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apporta le comté de Neuchâtel en dot à Egon, comte de Fribourg, qu’elle épousa en 1397. Ce comté passa ensuite dans la maison de Hochberg, par le testament de Jean de Fribourg, en 1457, & de même dans celle d’Orléans, par le mariage de Jeanne, fille & héritiere de Philippe, marquis de Hochberg, avec Louis d’Orléans, duc de Longueuille, en 1504. Pendant plus de deux siecles les Neuchâtelois ont été soumis à des princes de cette maison. Henri II. duc de Longueville, & premier plénipotentiaire de la France à la paix de Westphalie, en 1648, eut deux fils. L’ainé Jean-Louis-Charles prit d’abord le parti de l’Eglise, & céda tous ses droits au comte de S. Pol son cadet ; mais il les recouvra par la mort de ce dernier, qui fut tué au passage du Rhin, en 1672. Comme ni l’un, ni l’autre de ces princes n’avoit été marié, la souveraineté de Neuchâtel parvint à Marie d’Orléans leur sœur, épouse de Henri de Savoie, duc de Nemours ; & cette princesse, la derniere de sa maison, mourut en 1707, sans avoir eu d’enfans de ce mariage. Alors cette souveraineté fut réclamée par un grand nombre de prétendans. Quelques-uns fondoient leurs droits sur ceux de la maison de Châlons, dont les anciens comtes de Neuchâtel étoient les vassaux. Tels étoient le roi de Prusse, le comte de Montbeliard, les princes de la maison de Nassau, le marquis d’Alégre, madame de Mailly. D’autres, comme le margrave de Bade-Dourlach, les tiroient de ceux de la maison de Hochberg. Les troisiemes demandoient la préférence en qualité d’héritiers de la maison de Longueville. Le prince de Carignan, madame de Lesdiguieres, M. de Villeroi, M. de Matignon prétendoient chacun être le plus proche héritier ab intestat. Le prince de Conty s’appuyoit sur un testament de l’abbé d’Orléans, & le chevalier de Soissons sur une donation de la duchesse de Nemours. Tous ces princes se rendirent en personne, ou envoyerent des réprésentans à Neuchâtel. Ils établirent leurs droits respectifs, & plaiderent contradictoirement sous les yeux du tribunal souverain des états du pays, qui, par sa sentence rendue le 3 Novembre 1707, adjugea la principauté à Fréderic I. roi de Prusse, comme au plus proche héritier de la maison de Châlons. Depuis lors cet état a appartenu à la maison de Brandebourg, & reconnoît pour son souverain Fréderic II. petit-fils de Fréderic I. qui regne si glorieusement aujourd’hui.

La seigneurie de Valengin faisoit anciennement partie du comté de Neuchâtel, elle en fut séparée au xiij. siecle. Ulderich, frere du comte Berchtold, eut dans un partage les pays de Nidau & d’Arberg, la montagne de Diesse & Valengin. Rodolphe, comte de Neuchâtel obligea Jean d’Arberg, seigneur de Valengin à se reconnoître son vassal. Ses prétentions à cet égard furent confirmées par la sentence que les cantons Suisses rendirent en 1584. Enfin Marie de Bourbon, veuve de Léonor d’Orléans, acheta, en 1592, du comte de Montbéliard, la seigneurie de Valengin, qui, depuis lors, a toujours été unie au comté de Neuchâtel, mais en conservant ses privileges particuliers dont elle jouissoit auparavant.

