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Aurelianus siccensis ; or Sicca étoit une ville de Numidie.

Nous n’avons rien de certain sur le tems auquel il a vécu, mais je croirois que ce ne fut pas long-tems après Soranus, dont il se donne pour le traducteur ; cependant, ce qui prouveroit qu’il ne doit point être regardé comme un simple copiste des œuvres d’autrui, c’est qu’il a lui-même composé plusieurs ouvrages, comme il le reconnoît ; savoir sur les causes des maladies, sur la composition des médicamens, sur les fievres, sur la Chirurgie, sur la conservation de la santé, &c.

Il ne nous est resté des écrits de cet auteur que ceux dont il fait honneur à Soranus ; mais heureusement ce sont les principaux. Ils sont intitulés des maladies aiguës & chroniques, & renferment la maniere de traiter selon les regles des méthodiques, toutes les maladies qui n’exigent point le secours de la chirurgie. Un autre avantage qu’on en retire, c’est qu’en réfutant les sentimens des plus fameux médecins de l’antiquité, cet auteur nous a conservé des extraits de leur pratique, qui seroit entierement inconnue, si l’on en excepte celle d’Hippocrate, le premier dont il a parlé, & dont il rapporte néanmoins quelques passages, qui ne se trouvent point dans ses œuvres tels que nous les avons.

Les deux premieres éditions qui aient paru de Cælius Aurelianus, sont celles de Paris de l’année 1529. in-fol. qui ne contient que les trois livres des maladies aiguës ; & celle de Bâle de la même forme, où l’on ne trouve que les cinq livres des maladies croniques. Jean Sicard qui a donné cette édition, croyoit que les livres des maladies aiguës, avoient été perdus avec les autres ouvrages de Cælius. La troisieme édition, qui est aussi in-fol. est celle d’Aldus de 1547, où Cælius est joint à d’autres auteurs, & où il n’y a plus que les cinq livres dont on vient de parler. Dalechamp a fait imprimer ce même auteur complet, à Lyon en 1567, chez Rouillé, in-8°. avec des notes marginales ; mais il ne s’est pas nommé. Une des dernieres éditions de cet auteur, est celle d’Hollande, Amsterdam 1722. in-4°. je crois même que c’est la meilleure.

Callianax, sectateur d’Hérophile, n’est connu dans l’histoire de la médecine que par son peu de douceur pour les malades qui le consultoient : Galien & Palladius rapportent à ce sujet, qu’un certain homme qui l’avoit appellé pour le traiter d’une maladie dangereuse, lui demanda s’il pensoit qu’il en mourût ; alors Callianax lui répondit durement par ce vers d’Homere :

Patroclus est bien mort, qui valoit plus que vous.

Celse naquit à Rome, selon toute apparence, sous le regne d’Auguste, & écrivit ses ouvrages sous celui de Tibere. On lui donne dans la plûpart des éditions de ses œuvres le surnom d’Aurelius, sur ce que tous les mauvais écrits portent le titre suivant, A. Cornelii Celsi artium libri VI. Il n’y a qu’une édition d’Aldus Manutius, qui change Aurelius en Aulus, & peut-être avec raison ; car le prenom Aurelius étant tiré de la famille Aurelia, & celui de Cornelius de la famille Cornelia, ce seroit le seul exemple qu’on eût de la jonction des noms de deux familles différentes.

Je m’embarrasse peu de la question si Celse a pratiqué la médecine ou non. C’est assez de savoir qu’il en parle en maître de l’art, & comme il juge savamment de tout ce qui appartient tant à la pratique qu’à la théorie de la médecine, cela nous doit suffire. Ce qui sert encore à augmenter notre bonne opinion en faveur de cet homme célebre, c’est qu’il avoit traité lui seul de tous les arts libéraux, c’est-à-dire, qu’il s’étoit chargé d’un ouvrage que plusieurs personnes auroient eu beaucoup de peine à

exécuter. Cette entreprise parut si belle à Quintilien, qu’il ne peut s’empêcher de déclarer que cet auteur méritoit que l’on crût qu’il avoit sû tout ce qu’il faut savoir sur chacune des choses dont il a écrit. Dignus velipso proposito, ut illum scisse omnia illa credamus. Ce jugement de Quintilien est d’autant plus remarquable, qu’il traite formellement Celse d’homme médiocre, relativement aux grands génies de la Grèce & de l’Italie.

