Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 10.djvu/202

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ceptible d’une pareille dilatation, se rompe, que les faisceaux charnus qui composent les muscles du bas-ventre s’écartent, & donnent ainsi passage à la matrice alors distendue. Cette rupture peut plutôt avoir lieu vers le nombril & aux aînes, parce que ces endroits sont les parties les plus foibles du ventre ; ces causes dépendantes de la matrice sont beaucoup aidées par les efforts violens, les vomissemens continuels, des éternumens fréquens, des chûtes, des coups, ou autre cause violente ; & enfin par la vanité & l’imprudence de quelques femmes qui, pour paroître de plus belle taille, ou pour cacher leur grossesse, se serrent trop la poitrine & le ventre, & empêchent par-là la matrice de s’étendre également de tous côtés, & la poussent avec plus de force vers les parties inférieures.

Si l’on ne remedie pas tout de suite à cet accident, il peut devenir dangereux ; outre qu’il est difforme, incommode, la source d’indigestions, de vomissemens, de vapeurs, &c. l’étranglement peut amener l’inflammation, la gangrene, & obliger de recourir à l’opération incertaine, & toujours très périlleuse du bubonocele ; ou enfin, pour tirer l’enfant dans le tems de l’accouchement à l’opération césarienne, dont les risques ne sont pas moins pressans ; l’hernie peut aussi être funeste à l’enfant dont elle gêne l’accroissement, & que le mauvais état de la matrice ne peut manquer d’incommoder.

La réduction est le seul remede curatif qu’il convient d’employer lorsque l’hernie est bien décidée ; on empêche ensuite par un bandage approprié le retour de l’hernie ; il faut aussi que les femmes elles-mêmes y concourent par leur régime : lorsqu’elles ont à craindre pareils accidens, elles ne doivent porter aucun habillement qui leur serre trop le ventre & la poitrine, & sur-tout éviter ces corps tissus de baleine, qui ne peuvent préter aucunement, où la vanité a emprisonné leur taille aux dépens même de leur aisance & de leur santé. Il faut aussi qu’elles s’abstiennent de tout exercice violent, de tout effort subit & considérable, & bien plus, qu’elles gardent tout-à-fait le lit, si leurs affaires le leur permettent. Si, lorsque le terme de l’accouchement est venu, la réduction n’étoit pas faite, & que l’hernie étant totale l’enfant ne pût sortir par les voies ordinaires, il ne faut pas balancer à tenter l’opération césarienne, dont le succès, quand elle est faite à tems, est presque toujours assuré pour l’enfant, quoiqu’elle soit funeste à la mere, parce que dans ces circonstances, sans cette opération, la mort de la mere est assurée ; avec elle, elle n’est que probable. Je crois qu’il seroit à-propos, lorsqu’on est obligé d’en venir à ces extrémités, en même tems qu’on a fait la section des tégumens & de la matrice pour avoir l’enfant, de débrider les parties du péritoine qui forment l’étranglement ; par cette double opération, qui ne seroit pas plus cruelle, on pourroit remettre la matrice & guérir l’hernie.

Hydropisie de matrice. Les hydropisies se forment dans la cavité de la matrice, comme dans les autres parties du corps, par l’épanchement & la collection des sérosités qui y sont retenues par le renversement & l’obstruction de l’orifice interne de la matrice, ou qui sont renfermées dans de petites poches particulieres qu’on nomme hydatides. C’est ainsi que Pechlin (obser. 19.) trouva la matrice d’une femme morte enceinte, toute parsemée d’hydatides. Tulpius (obs. 45. lib. IV.) raconte qu’une femme portoit dans les deux cornes de la matrice, plus de neuf livres d’eau très limpide, renfermée dans de semblables vessies. Mauriceau a une observation curieuse touchant une femme à qui il tira une mole très-considérable, qui n’étoit qu’un tissu de petites vésicules remplies d’eau, qui étoient implantées à une masse de chair confu-

