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petits, ayant soin de garnir les côtés & le fond du pot d’une bonne terre neuve, & de leur donner quantité d’eau pour affermir les racines ; ce qu’il faudra répéter souvent. Car ils en demandent beaucoup, tant en hiver qu’en été, & beaucoup plus dans les tems secs & chauds. Les mois d’Avril & d’Août sont la meilleure saison pour les transplanter. Si on le fait plutôt au printems, comme ils ne croissent que lentement alors, ils ne pourroient pousser de nouvelles racines aussi-tôt qu’il le faudroit. & si on attendoit plus tard en automne, le froid de la saison les empêcheroit de reprendre. Je ne conseille pas non plus de les transplanter dans les grandes chaleurs de l’été ; car il leur faut pour réussir, de la fraicheur, de l’ombre, & de grands arrosemens. Des qu’il commencera à geler pendant la nuit dans le mois d’Octobre, il faudra les mettre à l’orangerie : mais tant que la saison sera douce, on pourra différer jusqu’au commencement de Novembre. Lorsqu’on les serre trop tôt, & que la fin de l’automne est chaude, ils y poussent de nouveaux rejettons que l’hiver fait périr ordinairement ; ce qui les gâte beaucoup. On sera donc bien de les tenir en plein air aussi long tems que l’on pourra, & de les y remettre au printems avant qu’ils ne commencent à pousser. Mais pendant qu’ils seront dans l’orangerie, on leur donnera dans les tems doux autant d’air frais qu’il sera possible.

J’ai vû, continue le même auteur, le myrte commun d’Italie, & le myrte romain en pleine terre, à une exposition chaude, & dans un terrein sec, où ils ont résisté au froid pendant plusieurs hivers. On a soin seulement de les couvrir pendant les fortes gelées de deux ou trois paillassons, & on met de grand fumier à leur pié pour empêcher la gelée de pénétrer jusqu’à leurs racines. Mais en Cornouailles & en Devonshire, où les hivers sont plus doux que dans les autres provinces d’Angleterre, l’on voit de grandes haies de myrtes plantées depuis plusieurs années, dont quelques-unes ont jusqu’à six piés d’hauteur. J’imagine que l’espece à fleur double qui vient des provinces méridionales de France, résisteroit aussi-bien que les autres en pleine terre. Cette espece avec celle à feuille d’oranger, sont les plus difficiles à faire venir de boutures. Mais en faisant les boutures de ces arbrisseaux tout à la fin du mois de Juillet, en choisissant pour cela les plus tendres rejettons, & en les conduisant comme il a été dit, j’ai souvent éprouvé qu’elles faisoient fort bien racine. L’espece à feuilles d’oranger, & toutes celles à feuilles panachées, sont plus délicates que les especes ordinaires : il faudra les mettre à l’orangerie un peu plutôt en automne, & les y placer loin des fenêtres.

Bradley auteur anglois, assure que tous les myrtes peuvent très-aisément se multiplier de branches couchées, & que l’espece à fleur double & celle à feuilles d’oranger, réussissent mieux de cette façon que de boutures ; mais qu’il ne faut se servir que des jeunes branches de l’année ; car si on couchoit des branches plus âgées, elles ne feroient point de racines malgré toutes les attentions qu’on pût y donner : que le mois de Mai est le tems le plus convenable pour coucher ces branches ; que le myrte se plaît tellement dans l’humidité, qu’il en a vu un pot qui avoit passé l’été dans un bassin qu’on avoit soin d’entretenir plein d’eau, & que ce myrte avoit poussé pendant cet été quatre fois autant que ceux qu’on avoit traités à l’ordinaire, & qu’il avoit continué de croître de la même maniere pendant plusieurs années, sans qu’on renouvellât la terre du pot.

Mais on peut encore multiplier de semence les myrtes à fleur simple, à l’exception des especes à feuilles panachées ; & de plus ils peuvent tous se greffer les uns sur les autres.

Les feuilles de myrtes entrent dans les sachets d’odeur, dans les pots-pourris ; & au royaume de Naples, elles servent à tanner les cuirs.

Les baies de myrte sont de quelque usage en Médecine, & on en fait en Allemagne une teinture de couleur d’ardoise qui a peu d’éclat. Dans la Provence où il y a beaucoup de ces arbrisseaux, les oiseaux se nourrissent de ces baies ; ce qui les engraisse & les rend d’un goût excellent.

On connoît plusieurs especes de myrtes & quelques variétés : voici les plus remarquables des unes & des autres.

1. Le myrte commun d’Italie ; sa feuille est moyenne.

2. Le myrte romain à large feuille.

3. Le même à baies blanches.

4. Le même myrte à feuille dorée.

5. Le petit myrte commun, ou le myrte à feuille de thim : c’est celui qu’on cultive le plus dans ce royaume.

6. Le même myrte à feuille argentée.

7. Le myrte à feuille de buis.

8. Le myrte à feuille de romarin.

9. Le même myrte à feuille panachée de verd & de blanc : ses fleurs sont bigarrées de blanc & de rouge : c’est celui dont les Anglois font le plus de cas.

10. Le myrte balsamique a feuille de grenadier.

11. Le myrte cïtronné : ses feuilles ont l’odeur de la noix muscade, & ses jeunes rameaux sont rougeâtres.

12. Le même myrte à feuille dorée.

13. Le myrte d’Espagne à larges feuilles : les Anglois le nomment plus communément le myrte à feuille d’oranger ; mais ses feuilles ont plus de ressemblance avec celles du laurier franc, & elles viennent plusieurs ensemble par touffes.

14. Le même à baies blanches.

15. Le myrte d’Espagne à feuille étroite.

16. Et le myrte à fleur double : sa feuille est presque aussi grande que celle du myrte romain.

Le myrte commun d’Italie & le romain, sont plus robustes que tous les autres : le myrte citronné & celui à feuilles d’oranger, sont les plus délicats, ainsi que toutes les especes à feuilles panachées.

Myrte, (Pharmac. & Mat. médic.) Le myrte n’est point employé dans les prescriptions magistrales destinées à l’usage intérieur : ses feuilles & ses fleurs ont pourtant une qualité astringente très-réelle, dont on pourroit tirer parti en Médecine, si ces sortes de remedes étoient rares. On ne se sert guere que des baies connues dans les boutiques sous le nom de myrtiles, qui sont aussi manifestement astringentes, & qui entrent dans plusieurs purgations officinales, tant pour l’usage intérieur que pour l’usage extérieur. La plus usitée de ces préparations pour l’usage intérieur, est le syrop des baies composé, ou le syrop myrtin de Mesué. Voici la description de ce syrop, d’après la pharmacopée de Paris. Prenez des baies de myrte, deux onces & demie ; des neffles qui ne soient point mûres, une once ; de la rapure de santal citrin ; des fruits d’épine vinette récens ; des fruits de sumache ; des balaustes ; des roses rouges mondées, de chacune deux onces : le tout étant convenablement haché, faites-le macerer, pendant vingt-quatre heures, au bain marie, dans eau commune, trois livres ; sucs de coins & de poires sauvages, de chacun deux livres ; coulez avec forte expression : ajoutez cinq livres de beau sucre ; clarifiez aux blancs d’œufs, & cuisez en consistence de syrop.

C’est-là évidemment le plus fort styptique qu’on puisse tirer de la famille des végétaux ; au moins la plupart des substances végétales, éminemment styptiques, sont-elles rassemblées dans ce remede. Aussi est-il recommandé dans toutes les hémorrha-