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provinces septentrionales, il faut mettre le mûrier blanc à de bonnes expositions, au midi & au levant, sur-tout à l’abri des vents du nord & du nord-ouest : ce n’est pas qu’ils ne puissent résister aux intempéries que ces vents causent ; mais comme on ne cultive cet arbre que pour ses feuilles, qui servent de nourriture aux vers à soie, il faut éviter tout ce qui peut les flétrir au printems, ou en retarder la venue. Ce mûrier se plait sur les pentes douces des montagnes, dans les terres franches mêlées de sable, dans les terres à blé, dans les terres noires, légeres & sablonneuses, & en général dans tous les terreins où la vigne se plaît. C’est l’indication la plus certaine pour s’assurer s’il fera bien dans un pays. Cet arbre ne réussit pas dans les terres trop légeres, trop arides, trop superficielles ; il n’y fait point de progrès. Mais il craint encore plus la glaise, la craie, la marne, le tuf, les fonds trop pierreux, les sables mouvans, la trop grande sécheresse & l’humidité permanente. A ce dernier égard, il faut de l’attention : le mûrier pourroit très-bien réussir le long des ruisseaux, dans les terres où il y a des suintemens d’eau ; mais sa feuille perdroit de qualité ; elle seroit trop crue pour les vers. Par cette même raison il faut se garder de mettre le mûrier dans les fonds bas, dans les prairies, dans les lieux serrés & ombragés. Cet arbre demande absolument à être cultivé au pié pour produire des feuilles de bonne qualité ; c’est ce qui doit empêcher de les mettre dans des terres en sainfoin, en luzerne, &c. mais on ne doit pas l’exclure des terres labourables, dont les cultures alternatives lui font grand bien.

On peut multiplier cet arbre par les moyens que l’on a expliqué pour le mûrier noir ; si ce n’est que de quelque façon qu’on éleve le mûrier blanc, il réussit toujours plus aisément, & il vient bien plus promptement que le noir : on prétend même qu’il n’y a nulle comparaison entre ces deux sortes de mûriers pour la vitesse d’accroissement, & c’est avec juste raison ; car il m’a paru que le blanc s’élevoit quatre fois plus vite que le noir. Je vais rappeller ces différentes méthodes de multiplication pour les appliquer particulierement au mûrier blanc.

1°. De rejettons enracinés que l’on trouve ordinairement au pié des vieux arbres qui ont été négligés. On fait arracher ces rejettons en leur conservant le plus de racines qu’il est possible : on accourcit celles qui sont trop longues ; on met ces plants en pepiniere, & on retranche leur cime à deux ou trois yeux au-dessus de la terre.

2°. Par les racines. Dans les endroits où on a arraché des arbres un peu âgés, les racines un peu fortes qui sont restées dans la terre poussent des rejettons. On peut les faire soigner, & les prendre l’année suivante, pour les mettre en pepiniere de la même façon que les rejettons.

3°. De boutures. Voyez la méthode de les faire qui a été détaillée à l’article du Murier noir. Toute la différence qui s’y trouvera, c’est que les boutures de mûrier blanc feront plus aisément racines, & prendront un accroissement plus prompt, ensorte qu’on pourra les lever & les mettre en pepiniere au bout d’un an.

4°. De branches couchées. Voyez ce qui a été dit à ce sujet pour le murier noir. La différence qu’il y aura ici, c’est qu’il ne sera pas nécessaire de marcotter les branches, & que faisant racine bien plus promptement que celles du mûrier noir, elles seront en état d’être transplantées au bout d’un an.

