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on le voit en 1, par le moyen de cette opération, & de celle qui a précédé, savoir la coupe ou le percement de la cosse, un banc 1 tout formé.

Lorsque le banc 1 est formé, il arrive ou que la pierre ou ardoise est tendre & parsemée de veines, ce qu’on appelle être en feuilletis ; & alors elle n’est pas assez faite ; elle n’a pas assez de consistance pour se diviser exactement par lames, & pour que ces lames ayent la dureté requise : ou elle est excessivement dure & cassante ; défaut opposé au précédent, mais qui ne permet pas de tirer de l’ardoise un meilleur parti ; on donne à l’ardoise de cette derniere qualité le nom de chat : ou elle a la fermeté convenable, & les ouvriers sont, comme ils disent, en bonne chambrée. Dans les deux premiers cas, on ne retire aucun fruit de son travail ; avec cette différence, que l’ardoise devenant plus dure & plus consistante à mesure que la carriere prend plus de profondeur, il peut arriver qu’on trouve de la bonne ardoise après les feuilletis ; mais qu’il est à présumer par la même raison, que la carriere qui commence par donner seulement des chats, ira toûjours en devenant plus dure, & n’en sera que plus mauvaise.

D’une premiere foncée on passe au travail d’une seconde ; du travail d’une seconde à celui d’une troisieme, & ainsi de suite, formant toûjours un banc à chaque foncée. Ces bancs formés par les foncées, ressemblent par leur figure & leur disposition à de grands & longs degrés d’un escalier, par lequel on descendroit du haut de la carriere au fond, s’ils avoient moins de hauteur. On continue les foncées & les bancs, jusqu’à ce qu’on soit parvenu à une bonne qualité d’ardoise ; alors les ouvriers prennent un instrument, tel qu’on le voit en B, b ; chacun le choisit gros ou petit, selon sa force ; il est de fer, aigu par un bout & quarré par l’autre : on l’appelle pointe. A l’aide de cet instrument, on pratique un petit enfoncement sur la nife d’un des bancs, à 4, 5, 6 pouces, plus ou moins, de son bord ; ce petit enfoncement pratiqué tout le long du banc s’appelle chemin, & l’opération faire le chemin. On entend par la nife, la surface supérieure d’un banc ; ainsi la même Planche & la même figure marque en KK le chemin, & en 1, 2, 3, 4, 5, &c. les nifes des bancs.

Quand le chemin est fait, on plante dans cette espece de rainure une espece de coin fourchu, comme on en voit un même Planche, fig. K 2 ; ce coin s’appelle fer : il y a deux sertes de fers, qui ne different que par la grosseur ; on appelle l’un fer moyen, & l’autre grand fer. Après qu’on a planté des fers moyens dans la rainure, selon toute sa longueur, à un pié ou environ de distance les uns des autres, les ouvriers tous rangés sur une même ligne, & tous armés de masses, frappent tous en même tems sur les fers : quoiqu’ils soient en grand nombre on n’entend qu’un seul coup ; par ce moyen les fers enfoncent tous également & en même tems ; le morceau du banc s’ébranle également dans toute sa longueur, & se sépare de la roche en des parties plus grandes ; c’est précisement comme s’il n’y avoit qu’un seul ouvrier, & que son coup tombât sur un grand tranchant qui occuperoit toute la longueur du chemin : on voit en K, K, des fers plantés dans le chemin. Selon que la roche est plus ou moins dure & les foncées plus ou moins profondes, on se sert, pour faire le chemin, de pointes plus ou moins fortes ; & pour enfoncer les fers moyens, de masses plus ou moins pesantes.

Quand les fers moyens sont enfoncés, on leur en fait succéder de plus gros, qu’on appelle grands fers : on enfonce ceux-ci comme on a enfoncé les précédens. Après les grands fers, on employe les quilles, qui ne sont à proprement parler que de plus grands fers encore, puisqu’ils n’en different que par le volume & l’extrémité qui n’est pas fourchue. Les ou-

vriers font entrer les quilles comme les autres fers ;

ce sont elles qui séparent du banc la piece d’ardoise. Voyez, fig. K 3, une quille.

