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dans l’Eucharistie du pain & du vin, & par les yeux de la foi, nous concevons le corps & le sang de Jesus-Christ : de même dans le myron nous ne voyons que de l’huile, mais par la foi nous y appercevons l’esprit de Dieu ». Au reste, la composition qu’on trouve dans l’histoire de l’église d’Alexandrie, écrite par Vansleb, ressemble beaucoup au kyphi décrit par Plutarque à la fin du traité d’Isis. Voyez M. de la Croze, Hist. du Christianisme des Indes. (D. J.)

MYROPOLE, (Géog. anc.) en grec Μυροπολον, ville de Grece, près des Thermopyles, vis-à-vis d’Héraclée. Procope dit que le tems ayant ruiné les fortifications qu’on avoit faites au passage des Thermopyles, d’un côté par la ville d’Héraclée, & de l’autre par celle de Myropole, qui est proche de ce passage, Justinien répara les fortifications de ces deux places, & éleva un mur très-solide, par le moyen duquel il boucha cet endroit, qui étoit auparavant ouvert. Les Lacédémoniens furent invincibles, tant que Sparte n’eut point de murailles, & dès que Justinien eût fini tant de beaux ouvrages décrits par Procope, les Barbares les détruisirent, pénétrerent de toutes parts, & firent crouler l’empire. (D. J.)

MYRRHE, s. f. (Hist. nat. des drog. exot.) suc résineux, gommeux, qui découle naturellement ou par incision, d’un arbre duquel nous ne savons autre chose, sinon qu’il croît dans l’Arabie-heureuse, en Egypte, en Ethiopie, en Abyssinie, & au pays des Troglodytes, autrement dit la côte d’Abex.

Les anciens ont parlé de plusieurs sortes de myrrhe, qu’ils ont décrites & distinguées les unes des autres avec peu d’exactitude. Présentement même, on trouve dans des caisses de myrrhe, que nous recevons des Indes orientales ou des échelles du Levant, plusieurs morceaux de myrrhe différens par le goût, l’odeur & la consistence. Tantôt ils ont une odeur suave de myrrhe, tantôt une odeur incommode & désagréable, tantôt ils n’ont qu’une légere amertume, & tantôt ils répugnent par leur amertume, & excitent des nausées. Ajoutez, qu’ils sont mêlés de bdellium & de gomme arabique.

L’on voit du-moins qu’il y a grande différence entre les larmes de la myrrhe, selon qu’elle provient de différens arbres, de diverses parties d’un même arbre, selon les différentes saisons de l’année où on la recueille, selon le pays, selon la culture, & selon que ces larmes découlent d’elles-mêmes, ou par incision ; car il ne s’agit pas ici des sophistiqueries particulieres qu’on peut y faire en Europe dans le débit.

Quelques auteurs doutant que notre myrrhe soit la même que celle des anciens, prétendent que ce que nous appellons myrrhe, étoit leur bdellium ; cependant on l’en distingue facilement, parce qu’elle est amere, moins visqueuse, d’une odeur plus piquante que celle du bdellium. D’autres soupçonnent, que nous n’avons point la belle myrrhe des anciens, mais seulement l’espece la plus vile, à laquelle Dioscoride donnoit le surnom de caucalis & d’ergasine ; cependant il est plus vraissemblable qu’on nous apporte encore la vraie myrrhe antique, quoique mélangée avec d’autres especes d’une qualité inférieure.

Je sai bien que les anciens comptoient leur myrrhe parmi les plus doux aromates, & qu’ils s’en servoient pour donner de l’odeur aux vins les plus précieux ; mais outre qu’ils avoient peut-être un art particulier de la préparer pour leurs parfums, & leurs vins, on ne doit pas disputer des goûts, ni des odeurs.

