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pour l’acte de divorce, lequel, suivant saint Augustin, liv. XIX. ch. xxvj. contre Faustus, devoit être écrit par un scribe ou écrivain public.

Il est parlé dans Jérémie, ch. xxxij. V. 10. d’un contrat de vente qui fut fait double, l’un qui demeura ouvert, l’autre qui fut plié, cacheté & scellé, puis remis entre les mains d’un tiers en présence de témoins ; ce double, suivant Vatable, tenoit lieu d’original, & étoit cacheté du sceau public, annulo publico. Vatable ajoute que quand il y avoit contestation en justice pour raison d’un tel acte, les juges n’avoient égard qu’à celui qui étoit cacheté ; qu’au reste on ne se servoit point de tabellions en ce tems-là, mais que les contractans écrivoient eux-mêmes le contrat & le signoient avec les témoins. Il dit pourtant ensuite que quelquefois on se servoit d’écrivains ou tabellions publics ; & c’est ainsi qu’il explique ce passage : lingua mea calamus scribæ velociter scribentis.

Les scribes chez les Juifs étoient de trois sortes : les uns, qu’on appelloit scribes de la loi, écrivoient & interprétoient l’Ecriture ; d’autres, que l’on appelloit scribes du peuple, étoient de même que chez les Grecs une certaine classe de magistrature ; d’autres enfin, dont la fonction avoit un peu plus de rapport à celle de notaires, étoient proprement les greffiers ou secrétaires du conseil, lesquels tenoient lieu de notaires en ce qu’ils recevoient & cachetoient les actes qui devoient être munis du sceau public.

Aristote, liv. VI. de ses polit. ch. viij. faisant le dénombrement des officiers nécessaires à une cité, y met celui qui reçoit les sentences & contrats dont il ne fait qu’un seul & même office ; il convient néanmoins qu’en quelques républiques ces offices sont séparés, mais il les considere toûjours comme n’ayant qu’un même pouvoir & autorité.

Les Athéniens passoient aussi quelquefois leurs contrats devant des personnes publiques que l’on appelloit comme à Rome argentarii ; c’étoient des banquiers & changeurs qui faisoient trafic d’argent, & en même tems se mêloient de négocier les affaires des particuliers.

Chez les Romains, ceux à qui ces argentiers faisoient prêter de l’argent, reconnoissoient avoir reçu la somme, quoiqu’elle ne leur eût pas encore été payée, comptée & délivrée ; ils écrivoient le nom du créancier & du débiteur sur leur livre qui s’appelloit kalendarium, lequel étoit public & faisoit foi en justice, & cette simple inscription sur ce livre étoit ce qu’ils appelloient litterarum seu nominum obligatio.

Cette façon de contracter avoit cessé d’être en usage dès le tems de Justinien, comme il est marqué au commencement du titre 22. des institutes de litter. oblig.

Ils étoient obligés de communiquer ces livres à tous ceux qui y avoient intérêt, parce que leur ministere étoit public, comme le remarque M. Cujas ; & s’ils le refusoient, on les y contraignoit actione in factum prætoriâ, qui avoit été introduite spécialement contre eux à cet effet, comme dit M. Colombet en ses paratitles ff. de edendo. M. Cujas, ad leg. XL. ad leg. aquil. lib. III. Pauli ad edict. dit que si, faute par l’argentier de représenter ses livres, quelqu’un perdoit son procès, l’argentier étoit tenu de l’indemniser du principal & des frais, mais l’argentier n’étoit tenu de montrer à chacun que l’endroit de son registre qui le concernoit, & non pas tout le registre entier.

Tout ce qui vient d’être dit avoit lieu aussi contre les héritiers quoiqu’ils ne fussent pas argentiers, sur quoi il faut voir au digeste le titre de edendo, & la novelle 136. de argentarii contractibus.

La forme requise dans ces livres étoit que le jour

& le consulat, c’est-à-dire, l’année où l’affaire s’étoit faite y fut marquée.

Ceux qui avoient remis leur argent en dépôt avoient un privilege sur les biens des argentiers, mais il n’y avoit point de semblable privilege pour ceux qui avoient donné leur argent, afin qu’on le fit profiter & pour en tirer intérêt, comme il est décidé dans la loi si ventri ff. de rebus autorit. jud. possid.

Pancirol. var. quæst. lib. I. ch. xxxj. prétend que si on ajoutoit foi à leurs registres, ce n’étoit pas comme Accurse a prétendu parce qu’ils étoient choisis & nommés par le peuple, mais parce que leur fonction étoit d’elle-même toute publique, & ob publicam causam, étant d’ailleurs permis à tout le monde de l’exercer.

Everhard, de fide instrum. cap. j. n. 34. prétend au contraire qu’il y avoit deux sortes d’argentiers, les uns établis par la ville en certain lieu où chacun pouvoit sûrement porter son argent, d’autres qui faisoient commerce de leur argent pour leur compte. Il y a apparence que les premiers étoient les seuls dont ces registres fissent une foi pleine & entiere, ceux-là étant les seuls qui fussent vraiment officiers publics.

Les argentiers pouvoient exercer leur commerce par leurs enfans & même par leurs esclaves ; ceux-ci pouvoient aussi exercer en leur nom jusqu’à concurrence de leur pécule, mais les femmes n’y étoient pas reçues.

Il paroît au surplus que les argentiers ne recevoient pas indifféremment toutes sortes de contrats, mais seulement ceux qui se faisoient pour prêt de part ou autre négociation d’argent.

En effet, il y avoit chez les Romains, outre les argentiers, plusieurs autres personnes qui recevoient les contrats & autres actes publics ; savoir, des notaires, tabellions, & autres personnes.

Les fonctions des notaires & tabellions ont tant de connexité avec celles de greffier, que dans les lois romaines ces termes scribæ & tabularii sont communément joints ensemble, comme on voit au code de tabulariis, scribis & logographis ; & quoique dans l’usage le terme de scriba se prenne ordinairement pour greffier, & tabularius pour tabellion, il est néanmoins certain que dans les anciens textes le terme de scriba comprend aussi tous les praticiens en général, & particulierement les tabellions aussi-bien que les greffiers, témoin la vingt-unieme épître de Cassiodore, lib. XII. variar. écrite au scribe de Ravenne, où l’on voit qu’il étoit à-la-fois greffier & tabellion : aussi dans le vetus glossarium, tabularius sive tabellio dicitur scriba publicus ; le terme de tabularius est aussi souvent pris pour greffier.

Pour ce qui est de la qualité de notaire, elle étoit commune chez les Romains à tous ceux qui écrivoient sous autrui, soit les sentences, soit les contrats, suivant ce que dit Lampride dans la vie d’Alexandre Severe, où il rapporte qu’un notaire, notarium, qui avoit falsifié un jugement rendu dans le conseil de l’empereur, fut banni après avoir eu les nerfs des doigts coupés, afin qu’il ne pût jamais écrire.

Loyseau tient que par le terme de notaire on entendoit proprement ceux qui recevoient & faisoient le plumitif des sentences ou contrats, & que l’on distinguoit des scribes & tabellions par le titre d’exceptores ; on comprenoit même sous ce terme notaires ceux qui recevoient les contrats sous les tabellions, & en général tous ceux qui avoient l’art & l’industrie d’écrire par notes & abréviations : notas qui didicerent propriè notarii appellantur, dit saint Augustin, lib. II. de doctrinâ christ. Ces notes n’étoient point composées de mots écrits en toutes lettres, une seule