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pattes étoient noires ; celles de devant n’avoient que quatre doigts, armés chacun d’un ongle court, moins fort & moins pointu que ceux des chats, le cinquieme doigt étoit sans ongle & ne portoit pas à terre ; le dedans des deux pattes étoit plus maigre & aussi doux que dans les chats. Les pattes de derriere avoient cinq ongles portans tous à terre, conformés à-peu-près de même. Les papilles de la langue étoient tournées comme celles du chat, sans être ni si dures, ni si âpres.

Description de l’organe qui contient la pommade odorante. L’organe particulier qui fournit le musc dans cet animal, est situé près des parties génitales.

Après qu’on a fait l’ouverture de la vulve, comme on a fait dans ce musc-ci qui étoit une femelle, & qu’on en a écarté les deux lèvres, il se trouve une bourse qu’on peut se représenter comme un porte-feuille, c’est-à-dire, s’ouvrant en deux levres, au fond & parois desquelles sont placées deux glandes, d’où se sépare une liqueur onctueuse & filandreuse, ou plutôt soyeuse, dont l’odeur est très forte.

La pâte visqueuse qui se trouve dans cette cavité en enduit toute la surface & a une couleur ambrée ; c’est-là la liqueur l’huile ou plutôt la pommade odorante, le parfum ou le vrai musc.

A l’ouverture de la bourse qui le renfermoit, l’odeur de ce parfum se trouva si forte, que M. de la Peyronie ne put l’observer sans en être incommodé ; la cavité qui le contient est tapissée d’une membrane tendineuse qui a du ressort, qui est fort plissée, & par conséquent capable de beaucoup d’extension : voilà pourquoi nous avons dit, qu’on pouvoit se la représenter dans sa situation naturelle, comme un porte-feuille fermé, dont les deux côtés seroient un peu plissés.

Il y a deux glandes, l’une à droite, & l’autre à gauche, qui versent leur parfum dans la cavité ou le sac, dont la surface est percée comme un crible : & c’est par ce crible que le parfum passe des deux glandes dans la poche commune : ces trous sont grands & petits ; c’est par les grands trous que les follicules qui composent le centre de la glande, vuident leur pommade dans le sac ; & c’est par les petits trous que les follicules qui composent la circonférence de chaque glande, déposent aussi leur parfum dans le même sac.

Le sac est tapissé d’une membrane réticulaire, extensible, ayant un ressort qui rapproche si fort les trous les uns des autres, que si l’on presse les glandes sans étendre la membrane qui soutient les trous, le parfum paroît ne sortir que d’un seul trou. Sur la surface de cette membrane, on voit quantité de petits poils noirs, & dans la cavité d’autres petits poils blancs. Ces poils ne sont autre chose que quelque partie de la liqueur du parfum détachée & moulée en filets.

Lorsque les follicules dont la glande est composée sont pleins de pommade, les glandes sont grosses & dures : elles diminuent aussi-bien que les follicules à mesure qu’on en exprime la pommade. Tous ces follicules communiquent les uns aux autres. Si on ouvre un follicule, selon sa longueur, on découvre avec la loupe de très-petites ouvertures qui peuvent bien être la communication d’un follicule à l’autre.

La vitesse avec laquelle l’air poussé par le fond d’un follicule, passe dans les follicules voisins, fait juger qu’ils doivent communiquer par plusieurs ouvertures ; précaution utile pour favoriser le cours & l’évacuation d’une liqueur, qui par sa consistance, auroit pû être retenue trop long-tems dans son reservoir, si elle n’avoit eu que la ressource d’une seule sortie.

Ce même follicule ouvert, selon sa longueur, montre dans sa cavité sept ou huit cellules irrégulieres de différentes grandeurs, séparées par des membranes fortes & tendineuses ; chacune de ces cellules en contient plusieurs autres petites, au fond desquelles on découvre des grains glanduleux qui sont de différente grandeur ; c’est apparemment à travers leur substance, que la pommade ou le parfum est filtré. La premiere cellule à laquelle le mamelon est adapté lui sert d’entonnoir ; de-là il passe de cellule en cellule, des petites dans les grandes, jusqu’à ce que le follicule soit rempli ; alors la contraction du musc qui enveloppe la glande, & d’autres causes que je ne parcours point expriment dans le sac le parfum qui étoit renfermé dans les follicules, & dans le besoin font sortir le parfum du sac.

Cette organisation singuliere qui découvre de nouveaux moyens, pour retenir & conduire les récrémens, selon leur nature & leur destination, ne nous apprend rien de ce qui se passe dans le principe des sécrétions qui se font dans l’homme & dans les animaux. Il y a lieu de croire que les artères portent dans les papilles du sac, qui sont ses vraies glandes ou ses vrais couloirs, un sang qui y dépose la matiere du parfum qui fait partie de la masse : le résidu rentre par le moyen des veines & apparemment des vaisseaux lymphatiques dans le commerce de la circulation.

Cette organisation n’éclaircit gueres le mystere de nos sécrétions. Mais comment le parfum s’est-il séparé de la masse du sang ? Quelle a été cette manipulation ? C’est-là ce principe des sécrétions, ce point d’anatomie que les plus grands maîtres de l’art n’ont encore pû mettre en évidence. Ils ne retireront de cette nouvelle organisation aucune nouvelle lumiere pour développer cet ancien mistere. Tout se réduit ici à la seule différence de la conformation extérieure de la glande, de la forme de son récipient, & du reste de la conduite du recrément d’avec les glandes ordinaires : différences dignes d’être observées, d’être comparées avec ce qu’on trouve dans l’homme & dans les animaux, pour connoître les divers moyens employés pour les mêmes opérations. Nous devons nous en tenir-là, jusqu’à ce que ces variétés mieux connues, nous fassent voir les autres avantages qu’on en peut retirer.

Le parfum n’est jamais plus fort que quand il est récent. Les grains glanduleux & les premieres vésicules du musc sont de vrais mamelons, & de vrais entonnoirs où la pommade se forme, se ramasse dans les follicules & dans le sac.

Elle s’est trouvée d’une force extraordinaire cette pommade deux jours après la mort de notre musc : observation contraire à ce qu’en ont publié plusieurs auteurs sur la foi des marchands & des voyageurs, qui assurent que la pommade est fort puante lorsqu’on la retire de l’animal, & qu’en vieillissant dans ses bourses, elle prend peu-à-peu le parfum & la qualité de musc, toujours plus fort à mesure qu’il est gardé plus long-tems.

Cette erreur doit être imputée à la façon dont on détache les bourses : les chasseurs qui ne sont pas anatomistes, ouvrent en faisant cette opération le gros boyau & les deux poches qu’il a à ses côtés, qui donnent une liqueur d’une odeur extrèmement puante ; ils ouvrent & enlevent le boyau, & ces deux poches ; ils les renversent pour enfermer le parfum ; ils les lient & les serrent comme une bourse de paysan, pour l’empêcher de s’échapper. Son odeur, quoique forte, ne perce point à-travers la poche qui est fort épaisse, & enduite extérieurement des matieres fécales & d’une liqueur puante, la mauvaise odeur qui est au-dehors se dissipe avec le tems, au lieu que le musc bien enfermé ne perd