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Entrons dans quelques détails sur la distribution de ce suc médullaire dans les os, sa sécrétion, son abondance, son sentiment, son usage, & ses maladies.

Distribution de la moelle dans la substance des os. L’huile médullaire est ramassée dans de petites vésicules qui communiquent les unes aux autres, & qui sont logées dans les parties cellulaires des os aux environs des jointures, d’où il suit que cette huile peut non-seulement se distribuer dans toute la substance de l’os, mais encore passer dans les cavités des jointures, comme Clopton-Havers, qui a parfaitement traité cette matiere, l’a prouve par diverses expériences.

Suivant cet auteur, l’huile médullaire peut sortir des vésicules qui la contiennent, de trois manieres différentes. Ou la dérivation s’en fait vers les extrémités de l’os, en conséquence de la communication des vésicules & des lobes, & elle suinte à travers les pores du cartilage, dont les extrémités des os articulés sont couverts, dans la cavité des jointures, & en facilite le mouvement. Ou cette huile subtile & atténuée entre dans les petites veines, en est absorbée, & se mêle avec le sang. Ainsi, dans certaines maladies aiguës, nous voyons quelquefois toute la graisse du corps entierement consumée en peu de jours. Ou enfin, cette huile médullaire se disperse dans la substance des os, & procure à leurs parties le degré de cohésion, & au tout le degré d’onctuosité qui convient.

Les pores transversaux dont les os sont composés donnent issue à l’huile médullaire, les pores longitudinaux la répandent entre les lames des os, & c’est par leur moyen que les interstices que ces lames laissent entr’elles en sont lubrifiés. Cependant cette distribution de l’huile médullaire dans la substance des os n’a lieu que dans les endroits où les lames osseuses sont contiguës les unes aux autres ; car aux environs des jointures où elles laissent entr’elles une distance considérable, il y a des vésicules médullaires à l’aide desquelles l’huile se distribue facilement.

Sécrétion de la moëlle. Mais d’où provient cette huile-médullaire qui se distribue dans la substance offense, & comment se forme-t-elle ?

Si on mêle de l’esprit de nitre avec de l’huile d’olives, on a un composé qui ressemble à la moelle, & qui se fond sur le feu : si on laisse ces deux matieres en digestion durant quelques jours, la partie fluide s’exhale, & il reste une masse plus solide. Ne pensons pourtant pas avec quelques Chimistes que la moëlle ait une origine semblable, car il n’y a point dans le sang des esprits nitreux développés comme ceux dont on se sert dans cette opération. Un tout autre méchanisme produit la moëlle, & c’est du sang artériel que s’en fait la secrétion par un grand nombre de vaisseaux.

Il faut d’abord remarquer que le périoste intérieur des os qui enduit & couvre les cavités qui contiennent la moëlle, distribue les vaisseaux artériels aux vésicules médullaires, & reçoit un nombre incroyable de vaisseaux veineux, tant grands que petits.

Les arteres qui passent dans la moëlle sont différentes de celles qui portent les humeurs vitales dans la substance des os. Lorsqu’une artere de cette nature est parvenue dans la cavité de l’os, elle se divise communément en deux ramifications, dont il part un nombre infini de petites ramifications qui vont aux vésicules médullaires.

L’on découvre par le moyen du microscope, un grand nombre de petits vaisseaux sanguins disposés dans la plus petite vésicule médullaire. De plus, les injections de Ruysch nous ont démontré qu’il y a de tels vaisseaux répandus dans toute la

masse de la moëlle ; d’où il suit vraissemblablement que le même méchanisme regne dans toutes les vésicules qui forment cette masse.

Après que la secrétion de l’huile est faite, le reste du sang passe dans de petites veines qui forment en se réunissant, des troncs plus considérables, & ces troncs se terminent enfin en une veine qui sort ordinairement par le même trou qui a servi d’entrée à l’artere. Les petites veines qui partent de la moëlle, & entrent dans la substance des os, s’y évanouissent. Peut-être que ces veines rapportent le sang transmis à la moëlle par les arteres pour sa nutrition ; car c’est une économie remarquable presque dans toutes les parties du corps, que la nature y a donné aux veines & aux arteres un double emploi ; l’un, par lequel se fait la secrétion d’un fluide ; & l’autre, par lequel se fait la nutrition & l’entretien de la partie.

Les parties dont il s’agit, de blanches & transparentes qu’elles étoient, devenant rouges par l’injection, prouvent ce grand nombre de petits vaisseaux dont nous avons parlé, & conséquemment quantité de vaisseaux lymphatiques. Comme il est démontré que toutes les cavités du corps, grandes ou petites, sont humectées par une liqueur subtile qui s’exhale, il n’est pas moins nécessaire qu’il y ait dans ces parties de petites veines absorbantes. Il y a encore un grand nombre de filamens nerveux, distribués aux vésicules membraneuses.

En outre, la moëlle est environnée d’une membrane qui sert comme de périoste aux os intérieurement. Cette membrane est très fine, transparente comme le verre, & formée par les tuniques des arteres. Elle est adhérente aux os, 1o. par des petits vaisseaux ; 2o. par les petits prolongemens qu’elle envoie dans les pores osseux.

L’usage de ce périoste interne est non-seulement de distribuer des vaisseaux artériels dans les vésicules médullaires, & de recevoir à leur retour des vésicules médullaires, les vaisseaux veineux, mais encore de faciliter l’accroissement & la nutrition des os, par le moyen de ces vaisseaux qui entrent dans leur substance, & en sortent.

Rien donc n’est plus merveilleux que la structure des vaisseaux qui contiennent la moëlle & l’huile médullaire. On remarque d’abord la cavité des os traversée par une infinité de petits filets qui forment un réseau. Dans les aires de ce réseau s’insinue une membrane qui forme une infinité de vésicules semblables à une grappe de raisin, dans lesquelles les vaisseaux sanguins déposent une substance huileuse. Tous ces petits filets semblent destinés à soutenir les vésicules, qui dans les sauts tomberoient sans leur appui. Les animaux qui sautent, suivant les observations de Nieuventyt, ont beaucoup de ces filets ; mais ceux qui ne sont sujets qu’à des mouvemens peu rapides, comme le bœuf, ont des cavités inégales dans leurs os, qui soutiennent la moëlle.

Abondance de la moëlle & du suc médullaire. On ne peut douter que l’huile médullaire distribuée entre les lames des os, ne transpire continuellement en grande abondance. Si l’on fait bouillir des os de bœuf, on verra combien est grande l’abondance de cette huile médullaire logée dans les parties caverneuses des os ; si l’on broye, ou si l’on bat avec un marteau l’extrémité des os, après qu’on en aura ôté toute la moëlle, on verra sortir une grande quantité de cette huile médullaire. C’est encore la raison pour laquelle certains os font un si bon feu. Par la même cause, les squelettes les mieux préparés deviennent jaunes.

C’est en effet le plus grand obstacle qu’on trouve lorsqu’on veut blanchir les os, & en faire un sque-