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On divise l’empire du Mogol en 23 provinces, qui sont Déli, Agra, Lahor, Guzurate, Mallua, Patana, Barar, Brampour, Baglana, Ragemal, Multan, Cabul, Tata, Asmir, Bacar, Ugen, Urécha, Cachemire, Décan, Nandé, Bengale, Visapour, & Golconde.

Ces 23 provinces sont gouvernées par 23 tyrans, reconnoissent un empereur amolli, comme eux, dans les délices, & qui dévorent la substance du peuple. Il n’y a point là de ces grands tribunaux permanens, dépositaires des lois, qui protegent le foible contre le fort.

L’Etmadoulet, premier ministre de l’empereur, n’est souvent qu’une dignité sans fonctions. Tout le poids du gouvernement retombe sur deux secrétaires d’état, dont l’un rassemble les trésors de l’empire, qui, à ce qu’on dit, monte par an à neuf cent millions, & l’autre est chargé de la dépense de l’empereur.

C’est un problème qui paroît d’abord difficile à résoudre, que l’or & l’argent venu de l’Amérique en Europe, aille s’engloutir continuellement dans le Mogol, pour n’en plus sortir, & que cependant le peuple soit si pauvre, qu’il y travaille presque pour rien : mais la raison en est, que cet argent ne va pas au peuple : il va aux trafiquans qui payent des droits immenses aux gouverneurs ; ces gouverneurs en rendent beaucoup au grand mogol, & enfouissent le reste.

La peine des hommes est moins payée que partout ailleurs dans cette contrée, la plus riche de la terre, parce que dans tout pays, le prix des journaliers ne passe guere leur subsistance & leur vêtement. L’extrème fertilité de l’Indoustan, & la chaleur du climat, font que cette subsistance & ce vètement ne coûtent presque rien. L’ouvrier qui cherche des diamans dans les mines, gagne de quoi acheter un peu de riz & une chemise de coton ; partout la pauvreté sert à peu de frais la richesse.

L’empire du Mogol est en partie mahométan, en partie idolâtre, plongé dans les mêmes superstitions, & pires encore que du tems d’Alexandre. Les femmes se jettent en quelques endroits dans des buchers allumés sur le corps de leurs maris.

Une chose digne d’observation, c’est que dans ce pays-là les arts sortent rarement des familles où ils sont cultivés. Les filles des artisans ne prennent des maris que du métier de leurs peres. C’est une coutume très-ancienne en Asie, & qui avoit passé autrefois en loi dans l’Egypte.

Il est difficile de peindre un peuple nombreux, mêlangé, & qui habite cinq cent lieues de terrain. Tavernier remarque en général que les hommes & les femmes y sont olivâtres. Il ajoute, que lorsqu’on a passé Lahor, & le royaume de Cachemire, les femmes du Mogol n’ont point de poil naturellement en aucune partie du corps, & que les hommes ont très peu de barbe. Thevenot dit qu’au royaume de Décan on marie les enfans extrémement jeunes. Dès que le mari a dix ou douze ans, & la femme huit à dix, les parens les laissent coucher ensemble. Parmi ces femmes, il y en a qui se font découper la chair en fleurs, comme quand on applique des ventouses. Elles peignent ces fleurs de différentes couleurs avec du jus de racines, de maniere que leur peau paroit comme une étoffe fleurdelisée.

Quatre nations principales composent l’empire du Mogol ; les Mahométans arabes, nommés Patanes ; les descendans des Guebres, qui s’y réfugierent du tems d’Omar ; les Tartares de Genzis-Kan & de Tamerlan ; enfin les vrais Indiens en plusieurs tribus ou castes.

Nous n’avons pas autant de connoissances de cet empire que de celui de la Chine ; les fréquentes révolutions qui y sont arrivées depuis Tamerlan, en

sont partie cause. Trois hommes, à la vérité, ont pris plaisir à nous instruire de ce pays-là, le P. Catrou, Tavernier, & Bernier.

