Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 1.djvu/896

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce logement bien établi & dans son état de perfection, empêche l’ennemi de revenir dans le chemin couvert pour essayer de le reprendre.

Tous ces logemens se font avec des gabions & des fascines. On remplit les gabions de terre ; on met des fascines dessus, & l’on recouvre le tout de terre.

« Dans tout ce détail nous n’avons point fait usage de mines, afin de simplifier autant qu’il est possible la description des travaux que l’on fait depuis la troisieme parallele, pour se rendre maître du chemin couvert : nous allons suppléer actuellement à cette omission, en parlant des principales difficultés que donnent les mines, pour parvenir à chasser l’ennemi du chemin couvert.

« Sans les mines il seroit bien difficile à l’ennemi de retarder les travaux dont nous venons de donner le détail ; parce que les ricochets le désolent entierement, & qu’ils labourent toutes ses défenses, ensorte qu’il n’a aucun lieu où il puisse s’en mettre à l’abri : mais il peut s’en dédommager dans les travaux soûterreins, où ses mineurs peuvent aller, pour ainsi dire, en sûreté, tandis que ceux de l’assiégeant, qui n’ont pas la même connoissance du terrein, ne peuvent aller qu’à tâtons, & que c’est une espece de hasard, s’ils peuvent parvenir à trouver les galeries de l’ennemi, & les ruiner. Si l’on est instruit que le glacis de la place soit contreminé, on ne doit pas douter que l’ennemi ne profite de ces contremines, pour pousser des rameaux en avant dans la campagne ; & alors pour éviter autant que faire se peut, le mal qu’il peut faire avec ses fourneaux, on creuse des puits dans la troisieme parallele, auxquels on donne, si le terrein le permet, 18 ou 20 piés de profondeur, afin de gagner le dessous des galeries de l’assiégé ; & du fond de ces puits on mene des galeries, que l’on dirige vers le chemin couvert pour chercher celles de l’ennemi. On sonde les terres avec une longue aiguille de fer, pour tâcher de trouver ces galeries. Si l’on se trouve dessus, on y fera une ouverture, par laquelle on jettera quelques bombes dedans qui en feront deserter l’ennemi, & qui ruineront sa galerie. Si au contraire on se trouve dessous, on la fera sauter avec un petit fourneau : mais si on ne peut parvenir à découvrir aucunes galeries de l’ennemi, en ce cas il faut prendre le parti de faire de petits rameaux à droite & à gauche, au bout desquels on fera de petits fourneaux qui ébranleront les terres des environs, & qui ne pourront guere manquer de ruiner les galeries & les fourneaux de l’assiégé.

« Quelque attention que l’on puisse avoir en pareil cas, on ne peut présumer d’empêcher totalement l’ennemi de se servir des fourneaux qu’il a placés sous le glacis : mais à mesure qu’il les fait sauter, on fait passer des travailleurs, qui font promptement un logement dans l’entonnoir de la mine, & qui s’y établissent solidement. On peut dans de certaines situations de terrein, gâter les mines des assiégés, en faisant couler quelque ruisseau dans ses galeries ; il ne s’agit pour cela que de creuser des puits dans les environs, & y faire couler le ruisseau. On se servit de cet expédient au siége de Turin, en 1706, & on rendit inutile par là un grand nombre de mines des assiégés.

« L’ennemi doit avoir disposé des fourneaux pour empêcher le logement du haut du glacis ; ils doivent être placés à quatre ou cinq toises de la palissade du chemin couvert, afin qu’en sautant, ils ne causent point de dommage à cette palissade, & qu’ils se trouvent à peu-près sous le logement que l’assiégeant fait sur le haut du glacis. Lorsqu’il y a mis le feu, on s’établit dans leur entonnoir ; l’assié-

geant fait aussi sauter des fourneaux de son côté,

pour enlever & détruire la palissade. Enfin on ne néglige rien de part & d’autre pour se détruire réciproquement. L’assiégé fait ensorte de n’abandonner aucune partie de son terrein, sans l’avoir bien disputé ; & l’assiégeant employe de son côté toute son industrie, pour obliger l’ennemi de le lui céder au meilleur compte, c’est-à-dire avec peu de perte de tems & de monde.

« On ne peut donner que des principes généraux sur ces sortes de chicanes. Elles dépendent du terrein plus ou moins favorable, & ensuite de la capacité & de l’intelligence de ceux qui attaquent, & de ceux qui défendent la place.

« Nous avons supposé avant que de parler des mines, en traitant du logement sur le haut du glacis, que le feu des cavaliers de tranchée, celui des batteries de canon & de bombes à ricochet, avoit obligé l’ennemi de quitter le chemin couvert : mais si malgré tous ces feux il s’obstine à demeurer dans les places d’armes, & derriere les traverses, voici comment on pourra parvenir à l’en chasser totalement, & à faire sur le haut du glacis le logement dont nous avons déjà parlé.

« Soit que l’ennemi ait fait sauter un fourneau vers l’angle saillant de son chemin couvert, ou que l’assiégé ait fait sauter vers ces endroits une partie des palissades ; si-tôt que le fourneau aura joüé, on fera passer des travailleurs dans son entonnoir, qui s’y couvriront promptement, & qui ensuite étendront le logement dans le chemin couvert de part & d’autre des côtés de son angle saillant.

« On communiquera la tranchée double, ou la double sappe de l’arrête du glacis avec ce logement, pour être plus en état de le soûtenir, s’il en est besoin, & pour pouvoir communiquer plus sûrement avec lui. Une des grandes attentions qu’il faut avoir dans ce logement, c’est d’en bien couvrir les extrémités, c’est-à dire, de s’y bien traverser pour se couvrir des feux des autres parties du chemin couvert, où l’ennemi se tient encore.

« Lorsque ce logement sera parvenu auprès des premieres traverses du chemin couvert, si l’ennemi est encore derriere, comme il ne peut y être qu’en très-petit nombre, eu égard à l’espace qu’il y a, on l’en fera chasser par une compagnie de grenadiers, qui tomberont brusquement sur lui ; après quoi on fera chercher dans la partie qu’ils auront abandonnée, l’ouverture ou le saucisson de la mine ; & si on la trouve, comme il y a apparence, on l’arrachera, & on rendra par là la mine inutile. On pourra aussi faire passer quelques travailleurs dans le passage de la traverse : ils y feront un logement qui sera un des plus sûrs de ceux que l’on peut faire dans cette proximité de l’ennemi. On percera ensuite une entrée dans le chemin couvert vis-à-vis ces traverses ; on la prolongera jusque vers le bord du fossé, en se couvrant de la traverse ; après quoi on fera partir une sappe de chacune des extrémités de ce passage, c’est-à-dire, environ du bord de la contrescarpe, lesquels suivront à peu-près l’arrondissement de cette contrescarpe, vers le milieu de laquelle elles se rencontreront. On enfoncera beaucoup ce logement, afin qu’il ne cause point d’obstacle à celui du haut du glacis ; & l’on fera ensorte de laisser devant lui jusqu’au bord du fossé, une épaisseur de terre suffisante pour résister au canon des flancs & de la courtine. On blinde ce logement pour y être à couvert des grenades. Il est d’une grande utilité pour donner des découvertes dans le fossé.

« On continuera pendant le tems qu’on travaillera à ce logement dans l’intérieur du chemin couvert, le logement du haut du glacis, jusqu’aux places