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M. le Monnier nous a donné dans les Mém de l’academie des Sciences de 1743, la description de la méridienne qu’il a tracée dans l’église de S. Sulpice, description que nous allons transcrire ici d’après l’historien de l’académie. Cette méridienne avoit été tracée il y avoit environ vingt ans par Henri Sully, fameux horloger anglois. L’ouverture en fut placée aux vitraux du bras méridional de la croisée à 75 piés de hauteur. Le mur opposé du bras septentrional n’en étoit intérieurement qu’à 180 piés ; d’où il suit que l’image du soleil, qui passoit par cette ouverture, ne pouvoit porter sur la ligne méridienne, tracée horisontalement sur le pavé de l’église que jusqu’au commencement de Novembre. Car on sait que le point de solstice d’hyver sur une pareille ligne à la latitude de Paris, s’éloigne du pié du stile ou du gnomon de plus du triple de sa hauteur ; ce qui donne plus de 225 ou 230 piés. Le soleil se peignoit donc alors sur le mur opposé ; & la méridienne continuée devenoit une ligne verticale.

M. le Monnier ayant pris garde à cette espece d’inconvénient, n’en a été frappé que pour le tourner au profit de l’astronomie. Il a fait hausser de 5 piés & reculer de 2 la grande plaque de métal, ce soleil doré qui en portoit l’ouverture, ou plutôt il y en a substitué une autre, qui est scellée dans l’épaisseur du mur, & qui n’en déborde que pour présenter aux rayons du soleil l’ouverture d’un pouce de diametre, ce qui la rend d’autant moins sujette à se dilater par le chaud, & à se resserrer par le froid, & l’on a entierement supprimé le jour de la fenêtre. Cette ouverture est donc présentement à 80 piés de hauteur au-dessus du pavé de l’église. A la partie inférieure du mur septentrional, où répond desormais la portion verticale de la nouvelle méridienne, qui se trouve à 18 pouces vers l’occident de la précédente : on a encastré en saillie un obélisque de marbre blanc de 30 à 35 piés de hauteur, sur une base ou piéd’estal de 4 à 5 piés de largeur, & à la face antérieure & exactement verticale de cet obélisque, sur la méridienne qui la coupe par le milieu, sont gravées les transversales de 3 minutes, & leurs subdivisions de 5 en 5 secondes, qui répondent aux bords supérieurs & inférieurs du soleil au solstice d’hyver. Voici les avantages qui résultent de toute cette construction.

L’image du soleil qui se peint sur un plan horisontal vers le tems du solstice d’hyver, étant desalongée sur le grand axe de la projection, se trouve par-là mal bornée sur cet axe, donne une grande pénombre, & ne peut par conséquent qu’indiquer assez imparfaitement la hauteur apparente du soleil. Ici au contraire l’image du soleil est presque ronde à ce solstice, & sa projection qui est d’environ 20 pouces de diametre en hauteur, approche d’autant plus d’être direct, qu’elle eût été plus oblique sur le plan horisontal ; elle est aussi d’autant moins affoiblie par ses bords.

Cette image au solstice d’hyver parcourt deux lignes par seconde sur l’obélisque où elle monte à environ 25 piés au-dessus du pavé de l’église, & un pou plus de 3 lignes, lorsque le soleil étant au parallele de Sirius, elle est descendue plus bas. Ainsi l’on y peut ordinairement déterminer le moment du midi, en prenant le milieu entre le passage des deux bords, à moins d’une demi-seconde, ou même d’un quart de seconde.

On doit sur-tout se servir de ce grand instrument pour déterminer les ascensions droites du soleil en hyver, & le véritable lieu de cet astre dans son périgée, ou, ce qui revient au même, dans le périhelie de la terre, les divers diametres dans les différentes saisons de l’année, les distances apparentes du topique, ou du solstice d’hyver à l’équateur, &

enfin s’assurer si l’obliquité de l’écliptique est constante ou variable.

