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Pausanias dit qu’il y avoit une statue posée sur un piédestal, mais dans une posture fort indécente. Il avoit aussi un oracle en Achaie qui ne se rendoit que le soir. Amphion est le premier qui lui ait élevé un autel. On offroit à ce dieu les langues des victimes, pour marque de son éloquence ; comme aussi du lait & du miel, pour en exprimer la douceur.

C’est par ces beaux côtés, qu’Horace nous le peint dans l’ode qu’il lui adresse : « Petit-fils d’Atlas, divin Mercure, lui dit-il, c’est vous qui entreprîtes de façonner les premiers hommes, qui cultivâtes leur esprit par l’étude des sciences les plus propres à lui ôter sa premiere rudesse, & qui formâtes leur corps par les exercices capables de leur donner de la vigueur & de la grace ; permettez-moi de chanter vos louanges. Vous êtes l’envoyé de Jupiter, l’interprete des dieux, & l’inventeur de la lyre, &c. »

Mercuri facunde, nepos Atlantis,
Qui feros cultus hominum recentum
Voce formasti catus, & decoræ
            More palestrœ :
Te canam, magni Jovis & deorum
Nuntium, curvaque lyræ parentem.

Od. x. l. I.

Les Mythologistes font Mercure pere de plusieurs enfans ; ils lui donnent Daphnis qu’il enleva dans le ciel, le second Cupidon qu’il eut de Vénus, Æthalide de la nymphe Eupolemie, Linus d’Uranie, & finalement Autolycus de Khioné. Mais le nom de ce dieu est véritablement d’origine égyptienne. Les anciens historiens nous parlent de Mercure II. égyptien, comme d’un des plus grands hommes de l’antiquité. Il fut surnommé trismegiste, c’est-à-dire, trois fois grand. Il étoit l’ame des conseils d’Osiris & de son gouvernement. Il s’appliqua à faire fleurir les arts & le commerce dans toute l’Egypte. Il acquit de profondes connoissances dans les Mathématiques, & sur-tout dans la Géométrie ; & apprit aux Egyptiens la maniere de mesurer leurs terres dont les limites étoient souvent dérangées par les accroissemens du Nil, afin que chacun pût reconnoître la portion qui lui appartenoit. Il inventa les premiers caracteres des lettres ; & régla, dit Diodore, jusqu’à l’harmonie des mots & des phrases. Il institua plusieurs pratiques touchant les sacrifices & les autres parties du culte des dieux. Des ministres sacrés portoient ses livres dans une procession solemnelle, qui se faisoit encore du tems de Clement d’Alexandrie. Ils se sont tous perdus ; & nous apprenons de Jamblique qu’il étoit difficile de démêler les véritables ouvrages de Mercure trismegiste parmi ceux que les savans d’Egypte avoient publiés sous son nom.

Les fables qu’on débita dans la Grece sur Mercure, ont été cause que c’est un des dieux que les anciens ont le plus multiplié. Cicéron même dans son III. liv. de nat. deor. en admet cinq qui se réduisent à un seul, comme l’a prouvé M. Fourmont, dans les Mém. de littér. tome X. Celui que Cicéron appelle fils du Ciel, est le même que le fils de Jupiter ; Ciel & Jupiter étant chez les Latins, deux noms différens de la même divinité. Celui que Cicéron appelle Trophonius fils de Valens, n’est aussi que le même personnage sous différens noms ; Valens n’étant qu’une épithete de Jupiter, & Trophonius un surnom de Mercure. Le quatrieme Mercure à qui Cicéron donne le Nil pour pere, ne peut être fils de φρουρῶν Νεῖλος ; parce que son culte étoit connu dans la Grece long-tems avant ce roi d’Egypte, & qu’une pareille filiation désigne plutôt chez les anciens, le lieu de la naissance, que les parens de qui les héros la tenoient. D’ailleurs ce quatrieme Mercure n’est pas different du cinquieme, qui selon Ci-

céron, tua Argus, régna en Egypte, inventa les lettres, étoit révéré sous le nom de Φθα, fils de Kneph, qui n’étoit autre que le Jupiter des Grecs & autres peuples. Il résulte donc que les quatre Mercure de Cicéron se réunissent avec son troisieme Mercure fils de Maïa & de Jupiter Ammon. De même, les trois meres que Cicéron donne à Mercure, n’en font qu’une seule. Je ne crois pas qu’on puisse rien objecter au sujet de Maïa. Comme elle étoit fille d’Atlas, on sent combien elle rapproche Mercure de l’Egypte. A l’égard de Phoronis, qui ne voit que c’est une épithete, pour signifier pharaonide, & marquer par-là que Mercure descendoit d’une maison qui régnoit, ou avoit régné dans le pays ? Quant aux principaux noms que les poëtes lui ont donnés, ils font autant de petits articles, dont l’explication se trouve dans cet Ouvrage.

Au reste, on a trouvé à Langres, en 1642, dans les fondemens des anciens murs de cette ville, une consécration de monument que firent à Mercure surnommé Moccus, Lucius Masculus & Sedatia Blandula sa mere, pour l’accomplissement d’un vœu ; mais j’ignore ce que veut dire le surnom de Moccus donné à Mercure dans cette inscription. (D. J.)

Mercures, (Antiq. greq.) On nommoit mercures, chez les Grecs, de jeunes enfans, de huit, dix à douze ans, qui étoient employés dans la célébration des mysteres. Lorsqu’on alla consulter l’oracle de Trophonius, deux enfans du lieu, qu’on appelloit mercures, dit Pausanias, venoient vous frotter d’huile, vous lavoient, vous nettoyoient, & vous rendoient tous les services nécessaires, autant qu’ils en étoient capables. Les Latins nommoient ces jeunes enfans Camilli, des Camilles ; parce que dans les mysteres de Samothrace, Mercure étoit appellé Casmillus. C’est à quoi se rapporte cet endroit de Virgile :

........matrisque vocavit
Nomine Casmillum, mutatâ parte Camillam.

Statius Tullianus, cité par Macrobe, observe que Mercure étoit nommé Camillus, & que les Romains donnoient le nom de Camilles aux enfans les plus distingués, lorsqu’ils servoient à l’autel. (D. J.)

Mercure, s. m. titre d’une compilation de nouvelles & de pieces fugitives & littéraires, qui s’imprime tous les mois à Paris, & dont on donne quelquefois deux volumes, selon l’abondance des matieres.

Nous avons eu autrefois le mercure françois, livre très-estimé, & qui contient des particulatités fort curieuses. Le mercure galant lui avoit succédé, & a été remplacé par celui qu’on nomme aujourd’hui mercure de France. Il tire ce nom de Mercure dieu du Paganisme, qu’on regardoit comme le messager des dieux, & dont il porte à son frontispice, la figure empreinte, avec cette légende : Quæ colligit, spargit. Voyez Journal.

Mercure, dans l’Art héraldique, marque la couleur pourpre dans les armoiries des princes souverains. Voyez Pourpre.

MERCURIALE, mercurialis, s. f. (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur sans pétale, & composée de plusieurs étamines soutenues par un calice. Cette fleur est stérile. Les embryons naissent sur des individus qui ne donnent point de fleurs, & deviennent dans la suite des fruits composés de deux capsules qui renferment chacun une semence arrondie. Tournef. Inst. rei herb. Voyez Plante.

M. de Tournefort compte neuf especes de mercuriale, à la tête desquelles il met la mâle, la femelle & la sauvage.

La mercuriale mâle est nommée mercurialis testiculata, sive mas Dioscoridis & Plinii, par C. B. pere,