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quatre aunes de long. On voit pendant l’été plusieurs de ces traces dans les rivieres où il y a beaucoup de moules ; & l’on ne manque jamais de trouver une moule au bout de chaque route. C’est ainsi que ces petits poissons cherchent leur vie, & qu’ils se promenent çà & là en labourant la terre avec le tranchant de leurs coquilles, le talon toujours tourné en avant. Ces routes creuses servent d’appui aux moules pour les soutenir dans la même position, & en fouissant la terre çà & là, elles trouvent quelques frais de poisson ou autres petits alimens dont elles se nourrissent. Les moules dans leur marche peuvent se rencontrer & frayer ensemble. On ne découvre point d’œufs dans leur corps, on trouve seulement pendant l’été beaucoup de lait & de glaire dans la même moule, ce qui peut faire croire qu’elles sont androgynes.

Les moules respirent l’eau à-peu-près comme les poissons ; on découvre cette respiration par un petit mouvement circulaire qui se fait dans l’eau proche le talon de la coquille ; elles ne rejettent pas l’eau à chaque fois qu’elles la puisent, comme les poissons, elles s’en remplissent pendant une minute ou deux, & puis elles la rejettent tout d’un coup par l’autre bout de la coquille. Pour pouvoir observer cette façon de respirer, il faut que les moules soient couchées à plat à moitié dans l’eau sur un beau sable ; si elles étoient entierement cachées sous l’eau, on ne pourroit observer ni la petite circulation de l’eau qui se fait près du talon, ni l’expulsion de l’eau qui sort d’un seul coup par l’autre bout de la coquille.

Les moules de riviere sont sujettes à diverses maladies. Il se forme sur la surface intérieure de la coquille, des tubercules de la grosseur d’un pois, & qu’on prendroit pour des perles. Lorsque les moules sentent le froid, elles sortent en partie de leurs coquilles en forme de langue, qu’elles trainent lentement à droite & à gauche pour remuer le sable, dont elles se trouvent entierement couvertes en moins d’une demi-heure ; elles rentrent dans leurs coquilles par le moyen d’un membrane musculeuse, dont la grosse glande qui sort de la coquille en forme de langue, est toute enveloppée. Quand cette membrane se contracte, la glande, qui de sa nature est molle & flasque, devient une petite masse dure & ridée après qu’on l’a maniée. L’issue des excrémens paroît se faire par la contraction des muscles circulaires de l’intestin ; ces muscles sont en grand nombre & par paquets. Pour les voir il faut couper l’intestin, ôter les excrémens, & le bien déployer : alors on remarquera vers la base de la glande à laquelle l’intestin est attaché, plusieurs gros trousseaux de fibres qui vont tout-autour de l’intestin toujours en diminuant de grosseur à mesure qu’ils s’éloignent de leur origine. M. Poupart, mem. de l’acad. des Sciences, ann. 1706. p. 64.

Cet article a été tiré d’un ouvrage manuscrit de M. Formey, secrétaire de l’académie royale des Sciences & Belles-Lettres de Berlin.

Il y a un animal de figure informe, dit M. de Fontenelle, & il dit vrai, habitant de la mer, des rivieres & des étangs, qui ne reçoit sa nourriture & ne respire que par l’anus, qui n’a ni veines ni artères, & dans lequel il ne se fait point de circulation ; il n’est pas seulement hermaphrodite, merveille trop commune ; mais il differe des autres hermaphrodites connus, en ce qu’il se multiplie indépendamment d’un autre animal de son espece, & est lui seul le pere & la mere, de ce qui vient de lui.

Cet animal étonnant, pour dire le mot de l’énigme, c’est la moule ou le moule ; car comme il est des deux sexes, nous l’avons fait dans notre langue, masculin & féminin.

Sa singularité a attiré l’attention de MM. Van-Heyde, Poupart, Mery, Réaumur ; qui à l’envi les uns des autres, ont tâché de le connoître. Je me flatte donc qu’il n’y aura personne qui ne soit bien-aise de trouver ici un extrait des découvertes faites sur cet étrange poisson, par d’aussi bons Physiciens que sont ceux que je viens de nommer. Le naturaliste, l’anatomiste & le physiologicien y doivent prendre intérêt.

Cette espece de poisson, renfermé entre deux coquilles, qui sont ordinairement convexes & concaves, est le mytulus ou le musculus des Icthyologistes.

Division des moules. Il y a des moules de mer, d’étangs & de rivieres.

Les unes & les autres s’ouvrent, se ferment, sortent de leurs coquilles ; ils rentrent, s’enterrent dans le sable ou dans la glaise des rivieres, marchent, ont un mouvement progressif, s’attachent où elles veulent, respirent, & quelques-unes voltigent sur la superficie de l’eau. Toutes sont androgynes, ont une conformation singuliere, des maladies, & des ennemis ; développons les vérités curieuses.

Suivant toute apparence, les coquillages sont les premiers poissons que les hommes ont connu, & qu’ils se sont avisés de manger, car il s’est passé beaucoup de tems avant qu’on ait inventé la ligne, l’hameçon, les retz, les nasses, & tous les instrumens nécessaires à la pêche des autres poissons. Mais pour ce qui est des coquilles, il n’a fallu dès le commencement du monde, que se baisser pour les prendre.

De l’ouverture de la coquille des moules. Van-Heyde a inutilement cherché de quelle maniere s’ouvrent les moules, comme il paroît dans son traité de l’anatomie de la moule ; mais M. Poupart nous l’a expliqué.

Toutes les especes de moules, & même tous les coquillages à deux coquilles, ont un ligament coriace qui tient liées les deux coquilles ensemble à la partie postérieure qu’on appelle talon, & qui les fait aussi ouvrir par son ressort ; en voici le méchanisme.

Lorsque les moules ou autres coquillages ferment leurs coquilles, par la contraction de leurs muscles, le ligament qui est entre les bords de ce que l’on appelle talon, est comprimé & reste en cet état pendant que les muscles sont racourcis ; mais quoique ce ligament soit assez dur, il a pourtant quelque chose de spongieux, de sorte qu’il arrive qu’en se gonflant, il pousse les deux coquilles & les fait un peu ouvrir, quand les muscles se relâchent.

Le ligament à ressort des moules de mer, est différent de celui des moules de riviere. Celui de l’huitre en differe aussi, & si l’on examinoit les ligamens qui font ouvrir toutes les différentes especes de coquilles, il est vraissemblable qu’on trouveroit à cet égard dans la plûpart, quelque chose de particulier.

Maniere dont les moules se ferment, entrent dans leur coquille, & s’enterrent dans le sable. Toutes les moules se ferment par la contraction des deux gros muscles fibreux, qui sont intérieurement attachés à chaque bout des coquilles, & ces coquilles se ferment si exactement, qu’à peine l’eau en peut sortir ; on va dire la maniere dont cela s’exécute.

Toutes les especes de moules ont leurs coquilles bordées tout autour, d’une membrane qu’on pourroit appeller épiderme, parce que c’est une continuité de la couche extérieure des coquilles : ces membranes s’appliquent si exactement l’une contre l’autre quand elles sont mouillées, que la moindre goutte d’eau ne sauroit sortir de la moule.

Outre cette membrane, il y a tout au-tour du bord intérieur de chaque coquille un ligament. Ces