Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 10.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’ailleurs on voit dans ces variétés plus que dans aucun autre arbre panaché, une apparence de foiblesse & de maladie qui en ôte l’agrément.

Marronnier à fleurs rouges, pavia, petit arbre qui nous est venu de la Caroline en Amérique, où on le trouve en grande quantité dans les bois. Quoiqu’il ait une très-grande ressemblance à tous égards avec le marronnier d’inde, si ce n’est qu’il est plus petit & plus mignon dans toutes ses parties, les Botanistes en ont cependant fait un genre différent du maronnier d’inde, par rapport à quelque différence qui se trouve dans les parties de sa fleur. Ce petit marronnier ne s’éleve au plus qu’à douze ou quinze piés : il fait une tige droite, une jolie tête ; ses boutons sont jaunâtres en hiver sans être glutineux comme ceux du marronnier d’inde ; la forme des feuilles est la même, mais elles sont plus petites, lisses, & d’un verd plus tendre. Ses fleurs sont d’une couleur rouge assez apparente, elles sont répandues autour d’une grappe moins longue, moins fournie que dans l’autre marronnier, mais elles paroissent un mois plus tard. Les fruits qui leur succedent sont de petits marrons d’une couleur jaune enfumée, & le brou qui leur sert d’enveloppe n’est point épineux. L’arbre en produit peu ; encore faut-il que l’année soit favorable. Ce marronnier est robuste, & quoiqu’il soit originaire d’un climat plus méridional, nos fâcheux hivers ne lui causent aucun dommage. Il se plaît dans toutes sortes de terreins, il réussit même dans les terres un peu seches, il se multiplie aisément, & il n’exige qu’une culture fort ordinaire. On peut élever cet arbre de semences, de branches couchées, & par la greffe en approche ou en écusson sur le marronnier d’inde ; la greffe en écusson réussit très-aisément, & souvent elle donne des fleurs dès la seconde année. Il faut le semer de la même façon que les châtaignes, il donnera des fleurs au bout de cinq ans. Les branches couchées se font au printems ; elles font des racines suffisantes pour être transplantées l’automne suivante, si l’on a eu la précaution de les marcotter. Les arbres que l’on éleve de semence viennent plus vîte, sont plus grands & plus beaux, & donnent plus de fleurs & de fruits que ceux que l’on éleve des deux autres façons. Article de M. Daubenton, subdélegué.

Marroquin, s. m. (Art méch.) peau des boucs ou des chevres, ou d’un autre animal à-peu-près semblable, appellé menon, qui est commun dans le Levant, laquelle a été travaillée & passée en sumac ou en galle, & qu’on a mise ensuite en telle couleur qu’on a voulu : on s’en sert beaucoup pour les tapisseries, pour les reliures des livres, &c.

On dérive ordinairement ce nom de Maroc royaume de Barbarie dans l’Afrique, d’où l’on croit que l’on a emprunté la maniere de fabriquer le marroquin.

Il y a des maroquins de Levant, de Barbarie, d’Espagne, de Flandre, de France, &c. Il y en a de rouges, de noirs, de jaunes, de bleus, de violets, &c. Les différentes manieres de fabriquer les maroquins noirs & de couleurs, ont paru si curieuses, qu’on a cru que le public ne seroit pas fâché de les trouver ici.

Maniere de fabriquer le maroquin noir. Ayant fait d’abord sécher les peaux à l’air, on les met tremper dans des baquets remplis d’eau claire, où elles restent trois fois vingt-quatre heures ; on les en retire, & on les étend sur un chevalet de bois semblable à celui dont se servent les Tanneurs, sur lequel on les brise avec un grand couteau destiné à cet usage. On les remet après cela tremper dans des baquets où l’on a mis de nouvelle eau que l’on change tous les jours jusqu’à ce que l’on s’apperçoive que les peaux soient bien revenues. Dans

cet état, on les jette dans un plain, qui est une espece de grande cuve de bois ou de pierre remplie d’eau dans laquelle on a fait éteindre de la chaux qu’on a bien remuée, & où elles doivent rester pendant quinze jours.

Il faut néanmoins avoir soin de les en retirer, & de les y remettre chaque jour soir & matin ; après quoi on les jettera dans une cuve pleine de nouvelle chaux & de nouvelle eau de laquelle on les retire & où on les remet encore soir & matin pendant quinze autres jours. Ensuite on les rince bien dans l’eau claire, les unes après les autres ; on leur ôte le poil sur le chevalet avec le couteau ; & on les jette dans une troisieme cuve de laquelle on les retire & où on les remet soir & matin pendant encore dix-huit jours. On les met après cela dans la riviere pendant douze heures pour les faire boire ; d’où étant sorties bien rinsées, elles sont placées dans des baquets où elles sont pilonnées avec des pilons de bois, en les changeant deux fois d’eau. On les étend ensuite sur le chevalet pour les écharner avec le couteau ; après quoi on les remet dans des baquets de nouvelle eau, d’où on les retire pour leur donner une nouvelle façon du côté de la fleur, pour être rejettées ensuite dans des baquets dont les eaux ont été auparavant changées. Après quoi on les jette dans un baquet particulier dont le fond est percé de plusieurs trous, dans lequel elles sont foulées pendant une heure, en jettant de tems en tems de l’eau fraîche par-dessus à-mesure qu’on les foule. Ensuite on les étend sur le chevalet, & on les ratisse des deux côtés ; on les remet boire dans les baquets toujours remplis de nouvelle eau claire ; & lorsqu’elles y ont suffisamment bu, on les en retire pour les coudre tout-au-tour en forme de sacs, ensorte que les jambes de derriere qui ne sont point cousues, leur servent comme d’embouchure pour y pouvoir faire entrer une mixtion dont il sera parlé ci-après.

Les peaux ainsi cousues, sont mises dans une cuve appellée confit, remplie d’eau tiede, où l’on a bien fait fondre & dissoudre de l’excrément de chien ; on a soin d’abord de les y bien retourner avec de longs bâtons l’espace d’une demi-heure ; après quoi on les y laisse reposer pendant douze heures ; d’où étant retirées, elles sont bien rinsées dans de l’eau fraîche. Ensuite on les remplit au moyen d’un entonnoir, d’une préparation d’eau & de sumac mêlés ensemble, & échauffés presqu’à bouillir ; à-mesure qu’elles se remplissent, on en lie les jambes de derriere pour en fermer l’embouchure. En cet état on les descend dans le vaisseau où est l’eau & le sumac, & on les y remue pendant quatre heures. On les en retire, & on les entasse l’une sur l’autre. Après quelque tems on les change de côté, & on continue de la sorte jusqu’à ce qu’elles soient bien égouttées. Cela fait, on les retire & on les remplit une seconde fois de la même préparation ; on les coud de nouveau, & on les remue pendant deux heures ; on les met en pile, & on les fait égoutter comme la premiere fois. On leur donne encore après cela un semblable apprêt, à la reserve qu’on ne les remue seulement que pendant un bon quart-d’heure. Les laissant ensuite jusqu’au lendemain matin qu’on les retire de la cuve de bois, on les découd, on en ôte le sumac qui est dedans, on les plie en deux de la tête à la queue, le côté du poil en dehors ; & on les met les unes sur les autres sur le chevalet, pour achever de les égoutter, les étendre, & les faire sécher. Lorsqu’elles sont bien seches, on les foule aux piés deux à deux ; puis on les étend sur une table de bois pour en ôter avec un couteau fait exprès toute la chair & le sumac qui peut y rester. Enfin