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une piece d’argent que l’on donnoit à la fiancée : Recevez cet argent pour gage que vous serez mon épouse, disoit le jeune homme à sa prétendue. Ils avoient dès-lors la liberté de se voir ; & si pendant le tems qui s’écouloit depuis les fiançailles jusqu’au mariage la fille commettoit quelqu’infidélité, elle pouvoit être traitée comme adultere.

Lorsque le tems de conclure le mariage étoit arrivé, on en dressoit le contrat, & au jour arrêté on conduisoit le fiancé & la fiancée dans une salle préparée, on les plaçoit sous un dais, & on leur mettoit un voile quarré que les Hébreux appellent teled ; ensuite le chantre de la synagogue ou le plus proche parent du marié, remplissoit une tasse de vin ; & ayant prononcé cette bénédiction : Soyez beni, seigneur, qui avez créé l’homme & la femme, & ordonné le mariage, il leur en donnoit à boire. Puis l’époux mettoit un anneau au doigt de son épouse en présence de deux témoins, & lui disoit : Par cet anneau vous êtes mon épouse, suivant l’usage de Moïse & d’Israël.

On croit qu’avant la ruine du temple de Jérusalem, l’époux & l’épouse portoient des couronnes dans la cérémonie de leurs noces, & l’Ecriture fait mention de celle de l’époux : Je me réjouirai au Seigneur comme un époux orné de sa couronne. Isaïe, lxj. 10. Et dans le cantique : Filles de Jérusalem, venez voir le roi Salomon orné de la couronne que sa mere lui a mise le jour de son mariage. iij. 11. On apportoit ensuite une deuxieme fois du vin dans un vase fragile ; & après plusieurs bénédictions, on présentoit à boire aux mariés, & on jettoit le reste à terre en signe d’allégresse ; l’époux prenoit le vase & le cassoit avec force, pour marquer que les plus grandes joies sont suivies des plus grands chagrins. Alors tous les assistans souhaitoient aux nouveaux mariés mille prospérités, comme cela se fit au mariage d’Isaac & de Rebecca, imprecantes prospera sorori suæ, atque dicentes, soror nostra es, crescas in mille millia. Genese, xxjv. 60.

Le repas de la noce se faisoit avec beaucoup de bienséance : on chantoit à table des louanges & des cantiques en l’honneur de Dieu, pour imiter ce qui se passa dans le repas que donna Raguel quand il maria sa fille Sara au jeune Tobie. On voit par l’évangile que l’on donnoit à l’époux un paranymphe, que Jesus-Christ appelle l’ami de l’époux : son devoir étoit de faire les honneurs de la noce, d’exécuter les ordres de l’époux. Mais l’ami de l’époux, dit S. Jean Baptiste, qui est debout & qui obéit à la voix de l’époux, se réjouit d’obéir à sa voix. Joan. iij. 29.

L’époux avoit toujours auprès de lui un nombre de jeunes gens, & l’épouse de jeunes filles, qui les accompagnoient par honneur pendant les jours de la noce. On le voit dans l’histoire du mariage de Samson : ces jeunes gens prenoient plaisir à proposer des énigmes, & l’époux distribuoit des prix à ceux qui les expliquoient.

La cérémonie de la noce duroit sept jours pour une fille, & trois jours pour une veuve. Imple hebdomadam hujus copulæ, & hanc quoque dabo tibi, disoit Laban à Jacob, Gen. xxjx. 26. Nous voyons aussi que les noces de Samson & celles du jeune Tobie durerent sept jours entiers.

Les sept jours de réjouissance qui se faisoient dans la maison du pere de la fille étant passés, on conduisoit l’épouse dans la maison du marié ; on choisissoit le tems de la nuit, comme il paroît dans la parabole des dix vierges, qui allerent au-devant de l’époux & de l’épouse. Cette action se faisoit avec pompe : nous en avons un exemple dans les Macchabées, où il est dit que le fils de Jambri ayant fait des noces à Meduba, comme on menoit en grande solemnité l’épouse au logis de l’époux, & que les amis du mari venoient

au-devant d’elle avec des instrumens de musique, les Macchabées tomberent sur eux & les dissiperent. Macch. xxxvij & seq. Voyez de plus grands détails dans Spencer, & les auteurs des cérémonies & coutumes des Hébreux. (D. J.)

