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marcs d’or ; ainsi chaque marc contenoit 60 marabotins, qui par conséquent pesoient chacun 76 grains.

Les consuls de Montpellier promirent à Innocent III. deux marcs d’or, comptant 100 marabotins, ou comme ils s’expriment, masamutins, pour le marc. Ce ne seroit dans ce calcul que 46 grains de grain pour chaque marabotin. François-Nicolas d’Arragon, qui fut fait cardinal en 1356, nous apprend qu’un marabotin d’or valoit un florin, lequel en ce tems-là étoit d’or fin, & pesoit 66 grains. Il est dit dans l’histoire de Bretagne du même siecle, que le marabotin étoit un besan d’or, unum auri byzantium, quod marabotin nuncupatur.

Nous pensons que le marabotin & l’ancien maravédis d’or, étoient deux monnoies différentes, car en 1213, le marabotin pesoit, comme nous l’avons dit, 76 grains ; & le maravédis d’or, qui avoit encore cours en 1220, pesoit 84 grains.

Le lecteur trouvera de plus grands détails, s’il en est curieux, dans l’ouvrage de M. le Blanc sur les monnoies, pag. 179 & suiv. (D. J.)

MARABOUS ou MARBOUTS, s. m. (Hist. mod.) c’est le nom que les Mahométans, soit negres, soit maures d’Afrique, donnent à des prêtres pour qui ils ont le plus grand respect, & qui jouissent des plus grands privileges. Dans leur habillement ils different très-peu des autres hommes ; mais ils sont aisés à distinguer du vulgaire par leur gravité affectée, & par un air hypocrite & réservé qui en impose aux simples, & sous lequel ils cachent l’avarice, l’orgueil & l’ambition les plus demesurés. Ces marabous ont des villes & des provinces entieres, dont les revenus leur appartiennent ; ils n’y admettent que les negres destinés à la culture de leurs terres & aux travaux domestiques. Ils ne se marient jamais hors de leur tribu ; leurs enfans mâles sont destinés dès la naissance aux fonctions du sacerdoce ; on leur enseigne les cérémonies légales contenues dans un livre pour lequel après l’alcoran, ils marquent le plus grand respect ; d’ailleurs leurs usages sont pour les laïcs un mystere impénétrable. Cependant on croit qu’ils se permettent la polygamie, ainsi que tous les Mahométans. Au reste ils sont, dit-on, observateurs exacts de l’alcoran ; ils s’abstiennent avec soin du vin & de toute liqueur forte ; & par la bonne foi qu’ils mettent dans le commerce qu’ils font les uns avec les autres, ils cherchent à expier les friponneries & les impostures qu’ils exercent sur le peuple ; ils sont très-charitables pour leurs confreres, qu’ils punissent eux-mêmes suivant leurs lois ecclésiastiques, sans permettre aux juges civils d’exercer aucun pouvoir sur eux. Lorsqu’un marabou passe, le peuple se met à genoux autour de lui pour recevoir sa bénédiction. Les negres du Sénégal sont dans la persuasion que celui qui a insulté un de ces prêtres, ne peut survivre que trois jours à un crime si abominable. Ils ont des écoles dans lesquelles on explique l’alcoran, le rituel de l’ordre, ses regles. On fait voir aux jeunes marabous comment les intérêts du corps des prêtres sont liés à la politique, quoiqu’ils fassent un corps séparé dans l’état ; mais ce qu’on leur inculque avec le plus de soin, c’est un attachement sans bornes pour le bien de la confraternité, une discrétion à toute épreuve, & une gravité imposante. Les marabous avec toute leur famille, voyagent de province en province en enseignant les peuples ; le respect que l’on a pour eux est si grand, que pendant les guerres les plus sanglantes, ils n’ont rien à craindre des deux parties. Quelques-uns vivent des aumônes & des libéralités du peuple ; d’autres font le commerce de la poudre d’or & des esclaves ; mais le commerce le plus lucratif pour eux, est celui de vendre des gris-gris, qui sont des bandes de papiers remplis de caracteres mystérieux, que le peuple re-