Quoique la chambrée soit bonne, il ne faut pas s’imaginer que la piece d’ardoise se separe entiere & sans fraction ; il se rencontre des veines dans la carriere ; ces veines sont blanches : on les appelle chauves quand leur direction verticale suit celle du chemin, & finnes quand au contraire cette direction est oblique & fait angle avec celle du chemin. Il est évident que dans ce dernier cas la piece ne peut manquer de se fracasser. Les finnes gâtent l’ardoise ; les chauves, dont les ouvriers ne manquent pas de profiter, hâtent & facilitent la séparation ; les feuilletis ne leur coûtent guere à séparer, puisqu’ils sont d’ardoise trop tendre, mais ils ne servent à rien. Quand les ouvriers sont tombés dans les feuilletis, ils ont perdu leur tems. Ils disent qu’ils ont fait une enferrure, ou qu’ils ont enferré une piece, quand ils ont achevé l’opération que nous venons de décrire.

Quand les quilles ont été conduites dans le rocher jusqu’à leur tête à coups de masses, si l’on en est aux premieres foncées ; & à coups de pics, si l’on en est aux dernieres ; quand la piece est bien séparée de son banc, on la jette dans la derniere foncée faite, soit avec des cables, soit d’une autre maniere ; là on travaille à la diviser : pour cet effet on pratique dans son épaisseur une trace ou chemin avec la pointe ; on place dans ce chemin un instrument de fer ou une espece de coin, tel que celui qu’on voit, même Planc. & fig. K 1, & qu’on appelle un alignouet. On frappe sur l’alignouet avec un pic moyen ; & après quelques coups, la separation se fait continue & dans un même plan de toute l’épaisseur de la piece, s’il ne s’y rencontre ni finne, ni feuilletis, ni chats, ni même de chauves, dont on n’a point profité faute de les avoir appercûs.

Avant que la séparation se fasse, les ouvriers sont quelquefois obligés de se servir du gros pic. Les morceaux qui viennent de cette premiere division, sont soûdivisés à l’aide du pic moyen ou du gros pic, en d’autres morceaux d’une grosseur à pouvoir être portés par une seule personne : on les appelle crenons.

Tandis que les ouvriers sont occupés à mettre en morceaux les pieces d’ardoise ; & les morceaux en crenons, d’autres sont occupés à sortir les crenons de la foncée, & à enlever les petits restes qui sont demeurés attachés au banc, & qui ne sont pas venus avec la piece ; ce qu’ils exécutent avec les fers moyens, sur lesquels on frappe, soit avec les mains, soit avec des pics, selon qu’ils sont plus ou moins adhérens. Ils mettent ces petits morceaux, qu’on appelle escots, dedans un seau qui est enlevé du fond de la foncée avec beaucoup de promptitude, par une machine appellée le trait. V. même Pl. fig. 10, le trait. La partie du trait ST, à l’extrémité de laquelle S est attachée la corde qui enleve le seau, s’appelle verne ; la partie Rq s’appelle le gland ; le gland tourne sur le support Pq ; le seau est enlevé en vertu de la pesanteur de la partie T de la verne, & il est conduit où le desire l’ouvrier de la fig. 9, qui en poussant l’extrémité T de la verne, fait mouvoir en sens contraire l’extrémité S ; c’est aussi à l’aide de cette machine qu’on peut tirer de la roncée les crenons ; elle serviroit même, si l’on vouloit, à en enlever de très-grosses pieces d’ardoise ; & l’on est bien forcé d’y avoir recours, lorsque la foncée est trop étroite, & qu’on ne peut y manier une grosse piece d’ardoise commodément : alors on la perce d’un trou, comme on voit Planc. II. fig. 20 ; on passe dans ce trou un crochet qu’on nomme havet ; ce crochet tient à une corde, à l’aide de laquelle la piece est enlevée.

Lorsque l’ardoise est en crenons, si ces crenons sont éloignés du bout de la foncée auquel corres-