Noce aldobrandine, la, (Peint. antiq.) morceau de peinture antique ; c’est une frise qu’on a trouvée dans les ruines de Rome, & qu’on a placée dans le palais Aldobrandin, avec la partie du mur sur laquelle elle étoit peinte. Cette frise représente une noce : la mariée est assise sur le bord du lit ; elle panche la tête, & fait, dit Misson, la difficile, pendant qu’une matrone la console d’un air riant, l’instruit & la persuade. L’époux couronné de lierre & tout deshabillé, est assis auprès du lit avec un certain air d’impatience. Quatre ou cinq femmes préparent en divers endroits des bains & des onguens aromatiques : une musicienne joue de la lyre ; une autre chante apparemment quelque épithalame.

Nous ignorons si la noce aldobrandine & les autres morceaux qui nous restent de la peinture antique, sont d’un grand coloriste ou d’un ouvrier médiocre de ces tems-là ; ce qu’on peut dire de certain sur leur exécution, c’est qu’elle est très-hardie. Ces morceaux paroissent l’ouvrage d’artistes autant les maîtres de leur pinceau que Rubens & que Paul Véronese l’étoient du leur. Les touches de la noce aldobrandine, qui sont très-heurtées, & qui paroissent même grossieres quand elles sont vûes de près, font un effet merveilleux lorsqu’on considere ce tableau à la distance de vingt pas ; & c’étoit apparemment de cette distance qu’il étoit vû sur le mur où le peintre l’avoit fait. (D. J.)

NOCHER, s. m. (Marine.) c’est un vieux terme qui signifioit pilote. Les Poëtes l’ont employé souvent en ce sens. On s’en sert quelquefois pour dire contremaître, comme on peut le voir dans l’ordonnance de la Marine.

NOCIUOLO, (Hist. nat.) nom que les pêcheurs de Livourne donnent à une espece de chien de mer qui pese quelquefois jusqu’à 300 livres, qui a six brasses de longueur. On croit que c’est le poisson appellé roussette.

NOCOR, (Géog.) riviere d’Afrique au royaume de Fez ; elle sort des montagnes d’Elchans, & se jette dans la mer Méditerranée. Castel croit que c’est le Molocath de Ptolomée, l. IV. c. j.

NOCTAMBULE & NOCTAMBULISME, s. m. (Medecine.) νοκτοϐατης ; ce nom est composé de deux mots latins, nocte, ambulans, dont le cens est qui se promene de nuit. On avoit donné ce nom à ces personnes qui se levent la nuit en dormant, & qui se promenent, parlent, écrivent, ou font d’autres actions même pénibles & malaisées sans s’éveiller, souvent avec la même exactitude qu’étant bien éveillés. On en a vu quelquefois qui étoient plus spirituels, plus industrieux & plus adroits, quoiqu’ensevelis dans un profond sommeil. On appelle la maladie noctambulisme. Sennert se sert aussi, pour la désigner, du mot nocti-surgium, qui signifie se lever la nuit ; mais ces dénominations ne sont pas aussi exactes ni aussi usitées que celles de somnambule & somnambulisme (voyez ces mots), car on peut, quoique nullement atteint de cette maladie, se lever & promener la nuit. Les promenades nocturnes sont très-ordinaires à des personnes bien éveillées ; d’ailleurs on peut être attaqué du somnambulisme dans le jour ; c’est ce qui arrive à ceux qui font la méridienne. Castellus dit avoir vu un célebre théologien qui s’endormoit tous les jours après son dîné ; & dès que son sommeil étoit bien décidé, il se levoit, promenoit, faisoit la conversation avec son épouse, & retournoit ensuite dans le fauteuil où il s’étoit endormi ; à son