons ; ceux qui portoient l’image du soleil du miroir plan sur le miroir concave étoient si divergens, que cette image étoit peut-être dix fois plus grande, & plus foible sur le concave que sur le plan ; & par conséquent ces rayons étoient fort éloignés du parallélisme ; enfin ils étoient affoiblis par deux réflexions consécutives. Il paroît par-là que les rayons du soleil tels qu’ils sont répandus dans l’air, conservent une grande force, malgré un grand nombre de circonstances desavantageuses ; & peut-être, ajoute M. Dufay, seroit-il permis d’appeller du jugement que Descartes a porté contre l’histoire d’Archimede. Il est vrai qu’afin qu’un miroir fût capable de brûler à une grande distance, il faudroit, s’il étoit parabolique, que la parabole fût d’une grandeur énorme & impraticable ; puisque le parametre de cette parabole devroit être quadruple de cette distance ; & si le miroir étoit sphérique, son rayon devroit être double de cette distance ; & de plus, son

foyer auroit beaucoup d’étendue. Mais l’expérience de M. Dufay prouve qu’on peut porter avec un miroir plan à une assez grande distance l’image du soleil, dont les rayons seront peu affoiblis ; & si plusieurs miroirs plans étoient posés ou tournés de façon qu’ils portassent cette image vers un même point, il se pourroit faire en ce point une espece de foyer artificiel qui auroit de la force. Ce fut ainsi, au rapport de Tzetzes, poëte Grec, mais fort postérieur à Archimede, que ce célebre Mathématicien brûla les vaisseaux des Romains. Ce Poëte fait une description fort détaillée de la maniere dont Archimede s’y prit pour cela. Il dit que ce grand Géometre disposa les uns auprès des autres plusieurs miroirs plans, dont il forma une espece de miroir polygone à plusieurs faces ; & que par le moyen des charnieres qui unissoient ces miroirs, il pouvoit leur faire faire tels angles qu’il vouloit ; qu’il les disposa donc de maniere qu’ils renvoyassent tous vers un même lieu l’image du soleil, & que ce fut ainsi qu’il brûla les vaisseaux des Romains. Tzetzes vivoit dans le douzieme siecle ; & il pourroit se faire que Proclus qui vivoit dans le cinquieme, eût employé une méthode semblable pour détruire la flotte de Vitalien. M. de Buffon, de l’Académie Royale des Sciences de Paris, vient d’exécuter ce que Tzetzes n’avoit fait que raconter ; ou plûtôt, comme il n’en avoit aucune connoissance, il l’a exécuté d’une maniere différente. Il a formé un grand miroir composé de plusieurs miroirs plans d’environ un demi pied en quarré ; chacun de ces miroirs est garni par derriere de trois vis, par le moyen desquelles on peut en moins d’un quart-d’heure les disposer tous de maniere qu’ils renvoyent vers un seul endroit l’image du soleil. M. de Buffon par le moyen de ce miroir composé, a déjà brûlé à 200 pieds de distance ; & par cette belle expérience, a donné un nouveau degré de vraissemblance à l’histoire d’Archimede, dont la plûpart des Mathématiciens doutoient depuis le jugement de Descartes. M. de Buffon pourra, selon toutes les apparences, brûler encore plus loin avec des glaces plus polies ; & nous savons qu’il travaille à perfectionner de plus en plus une invention si curieuse, si utile même, & à laquelle les Physiciens ne sauroient trop s’intéresser. Voyez les Mem. de l’Acad. 1747.

Les plus célebres miroirs ardens parmi les modernes, sont ceux de Septala, de Villette, de Tschirnhausen. Le miroir ardent de Manfredus Septala chanoine de Milan, étoit un miroir parabolique, qui selon Schot, mettoit le feu à des morceaux de bois, à distance de 15 ou 16 pas. Le miroir ardent de Tschirnhausen égale au moins le miroir de Septala pour la grandeur, & pour l’effet. Voici ce qu’on trouve sur ce sujet dans les Acta eruditorum de Leipsic.

Ce miroir allume du bois verd en un moment, ensorte qu’on ne peut éteindre le feu en soufflant violemment dessus.

2°. Il fait bouillir l’eau, ensorte qu’on peut très promptement y faire cuire des œufs ; & si on laisse cette eau un peu de tems au foyer, elle s’évapore.

3°. Il fait fondre en un moment un mêlange d’étain & de plomb de trois pouces d’épais : ces métaux commencent à fondre goutte à goutte, ensuite ils coulent continuement, & en deux ou trois minutes la masse est entierement percée. Il fait aussi rougir promptement des morceaux de fer ou d’acier, & peu après il s’y forme des trous par la force du feu. Une lame de ces métaux fut percée de trois trous en six minutes. Le cuivre, l’argent, &c. se liquéfient aussi quand on les approche du foyer.

4°. Il fait aussi rougir comme le fer les matieres qui ne peuvent fondre, comme la pierre, la brique, &c.

5°. Il blanchit l’ardoise en un moment, & ensuite