Il faut remarquer, que les anciens connoissoient deux especes de myrrhe, une liquide qu’ils appel-

loient stacte, & une myrrhe solide ou en masse. Ils

distinguoient encore trois sortes de myrrhe liquide, l’une qui étoit naturelle, & qui découloit d’elle-même des arbres sans incision ; c’est, dit Pline, la plus estimable de toutes. La seconde, tirée par incision, étoit également naturelle, mais plus épaisse & plus grossiere. La troisieme, qu’on faisoit artificiellement, étoit de la myrrhe récente en masse, pilée avec une petite quantité d’eau, que l’on passoit en l’exprimant fortement ; cette préparation qu’on peut nommer émulsion de myrrhe, ne se pratique point aujourd’hui ; mais on trouve quelquefois dans les boutiques des morceaux de myrrhe récente, pleins d’un suc huileux, que nos parfumeurs appellent stacte.

Outre les myrrhes liquides, les anciens distinguoient plusieurs sortes de myrrhe solide ou en musse, entre lesquelles Galien regardoit la myrrhe troglodityque pour la meilleure, & après elle la myrrhe minnéenne, minnœa, ainsi nommée des Minnéens, peuples de l’Arabie heureuse, que Strabon, l. XVI. p. 798. met sur les côtes de la mer rouge. Enfin, Dioscoride fait mention d’une myrrhe de Béotie, mais on ne la connoît point du-tout aujourd’hui.

La myrrhe donc, myrrha, off. Σμύρνα, Diosc. μύῤῥα Hipprocratis mor. des Arabes, est un suc résineux, gommeux, en morceaux fragiles de différentes grandeurs ; tantôt de la grosseur d’une noisette ou d’une noix, tantôt plus gros ; de couleur jaune, rousse ou ferrugineuse, transparens en quelque maniere, & brillans. Quand on les brise, on y voit des veines blanchâtres à demi-circulaires ou sphéroides ; son goût est amer, aromatique, avec un peu d’âcreté, qui cause des nausées. Quand on la pile, elle donne une odeur forte, qui frappe les narines ; & quand on la brûle, elle répand une agréable fumée.

Myrrhe, (Chimie, Pharmacie & Mat. médic.) on doit choisir celle qui est friable, légere, égale en couleur dans toutes ses parties, sans ordures, très aromatique, d’un roux foncé & demi-transparente ; la plus mauvaise est celle qui est noire, pesante & sale.

Il s’ensuit de sa qualité de gomme-résine, voyez Gomme-résine, qu’elle ne doit être soluble qu’en partie dans l’eau, dans l’esprit de vin rectifié, & dans les huiles. Elle se dissout cependant en entier, ou peut s’en faut, dans l’esprit de vin tartarisé, & presque entierement aussi dans la liqueur qui se sépare du blanc d’œuf durci, que l’on fait résoudre ou tomber en deliquium avec la myrrhe, en les exposant ensemble dans un lieu humide ; opération qui fournit ce qu’on appelle très-improprement dans les boutiques, huile de myrrhe par défaillance. Ces deux derniers phénomenes méritent d’être constatés par de nouvelles observations, & ils sont très singuliers, si ce qu’en ont dit les auteurs est conforme à la vérité : selon l’analyse de M. Cartheuser, une once de belle myrrhe est composée de sept gros de substance gommeuse inséparablement barbouillée d’un peu de résine & d’huile, de deux scrupules & quelques grains de résine chargée d’huile essentielle & d’environ douze grains d’ordure absolument insoluble. La myrrhe choisie, distillée à l’eau, donne au rapport de Fred. Hoffman, qui prétend avoir exécuté cette opération le premier, Obs. phys. chim. l. I. obs. 5. environ deux dragmes, & même la plus parfaite, jusqu’à trois dragmes par livre d’huile essentielle, dont une partie est plus pesante que l’eau, & une autre partie nage à sa surface.

La myrrhe est un des remedes que les anciens ont le plus célébré, & que les modernes ont aussi compté parmi les médicamens les plus précieux. Elle possede toutes les qualités des gommes-résines à un degré que l’on peut appeller temperé ou moyen, qui