sis au sort. Ils doivent être au-moins âgés de seize ans, & n’en avoir pas plus de quarante. Leur taille doit être de 5 piés au-moins : il faut qu’ils soient en état de bien servir ; on les assemble ensuite dans les principales villes des provinces, & on en forme des bataillons. Par l’ordonnance du roi du 27 Février 1726, les milices de France formoient 100 bataillons de 12 compagnies, & chaque compagnie de 50 hommes.
Milice, (Gouvern. politiq.) ce nom se donne aux paysans, aux laboureurs, aux cultivateurs qu’on enrôle de force dans les troupes. Les lois du royaume, dans les tems de guerre, recrutent les armées des habitans de la campagne, qui sont obligés sans distinction de tirer à la milice. La crainte qu’inspire cette ordonnance porte également sur le pauvre, le médiocre & le laboureur aisé. Le fils unique d’un cultivateur médiocre, forcé de quitter la maison paternelle au moment où son travail pourroit soutenir & dédommager ses pauvres parens de la dépense de l’avoir élevé, est une perte irréparable ; & le fermier un peu aise préfere à son état toute profession qui peut éloigner de lui un pareil sacrifice.
Cet établissement a paru sans doute trop utile à la monarchie, pour que j’ose y donner atteinte ; mais du-moins l’exécution semble susceptible d’un tempérament qui sans l’énerver, corrigeroit en partie les inconvéniens actuels. Ne pourroit on pas, au lieu de faire tirer au sort les garçons d’une paroisse, permettre à chacune d’acheter les hommes qu’on lui demande ? Par-tout il s’en trouve de bonne volonté, dont le service sembleroit préférable en tout point ; & la dépense seroit imposée sur la totalité des habitans au marc la livre de l’imposition. On craindra sans doute une désertion plus facile, mais les paroisses obligées au remplacement auroient intérêt à chercher & à présenter des sujets dont elles seroient sûres ; & comme l’intérêt est le ressort le plus actif parmi les hommes, ne seroit-ce pas un bon moyen de faire payer par les paroisses une petite rente à leurs miliciens à la fin de chaque année ? La charge de la paroisse n’en seroit pas augmentée ; elle retiendroit le soldat qui ne peut guere espérer de trouver mieux : à la paix, elle suffiroit avec les petits privileges qu’on daigneroit lui accorder pour le fixer dans la paroisse qui l’auroit commis, & tous les six ans son engagement seroit renouvellé à des conditions fort modérées ; ou bien on le remplaceroit par quelque autre milicien de bonne volonté. Après tout, les avantages de la milice même doivent être murement combinés avec les maux qui en résultent ; car il faut peser si le bien des campagnes, sa culture des terres & la population ne sont pas préférables à la gloire de mettre sur pié de nombreuses armées, à l’exemple de Xerxès. (D. J.)
Milice des Romains, (Art milit.) nous considérerons, d’après Juste-Lipse ou plutôt d’après l’extrait qu’en a fait Nieupoort, cinq choses principales dans la milice des Romains ; savoir, la levée des soldats, leurs différens ordres, leurs armes, leur maniere de ranger une armée, & leur discipline militaire. Nous aurons sur-tout égard aux tems qui ont précédé Marius ; car sous lui & sous Jules César, la discipline des troupes fut entierement changée, comme Saumaise l’a prouvé dans son ouvrage posthume sur ce sujet, inséré dans le X. tome des antiquités de Grævius.
De la levée des soldats. Lorsque les consuls étoient désignés, on faisoit vingt-quatre tribuns de soldats pour quatre légions. Quatorze étoient tirés de l’ordre des chevaliers, & ils devoient avoir cinq ans de service ; on en tiroit dix d’entre le peuple, & ceux-ci devoient avoir servi dix ans. Les chevaliers n’étoient obligés qu’à dix ans de service, parce qu’il
importoit à la république que les principaux citoyens parvinssent de bonne heure aux dignités. Les autres étoient obligés de servir vingt-neuf ans, à commencer depuis la dix-septieme année jusqu’à la quarante-sixieme ; & l’on pouvoit obliger à servir jusqu’à la cinquantieme année ceux dont le service avoit été interrompu par quelqu’accident. Mais à l’âge de cinquante ans, soit que le tems de service fût accompli, soit qu’il ne le fût pas, on étoit dispensé de porter les armes. Personne ne pouvoit posséder une charge de la ville, à-moins qu’il n’eût dix ans de service.
Dans les commencemens de Rome, on ne tiroit de soldats de la derniere classe des citoyens qu’au cas d’un besoin urgent. Les citoyens de la lie du peuple & les affranchis étoient réservés pour le service de mer. On vouloit que les plus riches allassent à la guerre, comme étant plus intéressés que les autres au bien commun de la patrie. Dans la suite & même du tems de Polybe, on commença à enrôler ceux qui avoient seulement la valeur de 4000 liv. de fonds, quatuor millia æris. Enfin du tems de Marius, on enrôla les affranchis & ceux même qui n’avoient aucun revenu, parce que c’étoit à ces gens-là qu’il devoit sa fortune & sa réputation. Les esclaves ne servoient jamais, à-moins que la république ne fût réduite à une grande extrémité, comme après la bataille de Cannes, &c. Bien plus, celui-à qui il n’étoit pas permis de s’enrôler & qui le faisoit, se rendoit coupable d’un crime dont il étoit sévérement puni.
Quand les consuls devoient lever des troupes, ils faisoient publier un édit par un héraut, & planter un étendart sur la citadelle. Alors tous ceux qui étoient en âge de porter les armes, avoient ordre de s’assembler dans le capitole ou dans le champ de Mars. Les tribuns militaires, suivant leur ancienneté, se partageoient en quatre bandes, de maniere que dans la premiere & dans la troisieme ils fussent quatre des plus jeunes, & deux des plus vieux, & dans la seconde & dans la quatrieme trois des plus jeunes & autant des anciens, car ordinairement on levoit quatre légions.
Après cette division, les tribuns s’asseyoient dans le rang que le sort leur avoit donné, afin de prévenir toute jalousie ; & ils appelloient les tribus dans lesquelles ils choisissoient quatre jeunes gens à-peu-près de même âge & de même taille, en mettoient un dans chaque légion, & continuoient de même jusqu’à ce que les légions fussent remplies. On agissoit ainsi pour rendre les légions à-peu-près égales en force ; ils choisissoient avec plaisir des soldats qui eussent un nom heureux, comme Valerius, Salvius, &c. quelquefois aussi on les levoit à la hâte & sans choix, sur-tout quand on avoit une longue guerre à soutenir ; on appelloit ces soldats subitarii ou tumultuarii ; ceux qui refusoient de s’enrôler, y étoient forcés par des peines & par la confiscation de leurs biens ; quelquefois même ils étoient réduits en esclavage ou notés d’infamie ; mais les tribuns du peuple s’y opposoient dans l’occasion, quoique ce fût aux consuls à en décider, puisque c’étoit eux qui dirigeoient les affaires de la guerre. Il y avoit quelquefois des citoyens qui de peur de porter les armes se coupoient le pouce, & peut-être est-ce là l’étymologie du mot de poltron dans la langue françoise, pollux, pouce.
Il y avoit néanmoins des raisons légitimes pour s’exemter de la guerre ; comme le congé qu’on avoit obtenu à cause de son âge, ou de la dignité dont on étoit revêtu, telle que celle de magistrat, de préteur, & comme une permission accordée par le sénat ou par le peuple. On étoit encore exemt d’aller à la guerre, lorsqu’on avoit servi le tems prescrit, qu’on étoit malade, ou qu’on avoit quelque défaut