Cet état fut d’abord compris dans le royaume de Bourgogne, fondé par Rodolphe de Stratlingue, en 888. Ses comtes se mirent sous la protection de la maison de Châlons à titre de vassaux. Rodolphe de Habsbourg, parvenu à l’empire en 1273, obligea tous les seigneurs bourguignons à reconnoître son autorité. Jean de Châlons prétendit qu’Isabelle, comtesse de Neuchâtel, n’avoit pas été en droit de disposer de son fief en faveur de Conrard, comte de Fribourg, son neveu, & cependant admit ce dernier à lui prêter foi & hommage en 1397. Le même différend entre le seigneur suzerain & son vassal se re-

nouvella lorsque le comté de Neuchâtel passa dans la

maison de Hochberg qui aspiroit à se rendre indépendante. Il y eut procès à ce sujet, & l’hommage ne fut pas prêté. En 1512 les Suisses irrités de ce que Louis de Longueville, prince de Neuchâtel, avoit suivi le roi de France dans ses guerres en Italie, contre le duc de Milan leur allié, s’emparerent de cet état, & ne le rendirent qu’en 1529 à Jeanne de Hochberg & à ses enfans. René de Nassau, neveu & héritier de Philibert de Châlons, dernier seigneur de cette maison, demanda à celle de Longueville la restitution du comté de Neuchâtel. Cette derniere la refusa, prétendant être elle-même héritiere universelle de la maison de Châlons-Orange. Il en naquit un second procès qui n’a jamais été jugé. Mais c’est depuis cette époque que les comtes qui possédoient ce petit état se sont qualifiés, par la grace de Dieu, princes souverains de Neuchâtel, & la sentence de 1707 ayant reconnu le roi de Prusse, comme le vrai héritier de la maison de Châlons, a réuni par cela même le domaine utile à la seigneurie directe. Quant aux prétentions que l’empereur & l’empire pourroient former sur la souveraineté de cet état, elles ont été anéanties par la paix de Bâle en 1499, comme par celle de Westphalie en 1648, qui assurent l’une & l’autre une indépendance absolue, non seulement aux cantons Suisses, mais encore à tous leurs alliés, membres du corps helvétique ; & dans ces derniers est essentiellement compris le pays de Neuchâtel. Ce petit état est donc aujourd’hui une souveraineté indépendante, héréditaire aux filles, à défaut d’enfans mâles, inaliénable sans le consentement des peuples, & indivisible. Elle ne peut même être donnée en appanage à aucun prince cadet de la maison de Brandebourg. L’autorité souveraine est limitée par les droits des peuples. Les revenus du prince, qui consistent en censes foncieres, lods, dîmes, & quelques domaines, ne vont pas au-delà de 5100000 liv. de France, & ne peuvent être augmentés aux dépens des sujets. Le prince, lors de son avénement, jure le premier d’observer inviolablement les us & coutumes, écrites & non écrites, de maintenir les corps & les particuliers de l’etat dans la pleine jouissance des libertés spirituelles & temporelles, franchises & privileges à eux concédés par les anciens comtes, & leurs successeurs ; après quoi les sujets prêtent le serment de fidélité ordinaire. L’état de Neuchâtel a des alliances très-anciennes avec le canton de Berne, de Lucerne, de Frybourg & de Soleure. Le premier, par ses traités particuliers de combourgeoisie avec le prince & les peuples, est établi & reconnu juge souverain de tous les différends qui peuvent s’élever entre eux par rapport à leurs droits respectifs.

La religion qui domine dans la principauté de Neuchatel est la protestante. Farel y prêcha le premier la réformation qui, en 1530, fut embrassée par la plus grande partie des peuples à la pluralité des voix. Ceux qui habitoient la châtellenie du Landeron, conserverent seuls la religion catholique qu’ils exercent librement depuis lors. On assure qu’un seul suffrage en décida. Mais il faut observer que ce changement se fit contre les desirs du prince qui ne donna point à cet égard l’exemple à ses sujets. C’est le seul pays actuellement protestant où cette singularité ait eu lieu ; & elle a valu aux ecclésiastiques réformés de cet état des droits beaucoup plus étendus que ceux dont ils jouissent ailleurs. Les peuples, devenus réformés sans le concours de l’autorité souveraine, se virent chargés seuls du soin de régler toutes les affaires qui concernoient la nouvelle religion de l’état, & acquirent conséquemment tous les droits qui leur étoient nécessaires pour remplir une obligation aussi essentielle. Les chefs des corps du pays dresserent donc des constitutions ecclésias-