garde comme des préservatifs contre tous les maux ;

ils ont le secret d’échanger ces papiers contre l’or des negres ; quelques-uns d’entr’eux amassent des richesses immenses, qu’ils enfouissent en terre. Des voyageurs assurent que les marabous, craignant que les Européens ne fassent tort à leur commerce, sont le principal obstacle qui a empêché jusqu’ici ces derniers de pénétrer dans l’intérieur de l’Afrique & de la Nigritie. Ces prêtres les ont effrayés par des périls qui ne sont peut-être qu’imaginaires ou exagérés. Il y a aussi des marabous dans les royaumes de Maroc, d’Alger, de Tunis, &c. On a pour eux le plus grand respect, au point de se trouver très-honoré de leur commerce avec les femmes.

MARABOUT, s. m. (Marine.) c’est le nom qu’on donne à une voile dont on se sert sur une galere dans le gros tems.

MARACAYBO, (Géogr.) ville riche de l’Amérique méridionale, capitale de la province de Venezuela. Cette ville que les François d’Amérique nomment Maracaye, peut avoir six mille habitans, qui y font un grand commerce de cuir, de cacao, qui est le meilleur d’Amérique, & d’excellent tabac, que les Espagnols estiment singulierement. Les Flibustiers françois l’ont pillée deux fois, savoir en 1666 & 1678. Elle est située presqu’à l’entrée & sur le bord occidental du lac, dont elle a pris le nom, ou à qui elle l’a donné. M. Damville, dans sa carte de la province de Venezuela, place Maracaybo par les 10 degrés de laditude méridionale.

Maracaybo, lac de (Géogr.) ce lac qui communique avec le golfe de Venezuela, est presque de figure ovale, & a environ trente lieues de longueur. Il y a un fort qui en défend le passage, & dans lequel l’Espagne entretient deux cens hommes de garnison.

MARAGNAN, la capitainerie de (Géogr.) les Portugais écrivent Maranhan, & prononcent Maragnan, province de l’Amérique méridionale au Brésil, & l’une des treize portions ou gouvernemens de ce pays-là, dans sa partie septentrionale. Elle est bornée au couchant par la capitainerie de Para, à l’orient par celle de Siara, au septentrion par la mer, au midi par la nation des Tapuyes. Elle renferme une île importante qui mérite un article à part.

Maragnan, l’île de (Géogr.) île de l’Amérique méridionale au Brésil, dans la capitainerie à laquelle elle donne son nom. Elle est formée par trois rivieres considérables, qu’on nomme le Maraca, le Topucuru, & le Mony. Cette île est peuplée, fertile, a 45 lieues de circuit, & est éloignée de la ligne vers le sud, de 2. 30. long. 323.

Les François s’y établirent en 1612, & y jetterent les fondemens de la ville de Maragnan, que les Portugais ont élevés quand ils s’en sont rendus maîtres. Cette ville est petite, mais elle est fortifiée par un château sur un rocher. Elle a un bon port, avec un évêché suffragant de l’archevêque de San-Salvador de la Baya.

Il y a encore dans cette île plusieurs villages, que les gens du pays appellent Tave. Ces villages consistent chacun en quatre cabanes jointes en quarré à la maniere des cloitres. Ces cabanes sont composées de troncs d’arbres & de branches liées ensemble, & couvertes depuis le bas jusqu’au haut de feuilles de palmiers.

Maragnan étant si près de la ligne, les nuits y sont les mêmes dans tout le cours de l’année ; on n’y éprouve ni froid ni sécheresse, & la terre y rapporte le maïs avec abondance. Les racines de manioc y croissent aussi fort grosses & en peu de tems. On y a des melons & autres fruits toute l’année.

Les naturels de cette contrée vont tout nuds. Ils se peignent le corps de différentes couleurs, & af-