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anagallis aquatica, sive becabunga, a la racine vivace, garnie de fibres blanches, chevelues : ses tiges sont hautes d’un pié, gréles, & lisses ; ses feuilles sortent des nœuds sur des queues fort courtes ; elles sont opposées deux à deux, grasses, succulentes, rondes, peu ou point dentelées à leurs bords. Les fleurs sont bleues, composées d’un demi-pétale, divisé en cinq segmens arrondis : elles se changent en un fruit fait en cœur applati, qui contient une semence très-petite. Cette plante croît dans les ruisseaux & les fossés dont l’eau est courante ; elle passe pour anti-scorbutique & détersive. (D. J.)

Mouron, (Mat. med.) mouron mâle & femelle : on les prend indifféremment pour l’usage de la Médecine, ou pour mieux dire, les auteurs les recommandent indifféremment : car ce sont-là, certes, des plantes les moins usuelles.

Le mouron est dans les livres, céphalique, vulnéraire, sudorifique, anti-pestilentiel, emmenagogue, calmant ; & pour l’usage extérieur mondifiant, cicatrisant, guérissant la morsure des viperes & des chiens enragés. C’est son suc, son infusion dans le vin, & son eau distillée, qui sont recommandés dans tous ces cas. Il faut se contenter de dire du suc & de l’infusion, que ce ne sont pas des remedes éprouvés ; & l’on doit assurer de l’eau distillée, que c’est une préparation absolument inutile : car le mouron est de l’ordre des plantes qui ne contiennent aucun principe mobile. Voyez Eau distillée. (b)

Mouron d’eau, samolus, (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur monopétale, en forme de rosette, & profondément découpée : il sort du calice un pistil qui est attaché comme un clou au milieu de la fleur. Ce pistil dévient dans la suite un fruit ou une coque qui s’ouvre par la pointe, & qui est remplie de semences pour l’ordinaire petites. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante.

MOURRE, s. f. (Jeux anciens.) jouer à la mourre se dit en latin micare digitis ; c’est le terme de Ciceron, parce que dans le jeu les doigts paroissent, micant. Pétrone se sert du seul mot micare, sous-entendant digitis.

On joue à ce jeu en montrant une certaine quantité de doigts à son adversaire, qui ait la même chose de son côté. On accuse tous deux un nombre en même tems, & l’on gagne quand on devine le nombre de doigts qui sont présentés. Ainsi on n’a besoin que de ses yeux pour savoir jouer à ce jeu.

Il est très-ancien, & l’un de ceux qui étoient le plus en usage parmi les dames de Lacédémone : c’étoit à ce jeu qu’elles tiroient au sort pour disputer le bonheur l’une contre l’autre, & même contre leurs amans. Il faut tomber d’accord que ce jeu, qui n’entre aujourd’hui que dans les divertissemens galans du petit peuple en Hollande & en Italie, devoit faire fortune chez les Lacédémoniénnes, si l’on se rappelle que la personne qui l’inventa fut Helene : elle y joua contre Paris & le gagna. C’est un passage de Ptolaemeus, qui nous apprend ce trait d’histoire. Helena, dit-il, prima excogitavit micationem digitis, & cum Alexandro sortiens, vicit.

Ce jeu prit grande faveur chez les autres Grecs & chez les Romains : c’est à ce jeu qu’ils achetoient & vendoient quantité de choses, comme nous ferions aujourd’hui à la courte paille. Dignus est qui cum in tenebris mices, dit Ciceron ; il est si homme de bien, que vous pouvez jouer à la mourre avec lui dans les ténebres, sans craindre qu’il vous trompe ; expression qui passa en proverbe pour peindre quelqu’un de la plus exacte probité. (D. J.)

MOUROUVE, (Botan exot.) espece de prunier des Indes occidentales décrit par de Laet liv. XVI. ch. xj. Sa fleur est jaune, & son fruit semblable à nos cerises ; il est soutenu par une longue queue,

renferme une pulpe douce d’un jaune doré, & contient un petit noyau. (D. J.)

MOUSQUET, s. m. c’est dans l’Art militaire une arme à feu qui étoit en usage dans les troupes avant le fusil, montée de même sur un fût ou bâton, & qui se portoit également sur l’épaule.

Le mousquet differe du fusil, en ce qu’au lieu de la pierre dont on se sert pour faire prendre feu à cette derniere arme, on se sert de meche dans la premiere.

Les mousquets ordinaires sont du calibre de 20 balles de plomb à la livre, & il, reçoivent des balles de 22 à 24. Le canon du mousquet est de trois piés huit pouces, & toute la longueur du mousquet monté est de cinq piés. Sa portée est de 120 jusqu’à 150 toises. Voyez Ligne de défense.

Le mousquet a une platine à laquelle est attachée le serpentin, avec le ressort ou gachette qui le fait mouvoir & le bassinet.

le serpentin tient à la platine par le moyen d’une vis : son extrémité en dehors a deux especes de feuilles formées par une tête de serpent, propres à retenir fixement, à l’aide d’une vis, la meche avec laquelle on met le feu au mousquet. C’est cette tête de serpent qui fait donner à cette piece le nom de serpentin. La partie du serpentin qui se trouve engagée sous la platine, forme une petite gâchette où va répondre la clé. Cette clé est un morceau de fer dispose en équerre ou manivelle, dont un côté tient à la gâchette du serpentin, l’autre se tire avec la main, pour faire tomber la meche du serpentin sur le bassinet, & faire ainsi partir le mousquet.

Le bassinet est fait de quatre pieces de fer posées en saillie sur la platine, vis-à vis la lumiere ou la petite ouverture faite au canon du mousquet pour lui faire prendre feu par le moyen de l’amorce renfermée dans le bassinet. La petite piece inférieure taillée en creux pour recevoir cette amorce, est proprement le bassinet ; celle de dessus s’appelle sa couverture ; la troisieme piece est le garde-feu, & la quatrieme est la vis qui les tient toutes ensemble.

L’équipage du mousquet est à-peu-près le même que celui du fusil, voyez Fusil.

Les mousquets ont été en usage dans les troupes immédiatement après les arquebuses : on en savoit faire dès le tems de François I. car le P. Daniel nous apprend dans son histoire de la milice françoise, qu’au cabinet d’armes de Chantilly on en voyoit un marqué des armes de France avec la salamandre, qui étoit la devise de ce prince. Cependant Brantome prétend que ce fut le duc d’Albe qui les mit le premier en usage dans les armées, lorsque sous le regne de Philippe II. il alla prendre le gouvernement des Pays-Bas, l’an 1567 ; mais cela veut dire seulement, dit l’auteur que nous venons de citer, qu’il les mit plus à la mode qu’ils n’avoient été jusqu’alors, & qu’avant lui on s’en servoit plus rarement, au-moins en campagne.

Les soldats qui étoient armés de mousquets étoient appellés mousquetaires, & c’est cette arme dont les deux compagnies de mousquetaires de la garde du roi furent d’abord armées en France, qui leur a fait donner le nom de mousquetaires, de la même maniere que le premier corps de troupes armé de fusils fut d’abord appellé fusiliers : c’est aujourd’hui le régiment royal-artillerie.

On s’est servi de mousquets dans les troupes jusqu’en 1604 ; mais peu de tems après cette année on leur substitua le fusil. Il y eut différens sentimens, dit M. le maréchal de Puiségur, dans son traité de l’art de la guerre, lorsqu’il fut question de faire ce changement. On disoit qu’avec le mousquet on faisoit plus long-tems feu qu’avec le fusil, qu’il manquoit beaucoup moins de tirer, au lieu que la batterie de fusil étoit sujette à ne