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nier Tarquin, ne lui fut donné que par le peuple mécontent de son gouvernement.

Le surnom de Coriolan fut donné à Caius Martius comme une marque de reconnoissance du service qu’il avoit rendu a l’état, marque d’autant plus distinguée que ce fut le premier qui en fut honoré ; & on ne trouve point qu’on l’ait accordé depuis à d’autre qu’à Scipion, surnommé l’Africain, à cause des conquêtes qu’il avoit faites en Afrique : ce fut a son imitation que l’usage en devint commun par la suite, & que cette distinction fut fort ambitionnée. Rien en effet ne pouvoit être plus glorieux pour un homme qui avoit commandé les armées, que d’être surnommé du nom de la province qu’il avoit conquise ; mais on ne le pouvoit pas prendre de son chef, il falloit l’aveu du senat ou du peuple : les empereurs même ne furent pas moins sensibles à cet honneur que le sénat leur a souvent prodigué par flatterie, sans qu’ils l’eussent mérité.

Les freres étoient ordinairement distingués par le prénom, comme Publius Scipion & Lucius Scipion, dont le premier fut appelé l’Africain & le second l’Asiatique. Le fils de l’Africain ayant une santé fort délicate, & étant sans enfans, adopta son cousin germain, le fils de L. Emillus Paulus, celui qui vainquit Persée, roi de Macédoine. Celui-ci fut appellé dans la suite P. Cornel. Scipio Africanus, Æmilianus & Africanus minor, par la plûpart des historiens. Cependant ce nom ne lui fut point donné de son vivant, mais après sa mort, pour le distinguer de l’ancien Scipion l’Africain. Nous en avons encore un autre exemple dans Q. Fabius Maximus qui est désigné par trois surnoms : étant enfant, on l’appella ovicula, c’est-à dire, petite brebis à cause de sa douceur. On l’appella ensuite verrucosus, par rapport à une verrue qui lui étoit survenue sur la levre. Puis on l’appella cunctator, c’est-à dire, temporiseur, à cause de sa conduite prudente à l’égard d’Annibal.

Pendant quelque tems, les femmes porterent aussi un nom propre particulier, qui se mettoit par des lettres renversées ; par exemple, C & M renversées, signifioient Caia & Marcia : c’étoit une maniere de désigner le genre féminin, mais cette coutume se perdit dans la suite. Si les filles étoient uniques, on se contentoit de leur donner simplement le nom de leur maison ; quelquefois on l’adoucissoit par un diminutif, au lieu de Tullia, on disoit Tulliola. Si elles étoient deux, on les distinguoit par les noms d’aînée & de cadette ; si elles étoient en plus grand nombre, on disoit la premiere, la seconde, la troisieme : par exemple, l’amée des sœurs de Brutus s’appelloit Junia major ; la seconde, Junia minor ; & la tromeme, Junia tertia. On faisoit aussi de ces noms un diminutif, par exemple, secundilla, deuxieme. quartilla, quatrieme.

On donnoit le nom aux enfans le jour de leur purification qui étoit le huitieme après leur naissance, pour les filles ; & le neuvieme, pour les garçons. On donnoit le prénom aux garçons, lorsqu’ils prenoient la robe virile ; & aux filles, quand elles se marioient.

A l’égard des esclaves, ils n’eurent d’abord d’autre nom que le prénom de leur maître un peu changé, comme lucipores, marcipores pour Lucii, Marci pueri, c’est-à dire, esclaves de Lucius ou de Marcus ; car puer se disoit pour servus, sans avoir égard à l’âge. Dans la suite, on leur donna des noms grecs ou latins suivant la volonté de leur maître, ou bien on leur donna un nom tiré de leur nation & de leur pays, ou finalement un nom tiré de quelque évenement. Dans les comédies de Terence, on les nomme syrus, geta, &c. & dans Ciceron, tiro, laurea, dardanus. Lorsqu’on les affranchissoit, ils prenoient le nom propre de leur maître, mais non pas son surnom, & ils y ajoutoient pour surnom celui qu’ils portoient avant leur liberté. Ainsi lorsque Tiro, es-

clave de Ciceron, fut affranchi, il s’appella Marcus Tullius Tiro. (D. J.)

