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envoyée. Le premier de ces rapports marque l’origine, le second tombe sur l’effet particulier pour lequel la personne est envoyée.

Ainsi la mission dans les personnes divines est éternelle quant à l’origine, & temporelle quant à l’effet. Par exemple, Jesus-Christ avoit été destiné de toute éternité à être envoyé pour racheter le genre humain ; mais cette mission, l’exécution de ce decret n’a eu lieu que dans le tems : comme le dit saint Paul, Galat. iv. 4. At ubi venit plenitudo temporis, misit Deus filium suum, &c. & ce que saint Jean dit du Saint-Esprit, Nondum erat Spiritus datus, quia Jesus nondum erat glorificatus.

La mission, dans les personnes divines, est quelque chose de notionel propre à certaines personnes, & qui n’est pas commune à toute la Trinité. Car, si on la prend activement, elle est propre à la personne qui envoie ; si on la prend passivement, elle est propre à la personne qui est envoyée.

Les personnes ne sont envoyées que par celles dont elles procedent. Car envoyer suppose quelqu’autorité improprement dite quant aux Personnes divines ; or il n’y a point entre elles d’autre autorité que celle qui est fondée sur l’origine par laquelle une personne est le principe d’une autre. Ainsi comme le Pere est sans principe, il n’est point envoyé ; mais comme il est le principe du Fils, il envoie le Fils ; & le Pere & le Fils en tant que principe du Saint-Esprit, envoient le Saint-Esprit : mais le Saint-Esprit n’étant point le principe d’une autre personne, ne donne point de mission : ou, pour parler le langage des Théologiens : Pater mittit & non mittitur. Filius mittitur & mittit. Spiritus sanctus mittitur & non mittit. Car ce que l’on lit dans Isaïe, Spiritus Domini misit me, eo quod ad annuntiandum misit me, ne doit s’entendre que de Jesus-Christ en tant qu’Homme, & non en tant que Personne divine, puisqu’à ce dernier égard il ne procede en aucune maniere du Saint-Esprit.

Les Théologiens distinguent deux especes de mission passive dans les Personnes divines ; l’une visible, telle qu’a été celle de Jesus-Christ dans l’incarnation, & celle du Saint-Esprit lorsqu’il descendit sur les Apotres en forme de langues de feu ; & l’autre invisible, comme quand il est dit de la Sagesse, mitte illam de cælis sanctis, & du Saint-Esprit, dans l’épitre aux Galates, misit Deus Spiritum Filii sui in corda vestra.

Mission, (Gram.) à consulter l’étymologie de ce mot, signifie en général l’ordre que reçoit quelqu’un de son supérieur d’aller en quelque endroit. mais il n’est pas usité dans toutes sortes de circonstances en ce sens : voici les cas où il l’est.

Mission, en Théologie, signifie le pouvoir ou la commission donnée à quelqu’un de prêcher l’Evangile. Voyez Évangile, &c.

Jesus-Christ donna mission à ses disciples en ces termes : Allez & enseignez toutes les nations, &c. Voyez Apôtre.

On reproche aux Protestans que leurs ministres n’ont pas de mission, n’étant autorisés dans l’exercice de leur ministere, ni par une succession continue depuis les Apôtres, ni par des miracles, ni par aucune preuve extraordinaire de vocation. Voyez Ordination.

Les Anabaptistes prétendent qu’il ne faut d’autre mission pour le ministere évangélique, que d’avoir les talens nécessaires pour s’en bien acquitter.

Mission se dit aussi des établissemens & des exercices de gens zélés pour la gloire de Dieu & le salut des ames, qui vont prêcher l’Evangile dans des pays éloignés & parmi des infideles. Voyez Missionnaires.

Il y a des missions aux Indes orientales & occi-

dentales. Les Dominicains, les Franciscains, les

religieux de saint Augustin & les Jésuites en ont au Levant, dans l’Amérique & ailleurs.

Les Jésuites ont aussi des missions dans la Chine & dans toutes les autres parties de la terre où ils ont pu pénétrer.

Mission est aussi le nom d’une congrégation de plusieurs prêtres séculiers, instituée par saint Vincent de Paul, approuvée & confirmée par le pape Urbain VIII. en 1626, sous le titre de Prêtres de congrégation de la mission. Ils s’appliquent à l’instruction du menu peuple de la campagne ; & à cet effet, les prêtres qui la composent, s’obligent à ne prêcher, ni administrer les sacremens dans aucune des villes où il y a siege épiscopal ou présidial. Ils sont établis dans la plûpart des provinces du royaume, & ont des maisons en Italie, en Allemagne & en Pologne. Ils ont à Paris un séminaire qu’on nomme de saint Firmin, ou des bons Enfans, & sont chargés dans plusieurs dioceses de la direction des seminaires. On les appelle aussi Lazaristes, ou Prêtres de saint Lazare. Voyez Lazaristes.

MISSIONNAIRE, s. m. (Théol.) ecclésiastique séculier ou régulier envoyé par le pape, ou par les évêques, pour travailler soit à l’instruction des orthodoxes, soit à la conviction des hérétiques, ou à la réunion des schismatiques, soit à la conversion des infideles.

Il y a plusieurs ordres religieux employés aux missions dans le Levant, les Indes, l’Amérique, entre autres les Carmes, les Capucins, les Jésuites, & à Paris un séminaire d’ecclésiastiques pour les missions étrangeres. On donne aussi le nom de missionnaires aux prêtres de saint Lazare. Voyez Lazaristes.

MISSISAKES, (Géog.) peuples de l’Amérique méridionale, sur le bord septentrional du lac des Hurons. Ils se vendent à qui les veut payer.

MISSISSIPI, le, autrement nommé par les François, fleuve saint Louis, (Géog.) fleuve de l’Amérique septentrionale, le plus considérable de la Louisiane, qu’il traverse d’un bout à l’autre jusqu’à son entrée dans la mer. Il arrose un des grands pays du monde, habité par des sauvages. Ferdinand Soto, espagnol, le découvrit en 1541, & on le nommoit dans son tems Cucagna. En 1673, M. Talon, intendant de la nouvelle France, envoya pour le parcourir, le P. Marquette, jésuite, & le sieur Joliet, bourgeois de Quebec, qui le descendirent depuis les 43. 20. de latitude nord, jusqu’au 33. 49. M. d’Iberville, capitaine de vaisseau, découvrit le pays du Mississipi, & le premier établissement d’une colonie françoise s’y fit en 1598.

M. de Lisle a prouvé en 1700, que l’embouchure de ce fleuve est au milieu de la côte septentrionale du golfe du Mexique. Mais on lui donne aujourd’hui plus de vingt embouchures différentes. Lisez pour preuve, la description qu’en a faite le pere Charlevoix.

Ce fleuve perce tous les jours de nouvelles terres, où il s’établit un nouveau cours, & en peu de tems des lits très-profonds. Sa largeur est par-tout d’une demi-lieue, ou de trois quarts de lieue, souvent partagé par des îles. Sa profondeur est en quelques endroits de soixante brasses, ce qui joint à sa grande rapidité, le rend difficilement navigable depuis son confluent avec le Missouri, & fait que presque par-tout la pêche y est impraticable.

Il reçoit dans son cours à droite & à gauche plusieurs autres rivieres fort considérables, dont les noms sont connus par les relations des voyageurs qui ont remonté ce fleuve. Mais depuis la chute du Missouri dans ce fleuve, il commence à être embarrassé d’arbres flottans, & il en charrie une si grande