Dans la partie horisontale de la méridienne qui est la plus étendue, se trouve marqué le solstice d’été avec les divisions qui en indiquent l’approche. Toute cette partie de la ligne, ainsi que la verticale sur l’obélisque, est indiquée par une lame de cuivre de 2 lignes d’épaisseur, mise & enfoncée de champ dans le marbre.

Un inconvénient commun à toutes les méridiennes est que, par le peu de distance du point solsticial d’été au pié du stile, en comparaison de l’éloignement du point solsticial d’hyver, les divisions y sont extrémement resserrées, & qu’il est d’autant plus difficile par-là d’y déterminer le tems & le point précis où le soleil y arrive. La méridienne de S. Sulpice n’est pas exempte de ce défaut, quant à la partie qui répond au solstice d’été & à son gnomon de 80 piés de hauteur : il y a plus ; l’entablement de la corniche inférieure empêche le soleil d’y arriver, & en intercepte les rayons pendant plusieurs jours avant & après. Mais M. le Monnier a parfaitement remédié à tous ces défauts, & en a même tiré avantage par une seconde ouverture, qu’il a ménagée 5 piés plus bas que la premiere, & en-deçà vers le dedans de l’église, dans le même plan du méridien, & il y a ajusté & scellé un verre objectif de 80 piés de foyer, au moyen duquel l’image solaire projettée sur la partie correspondante de la méridienne, est exactement terminée & sans pénombre sensible. Cette partie est distinguée des autres par une grande table quarrée de marbre blanc de près de 3 piés de côté. L’image du soleil n’y parcourt qu’environ ligne & 2 secondes ; mais aussi on l’y détermine par ses bords à un demi ou à un quart de seconde près. Ce qui produit le même effet ou approchant que si l’image bien terminée y parcouroit 3 ou 4 lignes en une seconde, ou si le point du solstice d’été étoit à la même distance que celui du solstice d’hyver ; ou enfin si l’on observoit avec un quart de cercle à lunette de 80 piés de rayon ; avantage qu’aucune méridienne que l’on connoisse n’a eu jusqu’ici. L’objectif qui constitue cette nouvelle ouverture, & qui est d’environ 4 pouces de diametre, est renfermé dans une boite ou espece de tambour qui ferme à clef, & que l’on n’ouvre que quand il s’agit de faire l’observation du solstice.

Comme il est souvent difficile de trouver de grands objectifs d’une mesure précise, & telle qu’on la demande, on s’est servi de celui de 80 piés qu’on avoit, & qui étoit excellent, faute d’un de 82 a 83 piés qu’il auroit fallu employer pour un gnomon de 75 piés de hauteur : car c’est-là la distance du point solsticial d’été sur l’horisontale à l’objectif : mais le foyer de ces grand, objectifs n’est pas compris dans des limites si étroites, qu’ils ne rassemblent encore fort bien les rayons de la lumiere à quelques piés de distance, plus ou moins, & l’essai qu’on a fait de celui-ci justifie cette théorie.

Ce que nous ne devons pas omettre, & ce qui est ici de la derniere importance, c’est la solidité de tout l’ouvrage, & sur-tout de cette partie de la méridienne qui répond an solstice d’été, & à l’ouverture de 75 piés de hauteur. Rien n’est si ordinaire que de voir le pavé des grands vaisseaux tels que les églises, s’affaisser par succession de temps. Cet accident a obligé plusieurs fois de retoucher à la fameuse méridienne de S. Petrone, & ce ne peut être jamais qu’avec bien de la peine, & avec beaucoup de risques pour l’accord & la justesse du tout ensemble. Mais on n’a rien de pareil à craindre pour la méridienne de S. Sulpice. Tout ce pavé fait partie d’une voute qui est soutenue sur de gros piliers ; & l’un de ces piliers qui se trouve, non sans dessein, placé sous