Nom, nomen, (Critiq. sacrée.) Ce mot, pris absolument, signifie quelquefois le nom ineffable de Dieu : cumque blasphemasset nomen, « ayant blasphémé le nom saint » ; Lév. xxiv. 11. Il marque aussi la puissance, la majesté : vocabo in nomine Domini, « je ferai éclater devant vous mon nom » ; Exod. xxxiij. 19. est nomen meum in eo, « ma majesté & mon autorité résident en lui » ; Exod. xxiij. 21. Il se prend pour une dignité éminente : donavit illi nomen quod est super omne nomen ; Phil. ij. 9. oleum effusum nomen tuum ; Cant. j. 2. « votre réputation est comme un parfum ». Prendre le nom de Dieu en vain, c’est jurer faussement : imposer le nom, est une marque d’autorité. Novite ex nomine ; Exod. xxxiij. 12. connoître quelqu’un par son nom, signifie une distinction, une amitié, une familiarité particuliere. Susciter le nom d’un mort, se dit du frere d’un homme decédé sans enfans, lorsque le frere du mort épouse la veuve, & en a des enfans qui font revivre son nom en Israël ; Deut. xxv. 5.

Dans un sens contraire, effacer le nom de quelqu’un, c’est en exterminer la mémoire, détruire ses enfans, & tout ce qui pourroit faire vivre son nom sur la terre : nomen eorum delevisti in æternum ; Ps. iij. 6. fornicata est in nomine meo, « le Seigneur se plaint que Juda a souillé son sacré nom ; » Ezech. xvj. 15. Habes pauca nomina in Sardis, qui non inquinaverunt vestimenta sua : il se prend dans ce dernier passage pour des personnes ; Apocal. iij. 4. (D. J.)

Nom de baptême, (Hist. des usages.) sorte de prénom que les chrétiens mettent devant le nom de famille, & que le parrain & la marraine donnent à un enfant quand on le baptise. On tire ordinairement ces sortes de noms de l’Ecriture ; mais tout le monde ne s’en tient pas là. C’est déja trop, dit la Bruyere, d’avoir avec le peuple une même religion & un même Dieu ; quel moyen encore de s’appeller Pierre, Jean, Jacques, comme le marchand ou le laboureur ? Evitons d’avoir rien de commun avec la multitude ; affectons au contraire toutes les distinctions qui nous en séparent : qu’elle s’approprie les douze apôtres, leurs disciples, les premiers martyrs (tels gens, tels patrons) : qu’elle voie avec plaisir revenir toutes les années ce jour particulier que chacun célebre comme sa fête ; pour nous autres grands, ayons recours aux noms profanes ; faisons-nous baptiser sous ceux d’Annibal, de César ou de Pompée, c’étoit de grands hommes ; sous celui de Lucrece, c’étoit une illustre romaine ; sous ceux de Renaud, de Roger, d’Olivier, de Tancrede, c’étoient des Paladins, & le roman n’a point de héros plus merveilleux ; sous ceux d’Hector, d’Achille, d’Hercule, tous demi-dieux ; sous ceux même de Phœbus & de Diane : & qui nous empêchera de nous faire nommer Jupiter, Mercure, Vénus ou Adonis ! (D. J.)

Nom social, (Commerce.) se dit dans une société générale & collective, du nom que les associés doivent signer suivant la raison de la société ; ensorte que suppose que la raison de la société fût sous les noms de Jacques, Philippe & Nicolas pour le commerce qu’ils veulent faire ensemble, toutes les lettres missives, lettres de change, billets payables à ordre ou au porteur, quittances, factures, procurations, comptes & autres actes concernant cette société, doivent être signés par l’un ou l’autre des associés, & sous les noms de Jacques, Philippe & Nicolas en compagnie, qui est le nom social.

NOMADES, (Géog. anc.) nom générique donné à divers peuples qui n’avoient point de demeure fixe, & qui en changeoient perpétuellement pour chercher de nouveaux pâturages. Ainsi ce mot ne