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blit des batteries sur ses branches pour battre en breche les faces des bastions du front de l’attaque, & celles de la demi-lune. Les breches se pratiquent vers le milieu des faces, pour pénétrer plus aisément dans le bastion. On fait une descente de fossé vis-à-vis chaque face des bastions attaqués ; ou bien, & c’est l’usage le plus commun, on en fait seulement vis-à-vis les faces du front de l’attaque. On y procede comme dans la descente du fossé de la demi-lune, & l’on se conduit aussi de la même maniere pour le passage du fossé, soit qu’il soit sec ou plein d’eau ; c’est-à-dire que s’il est sec, on conduit une sappe dans le fossé depuis l’ouverture de la descente jusqu’au pié de la breche, & qu’on l’épaule fortement du côté du flanc auquel elle est opposée. Si le fossé est plein d’eau, on le passe sur un pont de fascines, que l’on construit aussi comme pour le passage du fossé de la demi-lune.

« Les batteries établies sur le haut du glacis pour battre en breche les faces des bastions, tirent sur la partie des faces où doit être la breche, & elles tirent toutes ensemble & en sappe, comme on le pratique dans l’attaque de la demi-lune : & lorsqu’elles ont fait une breche suffisante pour qu’on puisse monter à l’assaut sur un grand front, on conserve une partie des pieces pour battre le haut de la breche, & on en recule quelques-unes sur le derriere de la platte-forme, qu’on dispose de maniere qu’elles puissent battre l’ennemi lorsqu’il se présente vers le haut de la breche. Tout cela se fait pendant le travail des descentes du fossé & de son passage. On se sert aussi des mines pour augmenter la breche, même quelquefois pour la faire, & pour cet effet on y attache le mineur.

« Pour attacher le mineur lorsque le fossé est sec, il faut qu’il y ait un logement d’établi proche l’ouverture de la descente, pour le soûtenir en cas que l’assiégé fasse quelque sortie sur le mineur. On lui fait une entrée dans le revêtement avec le canon, le plus près que l’on peut du fond du fossé, afin d’avoir le dessous du terrein que l’ennemi occupe, & des galeries qu’il peut avoir pratiquées dans l’intérieur des terres du bastion. On peut avec le canon faire un enfoncement de 5 ou 6 piés, pour que le mineur y soit bientôt à couvert. Il s’occupe d’abord à tirer les décombres du trou, pour pouvoir y placer un ou deux de ses camarades, qui doivent lui aider à déblayer les terres de la galerie.

« Lorsque le fossé est sec, & que le terrein le permet, le mineur le passe quelquefois par une galerie soûterraine qui le conduit au pié du revêtement ; lorsque le fossé est plein d’eau, on n’attend pas toûjours que le passage du fossé soit entierement achevé pour attacher le mineur à la face du bastion. On lui fait un enfoncement avec le canon, ainsi qu’on vient de le dire, mais un peu au-dessus de la superficie de l’eau du fossé, afin qu’il n’en soit pas incommodé dans sa galerie, & on le fait passer avec un petit bateau dans cet enfoncement. L’ennemi ne néglige rien pour l’étouffer dans sa galerie. Lorsque le fossé est sec, il jette une quantité de différentes compositions d’artifice vis-à-vis l’œil de la mine ; cet artifice est ordinairement accompagné d’une grêle de pierres, de bombes, de grenades, &c. qui empêche qu’on n’aille au secours du mineur. M. de Vauban dans son traité de la conduite des siéges, propose de se servir de pompes pour éteindre ce feu. On en a aujourd’hui de plus parfaites & de plus aisées à servir, que de son tems, pour jetter de l’eau dans l’endroit que l’on veut : mais il ne paroît pas que l’on puisse toûjours avoir assez d’eau dans les fossés secs pour faire joüer des pompes, & que d’ailleurs il soit aisé de s’en servir sans trop se découvrir à l’ennemi. Quoi qu’il en soit, lorsque

le canon a fait au mineur tout l’enfoncement dont il est capable, il n’a guere à redouter les feux qu’on peut jetter à l’entrée de son ouverture, & il peut s’avancer dans les terres du rempart, & travailler diligemment à sa galerie. Outre le bon office que lui rend le canon pour lui donner d’abord une espece de couvert dans les terres du rempart, il peut encore, si l’ennemi y a construit des galeries proche le revêtement, les ébranler & même les crever ; ce qui produit encore plus de sûreté au mineur pour avancer son travail. Les mineurs se relayent de deux heures en deux heures, & ils travaillent avec la plus grande diligence pour parvenir à mettre la mine dans l’état de perfection qu’elle doit avoir, c’est-à-dire, pour la charger & la fermer. Pendant ce travail ils éprouvent souvent bien des chicanes de la part de l’ennemi.

« Le mineur ayant percé le revêtement, il fait derriere de part & d’autre deux petites galeries de 12 à 14 piés, au bout desquelles il pratique de part & d’autre deux fourneaux ; savoir, l’un dans l’épaisseur du revêtement, & l’autre enfoncé de 15 piés dans les terres du rempart. On donne un foyer commun à ces quatre fourneaux, lesquels prennent feu ensemble, & font une breche très-large & très spacieuse.

« Lorsqu’il y a des contre-mines pratiquées dans les terres du rempart, & le long de son revêtement, on fait ensorte de s’en emparer & d’en chasser les mineurs. M. Goulon propose pour cela de faire sauter deux fougaces dans les environs pour tâcher de la crever ; après quoi si l’on y est parvenu, il veut qu’on y entre avec dix ou douze grenadiers, & autant de soldats commandés par deux sergens ; qu’une partie de ces grenadiers ayent chacun 4 grenades, & que les autres soient chargés de 4 ou 5 bombes, dont il n’y en ait que 3 de chargées, les deux autres ayant néanmoins la fusée chargée comme les trois premieres. Les deux sergens se doivent jetter les premiers l’épée ou le pistolet à la main dans la contre-mine, & être suivis des grenadiers. Si les assiégés n’y paroissent pas pour défendre leur contre-mine, on y fait promptement un logement avec des sacs à terre. Ce logement ne consiste qu’en une bonne traverse qui bouche entierement la galerie de la contre-mine du côté que l’ennemi y peut venir. Si l’ennemi vient pour s’opposer à ce travail, les grenadiers doivent leur jetter leurs trois bombes chargées & se retirer promptement, de même que leurs camarades, pour n’être point incommodés de l’effet de ces bombes. La fumée qu’elles font en crevant, & leur éclat, ne peuvent manquer d’obliger l’ennemi d’abandonner la galerie pour quelque tems : mais dès qu’elles ont fait tout leur effet, les deux sergens & les grenadiers avec les soldats dont ils sont accompagnés, rentrent promptement dans la galerie, & ils travaillent avec diligence à leur traverse pour boucher la galerie. Si l’ennemi veut encore interrompre leur ouvrage, ils lui jettent les deux bombes non chargées, qui l’obligent de se retirer bien promptement ; & comme l’effet n’en est point à craindre, ce que l’ennemi ignore, on continue de travailler à perfectionner la traverse : on y pratique même des ouvertures ou creneaux pour tirer sur l’ennemi, en cas qu’il paroisse dans la partie de la galerie opposée à la traverse.

« Lorsqu’il n’y a point de galerie ou de contre-mine derriere le revêtement du rempart, ou lorsqu’il y en a une, & qu’on ne peut y parvenir aisément, le mineur ne doit rien négliger pour tâcher de la découvrir, & il doit en même tems veiller avec beaucoup d’attention, pour ne se point laisser surprendre par les mineurs ennemis, qui viennent