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remplie de grands arbres, & en particulier de cacaotiers qui semblent ne former qu’un seul bocage. Il n’y a que les côtes de l’île qui soient habitées. Les Nicobarois y demeurent dans les baies proche la mer ; la terre n’est point défrichée plus avant dans le pays. Les hommes s’occupent principalement à la pêche avec leurs canots qui vont à la rame comme à la voile, & qui peuvent contenir 30 hommes.

Les naturels des iles Nicobar sont d’une couleur jaunâtre, basanée, & vont presque nuds ; ils sont grands & assez bien proportionnées, ils ont les cheveux noirs & lisses ; le visage alongé & le nez d’une grandeur médiocre. Ils sont d’excellens nageurs : leur langage leur est particulier. Les femmes n’ont point de sourcils, parce qu’apparemment elles se les arrachent.

Ils ne sont point divisés en castes ou tribus comme les peuples de Malabar & de Coromandel. On ne sait rien de leur religion, & le petit nombre d’Européens qui ont osé aborder dans cette île, n’ont découvert aucun monument public qui soit consacré à un culte religieux. Les Nicobarois passent pour être des gens cruels ; ils se nourrissent de fruits, de poissons & de racines ; car il ne croît ni blé, ni ris, ni autre sorte de grains dans leurs îles. Ils trafiquent de leurs poules & de leurs cochons, lorsque quelques vaisseaux partent : ils vendent aussi leurs perroquets qui sont fort estimés dans l’Inde, parce qu’il n’y en a point qui parlent si distinctement. Voyez de plus grands détails dans le P. de Charlevoix, les Lettres édifiantes ; Kœmpfer, Histoire du Japon ; & Dampier, Voyage autour du monde. (D. J.)

NICOLAI, (Littérat. & Botan.) Νικολάῳ, c’est le nom qu’Auguste donna aux dattes fameuses que produisoit la vallée de Jéricho. Il n’y en avoit point de plus estimées ; & l’empereur, pour les distinguer des dattes ordinaires, les appella du nom de nicolas, ainsi qu’Athénée nous l’apprend, l. XIV. c. xviij. Plutarque en parle en ces termes, selon la version d’Amyot, Propos de table, l. VIII. quest. iv. « Si la palme produisoit en Grece les dattes comme elle fait en Syrie ou en Egypte, ce seroit bien le plus beau fruit que l’on sauroit voir, le plus doux que l’on sauroit savourer, & n’y en auroit point d’autre qui fût digne de lui être comparé ; c’est pourquoi l’empereur Auguste aimant singulierement Nicolas, philosophe péripatéticien, appella les plus belles & les plus grandes dattes nicolas, & jusqu’aujourd’hui encore les appelle-t-on ainsi ».

Photius, Bibl. cod. 189, prétend que les nicolaï n’étoient point des dattes, mais des especes de gâteaux que Nicolas de Damas envoyoit en présent à Auguste. Eustathe, Suidas & Hesychius sont du même avis. Spanheim conjecture que les dattes faisoient le principal mérite de cette pâtisserie ; mais M. l’abbé Sevin me paroît en avoir mieux jugé dans les Mémoires de l’académie des Inscriptions. « Malgré mon respect, dit-il, pour ce savant homme (Spanheim), je ne serai point de son avis ; & cela avec d’autant plus de justice, que les paroles de Plutarque & d’Athénée ne sont pas susceptibles d’une semblable explication. Ces auteurs rapportent que les dattes de Nicolas de Damas, supérieures aux autres, & par leur grosseur & par leur bonté, furent appellées nicolaï ; ici il n’est point mention de gâteau : & dès-lors le parti que prend M. Spanheim doit paroître insoutenable. Quant à moi, je ne me ferai point un scrupule d’abandonner Hésychius & Suidas, lorsque leur autorité sera combattue par des témoins aussi respectables que le sont ceux dont on vient de parler ». Grotius préfere aussi l’autorité d’Athénée, de Plutarque & de Josephe à celle des auteurs plus modernes, Photius, Suidas & Hésychius. (D. J.)