se observ. 177. Ces eaux se ramassent quelquefois

si abondamment dans la matrice, qu’elles la dilatent, distendent les tégumens du bas-ventre, & en imposent pour une véritable grossesse. Vesale dit avoir fait l’ouverture d’une femme, dans la matrice de laquelle il y avoit plus de soixante mesures d’eau, de trois livres chacune. On lit dans Schenckius plusieurs observations semblables. Il raconte entr’autres qu’on trouva dans une femme la matrice si prodigieusement dilatée par la grande quantité d’eau qu’elle renfermoit, qu’elle auroit pu contenir un enfant de dix ans : ce sont ses termes observ. lib. IV. observ. 6. Fernel nous a laissé l’histoire d’une femme, chez qui l’évacuation menstruelle étoit précédée d’un écoulement abondant de sérosité, au point qu’elle en remplissoit six ou sept grands bassins. Patholog. lib. VI. cap. xv. On peut cependant distinguer l’hydropisie de la matrice d’avec la véritable grossesse. 1°. Par l’état des mamelles qui, chez les femmes enceintes, sont dures, élevées, rebondies & rendent du lait ; chez les hydropiques, sont flasques, molles & abattues. 2°. Par la couleur du visage qui, dans celles-ci, est mauvaise, pâle, jaunâtre, livide. 3°. Par l’enflûre du ventre qui, dans l’hydropisie, est uniforme, plus molle & plus arrondie, & ne laisse appercevoir au tact qu’un flottement d’eau sans mouvement sensible qui puisse être attribué à l’enfant ; au lieu que dans la grossesse, le ventre se porte plus en pointe vers le devant, & l’on sent après quelques mois remuer l’enfant. On peut ajouter à cela les accidens qui accompagnent l’hydropisie ; tels sont la langueur, lassitude, difficulté de respirer, petite quantité d’urine, qui dépose un sédiment rouge & briqueté ; & tous ces signes combinés ne devroient, ce semble, laisser aucun lieu de méconnoître ces maladies. On voit cependant tous les jours des personnes qui esperent & font esperer un enfant à des meres crédules, qui s’imaginent aussi être enceintes parce qu’elles le souhaitent ardemment, & qui ne sont qu’hydropiques ; d’autres qui traitent d’hydropiques des femmes réellement enceintes. J’ai connu un médecin qui, donnant dans cette erreur, prescrivoit à une femme grosse des violens hydradogues, dont le succès fut tel que la prétendue hydropique accoucha au huitieme mois d’un enfant qui ne vécut que quelques heures, au grand étonnement de l’inexpérimenté médecin. Il arrive quelquefois aussi que cette hydropisie soit compliquée avec la grossesse ; la sérosité se ramasse alors autour des membranes de l’enfant. Mauriceau fait mention d’une femme enceinte qui vuida beaucoup d’eau par la matrice quelques semaines avant d’accoucher ; & ce qui démontra que cet écoulement étoit une suite d’hydropisie, & n’étoit pas produit par les eaux de l’enfant, c’est le délai de l’accouchement ; & d’ailleurs c’est qu’en accouchant cette femme, il trouva les membranes formées & remplies à l’ordinaire, observ. 9. Le même auteur en rapporte d’autres exemples semblables, liv. I. chap. xxiij. & obs. 29, 60. &c. Cette hydropisie ne se connoît guere que par l’évacuation de ces eaux, ou par l’enflûre prodigieuse du ventre, accompagnée de quelques symptomes d’hydropisie, combinés avec les signes qui caractérisent la grossesse.

L’hydropisie de la matrice peut dépendre des mêmes causes que les collections d’eau dans les autres parties, quelquefois elle n’en est qu’une suite ; d’autres fois elle est déterminée par un vice particulier de ce viscere, par les obstructions, les skirrhes, par la suppression des regles, les fleurs blanches, par les tumeurs, l’hydropisie des ovaires, &c. mais il ne suffit pas que la sérosité vienne en plus grande abondance aborder à la matrice ; il faut, pour for-