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donne en Allemagne à des juges ou arbitres devant lesquels les électeurs, princes, comtes, prélats & la noblesse immédiate, ont droit de porter certaines causes.

Ce nom vient de l’Allemand, austragen, qui veut dire accorder, parce que la fonction de ces juges est de pacifier les différends ; ce sont proprement des arbitres, à cela près que les arbitres sont autorisés par le droit naturel, au lieu que la jurisdiction des austregues est fondée sur des constitutions de l’Empire, quoique dans le fond leurs sentences ne soient qu’arbitrales.

Lorsqu’un électeur ou prince a différend avec un autre, soit prince soit électeur, & qu’il lui a fait signifier sa demande, le défendeur lui dénomme dans le mois quatre électeurs ou princes, moitié écclésiastiques & moitié séculiers, & le somme d’en agréer un pour juge, ce que le demandeur est obligé de faire dans le mois suivant. Ce juge, qu’on nomme austregue, instruit le procès, le décide ; & la partie qui ne veut pas s’en tenir à son jugement, en appelle directement à la chambre impériale.

Ceux qui veulent terminer leurs différends par la voie des austregues, ont deux moyens pour y parvenir : l’un, en faisant nommer d’autorité par l’empereur, à la requisition du demandeur, un commissaire impérial, qui doit toûjours être un prince de l’Empire, que le défendeur ne peut récuser ; l’autre, en faisant proposer par le demandeur trois électeurs dont le défendeur est obligé d’en choisir un dans un certain tems pour être leur juge ; & ce juge ou commissaire impérial instruit le procès & le décide avec les officiers & jurisconsultes de sa propre justice.

Dans cette jurisdiction d’austregues, les parties ne plaident que par production, & il ne leur est permis d’écrire que trois fois, & défendu de multiplier les pieces, quand même elles en appelleroient à la chambre impériale.

Tous les membres de l’Empire n’ont pas indifféremment le droit d’austregues, ou de nommer des arbitres autorisés par l’Empire ; c’est à peu près la même chose que ce que nous appellons en France droit de committimus, dont il n’y a que certaines personnes qui soient gratifiées. Voyez Committimus.

Il faut encore remarquer que les austregues ne prennent point connoissance des grandes affaires, telles que les procès où il s’agit des grands fiefs de l’Empire, de l’immédiateté des états, de la liberté des villes impériales & autres causes qui vont directement à l’Empereur, ou même à la diete de l’Empire. Heis. Hist. de l’Emp. tom. III. (G)

AUSWISTERN en Allemand, mine dépérissante en François, Weed en Anglois, sont termes usités chez ces nations parmi ceux qui travaillent aux mines des métaux, pour dire une veine de mine de métal fin qui dégénere en une mauvaise marcassite ; ce qui est conforme au sentiment de ceux qui croyent que les minéraux croissent & périssent comme font les végétaux & les animaux. Voyez Mine, Veine, Métal, Marcassite, Mineral. (M)

* AUTAN-KELURAN, (Géog.) ville du Turquestan. Long. 110d. & lat. 46. 45. selon Uluhbeg ; & long. 116. & lat. 45. selon Nassiredden.

AUTEL, s. m. (Hist. anc. mod. & Théol.) espece de table de bois, de pierre ou de métal, élevée de quelques piés au-dessus de terre, sur laquelle on sacrifie à quelque divinité. Voyez Sacrifice.

Les Juifs avoient un autel d’airain pour les holaucaustes, & un d’or sur lequel ils brûloient l’encens. Voyez Tabernacle, &c.

Chez les Romains l’autel étoit une espece de piédestal quarré, rond, ou triangulaire, orné de sculpture, de bas-reliefs & d’inscriptions, sur lequel ils

brûloient les victimes qu’ils sacrifioient aux idoles. Voyez Victime.

Servius nous apprend que les autels des dieux célestes & supérieurs étoient exhaussés & construits sur quelqu’édifice relevé ; & que ce fut pour cela qu’on les appella altaria, composé de alta & ara, qui signifient autel élevé. Ceux qu’on destinoit aux dieux terrestres étoient posés à rase terre, & on les appelloit aræ ; & pour les dieux infernaux, on fouilloit la terre, & on y faisoit des fosses qu’on appelloit βόθροιλάκκοι, scrobiculi.

Mais cette distinction ne paroît pas suivie. Les meilleurs auteurs se servent fréquemment d’ara, comme d’un terme générique sous lequel ils comprennent également les autels des dieux célestes, terrestres & infernaux : témoin Virgile, Eclog. V.

En quatuor aras.

où assûrément altaria est bien compris dans aræ ; car il est question entr’autres de Phœbus, qui étoit un dieu céleste. De même Cicéron, pro Quint. Aras delubraque Hecates in Græciâ vidimus.

Les Grecs distinguoient aussi deux sortes d’autels ; l’un sur lequel ils sacrifioient aux dieux, qu’ils appelloient βῶμος, & qui étoit un véritable autel : l’autre, sur lequel ils sacrifioient aux héros, qui étoit plus petit, & qu’ils appelloient ἔσχαρα. Pollux fait cette distinction des deux sortes d’autels usités chez les Grecs, dans son Onomasticon : il ajoûte cependant que quelquefois les poëtes employoient le mot ἔσχαρα, pour exprimer l’autel sur lequel on sacrifioit aux dieux. Les Septante employent aussi le mot ἔσχαρα, pour un autel bas, qu’on pourroit exprimer en Latin par craticula ; attendu que c’étoit plûtôt une espece d’âtre ou foyer qu’un autel.

Varron dit qu’au commencement les autels étoient portatifs, & consistoient en un trépié sur lequel on mettoit du feu pour brûler la victime. Les autels étoient communément dans les temples ; cependant il y en avoit de placés en plein air, soit devant la porte des temples, soit dans le péristyle des palais des princes. Dans les grands temples de l’ancienne Rome il y avoit ordinairement trois autels : le premier étoit dans le sanctuaire, & au pié de la statue du dieu ; on y brûloit l’encens, les parfums, & l’on y faisoit les libations : le second étoit devant la porte du temple, & on y offroit les sacrifices : le troisieme étoit un autel portatif, nommé anclabris, sur lequel on posoit les offrandes & les vases sacrés. On juroit par les autels & sur les autels ; & ils servoient d’asyle aux malheureux. Lorsque la foudre tomboit en quelque lieu, on y élevoit un autel en l’honneur du dieu qui l’avoit lancée : Deo fulguratori aram & locum hunc religiosum ex aruspicum sententiâ, Quint. Pub. Front. posuit, dit une ancienne inscription. On en élevoit aussi pour conserver la mémoire des grands évenemens, comme il paroît par divers endroits de l’Ecriture.

Les Juifs donnoient aussi le nom d’autels à des especes de tables qu’ils dressoient au milieu de la campagne, pour sacrifier à Dieu. C’est de ces autels qu’il faut entendre plusieurs passages où on lit : En cet endroit il édifia un autel au Seigneur.

Il faut pourtant observer que ces autels ainsi dressés en pleine campagne pour sacrifier, n’ont été permis que dans la loi de nature ; car dans celle de Moyse il ne devoit y avoir pour tout le peuple d’Israël qu’un autel pour offrir des victimes ; & c’étoit celui des holocaustes qui étoit d’abord dans le tabernacle, aussi bien que l’autel des parfums : car on lit au chap. xxij. du livre de Josué, que les tribus de Ruben, de Gad, & la demi-tribu de Manassé qui en dresserent d’autres, furent obligées de se disculper, en remontrant qu’elles ne les avoient pas érigés pour sacrifier, mais seulement pour servir de monument. Il