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gent en mûrissant. Les Indiens lui donnent le nom de chosoal. Ils le font sécher au soleil, & ensuite ils le mêlent avec du betel, des huîtres brûlées, du lycuim, du camphre, du bois d’aloës & de l’ambre gris, pour faire des trochisques, qu’ils mâchent pour faire couler plus abondamment la salive. Ces mêmes Indiens font épaissir le suc des fruits de l’areque, & alors ils le nomment caché.

Noix ben, (Botan. exot.) vous trouverez au mot Ben la description complette de ce fruit, de l’huile qu’on en tire, & de son usage.

La noix ben croît en Espagne, en Arabie, en Ethiopie & dans les Indes. Elle a été connue des Grecs, des Romains & des Arabes, comme il paroît par les écrits de Théophraste, de Dioscoride, de Pline & de Mesué. Ils l’ont nommé βάλανος, μυρεψικὴ, μυροβάλανος, glans ægyptia, & glans unguentaria.

L’huile qu’on en tire par expression, oleum balanicum, ne rancit presque jamais, & n’a ni goût, ni odeur ; elle est très-utile aux parfumeurs pour prendre l’odeur des fleurs, & en faire des essences agréables. Les dames s’en servent aussi pour adoucir la peau ; & on la mêle avec du vinaigre & du nitre pour guérir les petits boutons, & calmer les démangeaisons. Horace appelle cette huile balanus.

Pressa tuis balanus capillis
Jamdudum apud me est.


« J’ai aussi, dit-il à Mécénas, de l’essence de ben, que j’ai fait tirer exprès pour parfumer vos cheveux ». Les parfumeurs romains savoient très-bien exprimer de cette noix une sorte d’huile qui faisoit un parfum exquis ; mais la plus estimée, au rapport de Pline, venoit de Pétra, aujourd’hui Grac, ville d’Arabie. Mécénas étoit l’homme du monde qui aimoit le plus le parfum, & qui y faisoit le plus de dépense : c’est sur ce soin qu’il avoit de se parfumer, qu’est fondé le bon mot d’Auguste, qui pour dépeindre le caractere du style de son favori, l’appelloit μυροτρίχεις, ajusté comme ses cheveux. (D. J.)

Noix de cyprès, (Mat. méd.) Voyez Cyprès.

Noix de Galle, (Hist. nat. des végét.) en latin galla, en grec κουρίδες ; ce sont des excroissances contre nature qui se forment sur divers chênes en divers pays, à l’occasion de la piquure de quelques insectes.

Nous tirons divers services des insectes sans aucune reconnoissance. Comme plusieurs d’eux trouvent la vie & le couvert sur de certaines plantes, c’est au soin qu’ils prennent d’y loger leurs petits, que nous devons l’invention ou la matiere des plus belles couleurs que l’on emploie, soit dans la Peinture, soit dans la Teinture, telles que sont, par exemple, le vermillon & l’écarlate. Nous devons en particulier le plus beau noir de nos étoffes de soie & de laine aux noix de galle, pur ouvrage des moucherons.

On a tort de les appeller noix, puisque ce sont des excroissances contre nature. Il est vrai qu’elles ont une sorte de noyau, & qu’on les recueille sur un arbre : mais elles n’ont qu’une fausse apparence de noix ou de fruit, sans être ni l’un ni l’autre. Il n’y a presque point de plante qui ne soit de même piquée par un insecte, & qui ne produise de ces prétendues noix de toute couleur & de toute grandeur. Il y a des arbres dont les feuilles en sont entierement parsemées ; mais on ne leur a point donné de nom, parce qu’on n’en fait point d’usage, & peut-être en tirera-t-on dans la suite de celles qui croissent sur le plane, sur le peuplier, sur le saule, sur le bouis, sur le lierre, &c. Les secrets des arts ne sont point épuisés.

Les noix de galle, puisque l’usage leur a donné ce nom impropre, viennent sur des chaînes ou sur

des arbres qui portent du gland, mais non pas sur toutes les especes de chêne, ni dans tous les pays. Le chêne qui porte les galles s’appelle robre ou rouvre ; en latin, par les botanistes, robur. J. B. I. ij. 76. Raii, hist. II. 1386. Quercus gallam exiguæ nucis magnitudine ferens, C. B. P. 420. Tourn. inst. 583.

Il croît dans le Levant, dans la Pannonie, dans l’Istrie, en Italie, en Provence, en Gascogne, &c.

Cet arbre est plus bas que le chêne ordinaire, mais fort gros & souvent tortu ; son bois est fort dur, ses feuilles sont découpées à ondes assez profondes, couvertes d’un duvet délicat ; ses fleurs sont des chatons, & ses fruits des glands plus petits que ceux du chêne commun. Ses feuilles, fruit, écorce, sont astringens, résolutifs, & ont les mêmes vertus que ceux du chêne ordinaire ; mais le rouvre ne fournit pas des galles dans tous les pays ; par exemple, il n’en porte point en Angleterre ; la raison qu’en dit Ray est excellente, c’est que l’on ne voit point dans les îles britanniques les insectes qui donnent naissance aux noix de galle, & qu’il est constant que c’est à leur piquure que ces sortes d’excroissances contre nature doivent leur origine. Voici comme elles se forment suivant les observations de Malpighi qui le premier a développé ce méchanisme de végétation.

Certains petits insectes, & sur-tout certaines mouches piquent les bourgeons, les feuilles & les rejettons les plus tendres des rouvres ; ils en déchirent les vaisseaux les plus minces, & en font sortir une humeur qui se forme d’abord en une coque ou vessie, & puis se remplit & se durcit. En effet, le cœur du bouton étant entamé par la tariere de l’insecte, le cours du suc nourricier est interrompu. La seve détournée de son chemin s’extravase, s’enfle & se dilate à l’aide des bulles d’air qui entrent par les pores de l’écorce, & qui roulent dans les vaisseaux avec la seve. Cette vessie se seche en dehors, & l’air extérieur la durcit quelque peu en forme de croute ou de noyau. Cette boule se nourrit, végete & grossit avec le tems, comme le reste de l’arbre. On conçoit bien que le suc coulant de la plaie que la mouche a faite, il abonde ici avec plus d’abondance, parce que la résistance est diminuée, ensorte que les vaisseaux se distendent de plus en plus par l’humeur qui s’y répand.

Ces vessies sont destinées à être comme la matrice qui doit recevoir les œufs que pondent ces insectes, les conserver, les échauffer, les faire éclorre & les nourrir. Toutes ces vérités se justifient à l’œil & à l’examen. Quand on ouvre les noix de galle mûres & récentes, on trouve à leur centre des vermisseaux, ou plutôt des nymphes qui se développent insensiblement & se changent en mouches qui sont quelquefois d’un genre différent.

Peu de tems après qu’elles sont formées, elles se cherchent une issue en rongeant la substance de la noix de galle, & enfin elles font un trou rond à la superficie, par lequel elles sortent & s’envolent. Si les noix de galle ne sont pas percées, on y trouve le vermisseau ou la mouche : mais si elles sont ouvertes, on les trouve vuides ou remplies d’autres animaux qui sont entrés par hasard dans les trous, & se sont cachés dans ces petites tanieres ; on y trouve, par exemple, quelquefois une petite araignée qui profite du domicile vuide : elle y tend des filets proportionnés à la grandeur de la place, & y attrape les pucerons sans expérience qui y viennent chercher aventure.

On distingue deux sortes de noix de galle dans les boutiques, savoir celles d’orient, que l’on appelle noix de galle d’Alep ou Alepines, & celle de notre pays.

Les noix de galle d’Alep sont arrondies, de la