Le P. Catrou ne nous apprend rien d’original, & n’a fait que mettre en ordre divers mémoires. Tavernier ne parle qu’aux marchands, & ne donne guere d’instructions que pour connoître les grandes routes, faire un commerce lucratif, & acheter des diamans. Bernier seul se montre un philosophe ; mais il n’a pas été en état de s’instruire à fond du gouvernement, des mœurs, des usages, & de la religion, ou plutôt des superstitions de tant de peuples répandus dans ce vaste empire. (D. J.)

MOHABUT, s. m. (Com.) toile de coton de couleur ; elle vient des Indes, en pieces de sept aunes & demie de long, sur trois quarts de large.

MOHATRA, (Jurisprud.) ou contrat mohatra, est un contrat usuraire, par lequel un homme achete d’un marchand des marchandises à crédit & à très haut prix, pour les revendre au même instant à la même personne argent comptant & à bon marché.

Ces sortes de contrats sont prohibés par toutes les lois : l’ordonnance d’Orléans, art. 141. défend à tous marchands & autres, de quelque qualité qu’ils soient, de supposer aucun prêt de marchandise appellé perte de finance, qui se fait par revente de la même marchandise à personnes supposées, à peine de punition corporelle & de confiscation de biens. Voyez Usure, Usuriers. (A)

MOHATZ, (Géog.) Anamarcia, bourgade de la basse-Hongrie, dans le comté de Baraniwar ; elle est fameuse par les deux grandes batailles de 1526 & de 1687 ; la premiere, gagnée par Soliman II. contre Louis, dernier roi de Hongrie, qui y perdit la vie. Et la seconde gagnée par les Chretiens, contre les Turcs. Mohatz est au confluent de la Corasse & du Danube. Long. 36. 8. lat. 45. 50. (D. J.)

MOHILOW, (Géog.) ville de Pologne, dans la Lithuanie, au Palatinat de Mseislaw. Les Suédois y remporterent une grande victoire sur les Moscovites en 1707. Elle est sur le Nieper, à 14 lieues S. d’Orsa, 20 S. O. de Mseislaw. Long. 49. 20. lat. 53. 58. (D. J.)

MOHOCKS ou MOHAWKS, (Hist. mod.) c’est ainsi qu’on nomme une nation de sauvages de l’Amérique septentrionale, qui habitent la nouvelle Angleterre. Ils ne se vétissent que des peaux des bêtes qu’ils tuent à la chasse, ce qui leur donne un aspect très-effrayant ; ils ne vivent que de pillage & traitent avec la derniere cruauté ceux qui ont le malheur de tomber entre leurs mains ; mais ils ne sont, dit-on, rien moins que braves, lorsqu’on leur oppose de la résistance ; on assure qu’ils sont dans l’usage d’enterrer tous vifs leurs vieillards, lorsqu’ils ne sont plus propres aux brigandages & aux expéditions. En 1712. il s’éleva en Angleterre une troupe de jeunes débauchés qui prenoient le nom de mohocks, ils parcouroient les rues de Londres pendant la nuit, & faisoient éprouver toutes sortes de mauvais traitemens à ceux qu’ils rencontroient dans leurs courses nocturnes.

MOI, (Gramm.) On sait que ce pronom personnel signifie la même chose que le je ou ego des latins. On a condamné le je au mot égoïsme, mais cela n’empêche pas qu’on ne doive l’employer dans certaines occasions ; il s’ensuit encore moins, que le moi ne soit quelquefois sublime ou admirablement placé ; en voici des exemples.

Démosthène dit dans sa harangue pour Ctésiphon. « Qui empêcha l’Hellespont de tomber sous une domination étrangere ? Vous, Messieurs ; or quand je dis vous, je dis l’état ; mais alors, qui est-ce qui consacroit au salut de la république, discours, conseils, actions, & se dévouoit totalement pour