5°. Par la greffe. C’est-à-dire qu’on peut multiplier par ce moyen les bonnes especes de murier blanc, en les greffant sur celles que l’on regarde comme inférieures, relativement à la quantité de leurs feuilles. Si l’on en croit les anciens auteurs qui ont traité de

l’Agriculture, on peut greffer le mûrier sur le terebinthe, le figuier, le poirier, le pommier, le chataignier, le hêtre, l’orme, le tilleul, le frêne, le peuplier blanc, le cormier, l’alisier, l’aubepin, & même sur le groselier. Ces faits ont d’abord été hasardés très-anciennement dans des poésies pour charger l’illusion par des prodiges, ensuite répétés pendant nombre de siecles par un tas d’écrivains plagiaires, puis révoqués en doute par les gens réfléchis ; enfin renversés & obscurcis par le flambeau de l’expérience.

Les mûriers venus de semence donnent des feuilles d’une si grande variété, que souvent pas un arbre ne ressemble à l’autre. Il y a des feuilles de toute grandeur : il s’en trouve qui sont entieres & sans découpures ; mais la plûpart les ont très-petites & très découpées : ce sont ceux-ci que l’on regarde comme sauvages, parce que leurs feuilles sont de très-peu de ressources pour la nourriture des vers à soie : au lieu que l’on appelle mûriers francs, les mûriers dont les feuilles sont larges & entieres, & sur-tout ceux qui ont été greffés. Il faudra donc prendre des greffes sur les mûriers de bonnes feuilles pour écussonner ceux qui auront des feuilles trop petites ou trop découpées. Voyez au surplus ce qui a été dit de la greffe pour le mûrier noir. Mais il y aura ici une différence considérable, qui sera tout à l’avantage du mûrier blanc. D’abord la greffe leur réussit avec plus de facilité, sur-tout l’écusson à œil dormant : ensuite on peut greffer des sujets de tout âge, même ceux qui n’ont que deux ans de semence, ou ceux qui ont passé seulement un an dans la pepiniere. Quand les plants sont forts, on les greffe à la hauteur de six piés. Si les arbres sont âgés, & qu’on ne soit pas content de leurs feuilles, on les coupe à une certaine hauteur, on leur laisse pousser de nouveaux rejettons que l’on greffe par après.

6°. De semence. Si l’on n’est pas à portée de se procurer des graines dans le pays, il faudra en faire venir de Bagnols, ou de quelqu’autre endroit du Languedoc ; elle sera meilleure & mieux conditionnée que celle que l’on tireroit des provinces de l’intérieur du royaume. Une livre de graine de mûrier blanc coute huit livres environ sur lieu, & elle peut produire soixante mille plants. Voyez sur le tems & la maniere de semer, ce qui a été dit pour le mûrier noir. Mais il y aura à l’égard du mûrier blanc, une grande différence pour l’accroissement. Les jeunes plants du mûrier blanc s’éleveront dès la premiere année, communément à un pié, & quelques-uns à un pié & demi. On pourra donc, & il sera même à propos des le printems suivant au mois d’Avril, d’ôter environ un tiers des plants, en choisissant les plus forts pour les mettre en pepiniere ; mais il ne faudra pas se servir d’aucun outil pour lever ces plants, parce qu’en soulevant la terre on dérangeroit quantité des plants qui doivent rester. Le meilleur parti sera de faire arroser largement la planche de mûrier pour rendre la terre meuble & douce ; cela donnera la facilité de pouvoir arracher les plants avec la main. Au bout de la seconde année, les plants auront communément quatre à cinq piés, alors il n’y aura plus moyen de différer ; il faudra les mettre en pepiniere. Si on les laissoit encore un an, les plants les plus forts etoufferoient les autres ; il en périroit la moitié. Il y a un grand avantage à ne mettre ces jeunes plants en pepimere, que quand ils sont un peu forts, c’est à-dire à l’âge de deux ans ; ils exigent alors moins d’arrosemens, moins de culture, & bien moins de soins que quand ils n’ont qu’un an. On suppose que l’on a disposé pour la pepiniere un terrein convenable & en bonne culture. On fait arracher proprement les jeunes plants, que l’on nomme pouretre, & après avoir accourci les racines avec discré-