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est certain qu’il n’alloit alors aucune goutte de sang dans les parties postérieures du chien.

Le docteur Lower, M. Cowper, & après eux le docteur Morgagni, & d’autres auteurs modernes qui ont écrit sur ce sujet abandonnant tout fluide adventice, déduisent la cause du mouvement musculaire de l’élasticité intrinseque des fibriles nerveuses qui se contractent & se rétablissent, malgré l’obstacle de la force extensive du sang qui circule. Morgagni tâche de prouver ce système par les observations suivantes. 1°. Que tous les vaisseaux d’un animal étant composés de fibres flexibles & extensibles, elles sont toujours dans un état de tension, c’est-à-dire que les fluides qui y sont contenus les étendent transversalement & longitudinalement ; c’est ainsi, par exemple, qu’une veine & qu’une artere qu’on coupe se contractent de même que le côté opposé du vaisseau, au point que les parties viendront presque à se toucher sur l’axe pendant que les deux bouts s’éloignant les uns des autres laisseront un vuide, ce qui prouve que le vaisseau, lorsqu’il étoit dans son état naturel, étoit tendu dans les deux sens, & que par conséquent cette contraction dans toutes les dimensions, est l’action naturelle ou intrinseque des vaisseaux ou des fibres.

Bergerus a avancé que les fibres membraneuses transversales venant à se tendre rident les fibres charnues ; on est aussi embarrassé avec cet expédient qu’avec les autres : on fait dire à Stenon que les angles des fibres qui étoient aigus devenoient droits ; mais quelle est la méchanique qui fait cela, & comment supposer que des espaces remplis de fluides qui poussent également de tous côtés puissent avoir des angles aigus ? Toute cavité simple remplie d’une liqueur qui est poussée à force doit s’arrondir.

M. Deidier suppose dans une thèse que les fibres nerveuses venant à se contracter dans un muscle, le sang y coule moins abondamment que dans son antagoniste, de-là vient que cet antagoniste l’emporte sur le muscle déjà contracté par la machine.

M. Bernoulli, après avoir exposé la structure des muscles suivant laquelle il les suppose composés de deux plans de fibres, l’un longitudinal & l’autre transverse ; il pense que les fibres transverses doivent resserrer les longitudinales, qui gonflées par l’effervescence qui y arrive, prendront par ce moyen la figure d’une suite de petites vésicules ovales, & non pas de rectangles, comme l’a pensé Borelli, ce qu’il démontre très-bien, & dont il déduit, par un calcul très-ingénieux dans le détail duquel nous n’entrons pas ici, une évaluation des forces des muscles bien différente de celle que Borelli avoit trouvée par le sien : quant à son hypothèse, la voici. « Lorsque la volonté, dit il, envoie le suc nerveux dans les muscles, les parties de ce suc par leurs pointes subtiles s’attachent aux parties du sang & les divise ; alors les parties d’air renfermées dans le sang bouillonnent, se dilatent tout-à-coup, & subtiles qu’elles sont, elles s’échappent facilement, & lorsque par une impétuosité subite elles ont raréfié le sang, les particules du suc nerveux, dont les pointes sont plus fortes, rompent quelques pores des globules du sang qui renferment l’air, & cet air grossier ne pouvant s’échapper par les pores des muscles, produit les vésicules qui s’observent à leur surface, de pareilles vésicules sont la cause de la tympanite ; c’est encore, continue notre auteur, une erreur populaire que de croire que la paralysie ne provient que de ce que les esprits animaux cessent de couler dans la partie paralytique, puisqu’elle peut également provenir du trop de souplesse des pointes des particules du suc nerveux ». Voyez sa Diss.

M. Winslow ne trouvant point les différentes hypothèses sur le mouvement des muscles suffisantes pour rendre raison de la détermination de ces mouvemens, de leur durée ; de leur augmentation & de leur diminution, &c. M. l’abbé de Molieres entreprit de résoudre quelques-unes de ces difficultés par l’hypothèse suivante. Il reconnoit avec tous les grands anatomistes, que le nombre des vaisseaux qui se distribuent dans le muscle est infini ; que ces petits vaisseaux sont comme autant de petits cylindres qui s’étendent le long des fibres des muscles ; que tous ces petits cylindres sont tous entourés par un nombre infini de filamens nerveux, & que, lorsque nous voulons exécuter quelque mouvement, il se fait une effusion d’esprits animaux plus grande qu’à l’ordinaire, ce qui ne peut arriver sans gonfler les petits filamens nerveux qui environnent chaque petit vaisseau ; les filamens ne peuvent être gonflés sans qu’il s’ensuive une compression sur les vaisseaux qu’ils environnent ; les petites arteres doivent donc se changer en une espece de petit chapelet, & c’est de-là qu’il déduit l’explication de la plûpart des phénomenes du mouvement musculaire. Voyez les Mémoires de l’acad. royale des Sciences.

Quelque ingénieuses que puissent être toutes ces hypotheses, elles ne peuvent cependant satisfaire à tous les phénomenes du mouvement musculaire, & tout ce qu’il y a de bien certain & de bien démontré, c’est :

1°. Que les muscles ont une force de contraction naturelle. En effet, si on regarde au microscope la chair d’un animal récemment tué, on voit évidemment qu’elle se contracte. Si on coupe dans un animal quelconque un muscle dans son milieu, on voit les deux extrémités se contracter. Si on arrache le cœur d’une grenouille, & qu’on le mette sur une table, on le voit faire les mouvemens de systole & de diastole pendant une heure. Qu’on mette tremper dans l’eau un muscle pendant quelque tems, il devient pâle, se dépouille de la partie rouge qui l’environnoit, & ses fibres deviennent plus courtes ; elles s’alongent lorsqu’on les tire, & se remettent dans leur premier état lorsqu’on les lâche. Il faut néanmoins convenir que cette force de contraction naturelle aux muscles, & même aux membranes qui ne sont pas musculaires, différent beaucoup de celle qu’ils ont pendant la vie, & avec laquelle ils soutiennent des poids certainement plus grands que ceux qu’ils supportent, lorsqu’ils ne sont plus animés par cette force vitale quelle qu’elle puisse être.

2°. Il est certain que les expériences prouvent que la cause du mouvement musculaire vient des nerfs, puisque les nerfs ou la moëlle épiniere étant irrités, même dans l’animal après la mort ; les muscles qui reçoivent de ces parties des rameaux de nerf, entrent dans de violentes convulsions. Le nerf d’un muscle quelconque étant lié ou coupé, ce muscle s’affaisse, tombe en langueur, & ne peut aucunement se rétablir dans un mouvement semblable au mouvement vital ; la ligature étant relâchée, le muscle recouvre la force qui le met en mouvement. On a fait ces expériences sur-tout sur le nerf diaphragmatique & sur le recurrant.

3°. Il est encore en question si les arteres concourent au mouvement musculaire. La paralysie qui survient dans les extrémités après la ligature de l’aorte, ou dans quelques parties que ce puisse être, après avoir lié l’artere qui y porte le sang, sembleroit le confirmer ; cependant de grands hommes prétendent que les arteres ne concourent en rien au mouvement musculaire, sinon en ce qu’elles conservent la bonne disposition du muscle, l’habitude mutuelle des parties, qu’elles séparent la vapeur & la graisse qui les humectent, & enfin qu’elles le nourris-