NICOLAITES, s. m. pl. (Théol.) c’est une des plus anciennes sectes du christianisme ; ils tirent leur nom, selon quelques-uns, de Nicolas qui avoit été ordonné diacre de l’église de Jerusalem conjointement avec S. Etienne.

La maxime particuliere qui caractérisoit les Nicolaïtes, comme ils nous sont représentés par les historiens ecclésiastiques, c’étoit d’enseigner que toutes les femmes mariées devoient être communes, pour ôter toute occasion de jalousie.

D’autres écrivains ont noirci Nicolas d’autres impuretés ; mais Clément d’Alexandrie les impute toutes à ses disciples, qui ont abusé, à ce qu’il dit, des paroles de leur maître.

Il paroît que Nicolas avoit une très-belle femme, & que les apôtres le soupçonnoient d’en être jaloux, & de vivre avec elle d’une maniere trop lascive ; que pour dissiper ce soupçon, & convaincre les apôtres qu’il n’étoit point attaché à sa femme, il la fit venir en leur présence, & offrit de la céder à celui d’entr’eux qui auroit voulu l’épouser. Ce fait est confirmé par Eusebe, qui ajoute que Nicolas n’eut jamais plus d’une femme.

On accuse encore les Nicolaïtes de ce qu’ils ne faisoient point de scrupule de manger les viandes qui avoient été offertes aux idoles : qu’ils soutenoient que le pere de Jesus-Christ n’étoit pas le créateur ; que plusieurs d’entr’eux adoroient la fausse divinité Barbelo, qui habitoit le huitieme ciel, qui procédoit du pere, & qui étoit mere de Jaldabaoth, ou, selon d’autres, de Sabaoth, qui s’étoit emparé par la force du septieme ciel ; que d’autres donnoient le nom de Prounicos à la mere des puissances célestes, mais qu’ils s’accordoient tous à imputer des actions infâmes à cette mere pour autoriser sous ce prétexte leurs propres impuretés ; que d’autres enfin montroient des livres, & des prétendues révélations sous le nom de Jaldabaoth. S. Irenée & S. Epiphanes rapportent toutes ces extravagances, & représentent les Nicolaïtes comme les auteurs de la secte des Gnostiques. Voyez Gnostiques.

Cocceius, Hoffman, Vitringa & Maius croient que le nom de Nicolaïtes a été inventé à plaisir, pour signifier un homme adonné à la débauche & à la volupté, & ils ajoutent que ce nom n’a rien de commun avec Nicolas, l’un des sept diacres : & comme dans l’apocalypse il est fait mention de la doctrine des Nicolaïtes, immédiatement après Balaam & sa doctrine, ils comparent le nom de Balaam avec celui de Nicolas, qui ont à-peu-près la même signification dans leur langue originale, puisque Balaam en hebreu, & Nicolas en grec, se traduisent également par prince, ou maître du peuple.

Maïus ajoute qu’il est assez probable que les Nicolaïtes se vantoient d’être les disciples d’un des sept diacres ; mais que cette prétention étoit mal fondée, quelque chose qu’aient pu dire au contraire les anciens qui ont péché quelquefois par trop de crédulité.

Cassien, collat. 18. ch. xvj. dit que quelques-uns distinguoient Nicolas, auteur de la secte des Nicoloïtes, de Nicolas, l’un des sept premiers diacres. Il veut apparemment marquer l’auteur des constitutions apostoliques, qui disent que c’est à faux que les Nicolaïtes se disent disciples de Nicolas, l’un des des sept diacres, ou S. Clément d’Alexandrie, qui parle toujours fort avantageusement de ce dernier. La secte des Nicolaïtes se renouvella sous Louis le Debonnaire, vers l’an 852, comme le dit Sigebert de Gemblours dans sa chronique, & encore au xj. siecle sous le pape Urbain II. Ces Nicolaïtes modernes étoient certains prêtres diacres & soudiacres, qui soutenoient que le mariage leur étoit permis. Ils furent condamnés au concile de Plaisance, l’an 1095.