Enfin Celse a été fort estimé dans le siecle où il a vécu, & dans les âges suivans pour ses écrits de Médecine ; Columelle son contemporain le met au rang des illustres auteurs du siecle.

On ne peut en particulier faire trop de cas de la beauté de son style ; c’est sur quoi nous avons une ancienne épigramme où l’on introduit Celse parlant ainsi de lui-même.

Dictantes medici quandoque & Apollinis artes
Musas romano jussimus oré loqui.
Nec minus est nobis per pauca volumina famæ,
Quam quos nulla satis bibliotheca capit.

« J’ai contraint les muses à dicter en latin l’art du dieu de la Médecine, & je n’ai pas moins acquis de réputation par le petit nombre de volumes que j’ai composés, que ceux dont les bibliotheques contiennent à peine les ouvrages. »

Une des premieres éditions de Celse, si ce n’est pas la premiere, se fit à Venise, apud Joh. Rubeum 1493. in-fol. ensuite ibid. apud Phil. Pinzi, en 1497. troisiemement apud Aladum 1524. in-fol. depuis lors, à Paris. Parmi les medici principes d’H. Etienne, 1567. in-fol. Lugd. Batav. curâ ant. Vander Linden, apud Joh Elsevir 1659. in-12. & 1665. in-12. Ce sont là deux jolies éditions, qui ont été suivies par celles de Th. J. ab Almelovcen, Amst. 1687. in-12. ensuite par celle de Wedelius, avec une grande table des matieres, Jenæ 1713. in-8°. Il est inutile de citer les autres éditions, qui ont facilité par-tout la lecture de cet excellent auteur.

Chrisippe de Cnide vivoit sous le regne de Philippe, pere d’Alexandre le grand, & fut un des premiers qui se déclarerent contre la Médecine expérimentale. Pline l’accuse d’avoir bouleversé par son babil les sages maximes de ceux qui l’avoient précédé dans sa profession. Il désapprouvoit la saignée, usoit rarement des purgatifs, & leur substituoit les clysteres & les vomitifs. Ses écrits déja fort rares du tems de Galien, ne sont pas venus jusqu’à nous.

Criton, contemporain de Martial, & dont il parle dans une de ses épigrammes, lib. II. épig. 61. est apparemment le même qui est souvent cité par Galien, comme ayant très-bien écrit de la composition des médicamens. Il avoit en particulier épuisé la matiere des cosmétiques, c’est-à-dire, des compositions pour l’embellissement, pour teindre les cheveux, la barbe, & toutes les diverses especes de fards. Héraclide de Tarente en avoit déja dit quelque chose ; mais les femmes ne s’étoient pas encore portées à l’excès où elles étoient parvenues de ce côté-là dans le siecle de Criton, qui d’ailleurs étoit médecin de cour, & qui desiroit de s’y maintenir.

Démocede, fameux médecin de Crotone, vivoit en même tems que Pythagore. Ce médecin, à ce que dit Hérodote, ayant été chassé par la sévérité de son pere, qui s’appelloit Calliphon, vint premiérement à Egine, & ensuite à Athènes, où il fut en grande estime. De-là il passa à Samos, où il eut occasion de guérir Polycrate, roi de cette île, & cette guérison lui valut deux talens d’or, c’est-à-dire environ six mille livres sterling. Quelque tems après ayant été fait prisonnier par les Perses, il cachoit sa profession ; mais on le découvrit, & on l’engagea à donner son ministere au soulagement du roi Darius